Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Var a déféré au tribunal administratif de Toulon, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la SARL Palmari et compagnie et a demandé à la juridiction de condamner l'intéressée au paiement d'une amende, des frais d'établissement du procès-verbal et d'instance, ainsi qu'à l'enlèvement de ses installations excédentaires sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, sous astreinte, en autorisant l'administration à y procéder, le cas échéant, d'office.
Par un jugement n° 2102404 du 26 janvier 2023, rectifié par ordonnance du 30 mars 2023, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a relaxé la SARL Palmari et compagnie des fins de la poursuite.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2023 ;
2°) de condamner la SARL Palmari et compagnie au paiement de l'amende prévue par le décret du 25 février 2003 ;
3°) de condamner la SARL Palmari et compagnie à l'enlèvement de ses installations excédentaires sur la plage de Pampelonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en autorisant l'administration à y procéder, le cas échéant, d'office.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il retient que l'agent vérificateur n'a pas procédé à la mesure de la surface totale occupée ;
- le dépassement de la surface d'occupation autorisée est établi par le procès-verbal de contravention de grande voirie, comprenant des annexes, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire et qui est suffisamment précis ; la SARL Palmari et compagnie n'apporte aucun élément de nature à démontrer le caractère erroné de ses énonciations ; peu importe que ce dépassement résulte de l'installation de matériels de plage ou de restauration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, la SARL Palmari et compagnie, représentée par Me Robert-Védie, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à la limitation du montant de l'amende, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève et reprend, de façon subsidiaire, ses moyens de défense de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code pénal ;
- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Espeisse, substituant Me Robert-Védie, représentant la SARL Palmari et compagnie.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Palmari et compagnie exploite, sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, un lot de plage de 628 m², sous-traité par la commune en vertu de la concession qui a été accordée à celle-ci par arrêté préfectoral. Elle y exerce une activité de restauration et de location de matériel de plage sous l'enseigne " Bar du Soleil ". Le préfet du Var a déféré l'intéressée au tribunal administratif de Toulon, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, à raison de l'occupation d'une surface supérieure à celle qui lui était autorisée. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement du magistrat désigné près le tribunal, ayant relaxé la SARL Palmari et compagnie des fins de la poursuite.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen de relaxe retenu par le magistrat désigné :
2. Aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ".
3. Le procès-verbal servant de base aux poursuites, daté du 9 juillet 2021, mentionne qu'a été constatée, lors du contrôle du lot de plage exploité par la SARL Palmari et compagnie, une implantation " sur un linéaire de 37 m, soit 7 m de plus que le linéaire autorisé (30 m), représentant une occupation excédentaire du lot de plage d'environ 140 m² ". S'il ressort de cette rédaction que la vérificatrice a fait un calcul approximatif de la superficie occupée irrégulièrement, au regard de la profondeur autorisée pour l'installation, fixée entre 19,25 et 22,29 mètres par le sous-traité d'exploitation selon les endroits, et qu'elle n'a pas compté le nombre de transats, de parasols, de tables et de chaises concernés, il n'en résulte pas qu'elle n'aurait pas mesuré précisément et rigoureusement la longueur de dépassement du linéaire autorisé, alors que le procès-verbal, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, mentionne explicitement et sans aucune ambigüité un dépassement de 7 mètres. Ce dépassement, qui concerne donc l'intégralité de la profondeur d'occupation autorisée, est en outre illustré par une photo des 37 mètres de linéaires de transats et parasols ainsi que par un croquis établi à partir du plan de zonage de la concession, dont il n'était pas nécessaire qu'il soit l'œuvre d'un dessinateur, et qui est suffisamment précis pour permettre la localisation du dépassement. Ce croquis mentionne à nouveau en légende " dépassement de 7 mètres linéaires représentant une occupation excédentaire d'environ 140 m² sur laquelle sont implantés les 45 m² de restauration non autorisés ". Il ressort également globalement du document que " l'installation de tables et chaises à usage de restauration dans le sable, hors du périmètre du lot, pour une surface non autorisée d'environ 45 m² " se trouve à l'arrière des transats, intégrée aux 140 m² d'occupation excédentaire. La SARL Palmari et compagnie, qui a nécessairement parfaite connaissance du plan de zonage de la concession, n'apporte pour sa part, comme le relève l'administration, aucun élément de nature à démontrer le caractère erroné des éléments ainsi rapportés. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif a estimé que le procès-verbal était insuffisamment précis et n'établissait pas la réalité du dépassement de la surface maximale autorisée pour l'exploitation de ce lot de plage et qu'il a, pour ce motif, relaxé la SARL Palmari et compagnie des fins de la poursuite.
4. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande du préfet telle qu'elle est reprise par le ministre et d'examiner les autres moyens de défense opposés devant le tribunal administratif.
En ce qui concerne la régularité des poursuites :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal judiciaire, les agents de police judiciaire et les officiers de police judiciaire, ainsi que les agents des douanes, sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie ".
6. Il ressort de la carte de commissionnement de la vérificatrice ayant dressé le procès-verbal de contravention de grande voirie du 9 juillet 2021, Mme C... B..., que l'intéressée a dûment prêté serment devant le tribunal de police de Toulon le 8 septembre 2011. Le moyen tiré de ce que ce procès-verbal aurait été dressé par un agent non assermenté doit dès lors être écarté comme manquant en fait.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / (...) / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance ".
8. En l'espèce, et alors que le délai de dix jours n'est pas prescrit à peine de nullité, le procès-verbal du 9 juillet 2021 a été notifié à la SARL Palmari et compagnie par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 13 août 2021, distribué le 21 août. Ce courrier, ainsi que la saisine du tribunal administratif, datée du même jour et enregistrée le 6 septembre suivant, ont été signés par Mme A... D..., directrice de cabinet du préfet du Var.
9. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 2021/28/MCI du 27 mai 2021, dûment publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Var n° 111 du même jour, le préfet a donné délégation à M. Serge Jacob, secrétaire général de la préfecture, " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents, relevant des attributions de l'Etat dans le département du Var, (...), ainsi que toutes requêtes, déférés, mémoires auprès des juridictions, (...) ". Cette délégation couvre ainsi les notifications de copies des procès-verbaux de grande voirie et les saisines du tribunal administratif à fins de poursuite. Or, l'article 2 de cet arrêté précise : " En cas d'absence ou d'empêchement de M. Serge Jacob, la délégation qui lui est conférée par l'article 1er du présent arrêté est exercée par Mme A... D..., directrice de cabinet du préfet du Var, (...) ". Il s'en suit, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. Serge Jacob n'était pas absent ou empêché, que la notification et la saisine de la juridiction de première instance ont été effectuées par une autorité compétente. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à cet égard doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne l'amende :
10. Aux termes de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 février 2003 : " Toute infraction en matière de grande voirie commise sur le domaine public maritime en dehors des ports, et autres que celles concernant les amers, feux, phares et centres de surveillance de la navigation maritime prévues par la loi du 27 novembre 1987 susvisée, est punie de la peine d'amende prévue par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5e classe. / (...) ". L'article 131-13 du code pénal dispose : " (...) Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5ème classe, (...) ".
11. Il ne résulte pas de l'instruction que le dépassement de la surface d'occupation litigieuse serait le fait des clients de la SARL Palmari et compagnie. Par ailleurs, la société avait fait l'objet, préalablement au procès-verbal du 9 juillet 2021, d'une demande orale et d'une mise en demeure de mise en conformité avec le sous-traité d'exploitation, à raison de faits similaires, les 12 juillet et 7 août 2019. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SARL Palmari et compagnie au paiement d'une amende d'un montant de 1 500 euros.
En ce qui concerne la réparation domaniale :
12. Lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, le juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, enjoint au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et peut, s'il l'estime nécessaire, prononcer une astreinte.
13. En l'espèce, dans l'hypothèse où les équipements en cause seraient toujours installés en dépassement de la surface autorisée sur le domaine public maritime, il y a lieu d'enjoindre à la SARL Palmari et compagnie de libérer dans cette mesure les lieux sous un délai de 8 jours. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. A l'expiration de ce délai, l'administration pourra procéder d'office à cette libération aux frais et risques de la contrevenante en cas d'inexécution.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a relaxé la SARL Palmari et compagnie des fins de la poursuite pour contravention de grande voirie engagée à son encontre par le préfet du Var. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité et de faire droit, dans les conditions exposées ci-dessus, à ladite poursuite.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon du 26 janvier 2023 est annulé.
Article 2 : La SARL Palmari et compagnie est condamnée au paiement d'une amende de 1 500 euros.
Article 3 : Il est enjoint à la SARL Palmari et compagnie de libérer les lieux de ses équipements le cas échéant encore installés en dépassement de la surface autorisée, sous un délai de 8 jours à compter de la notification du présent arrêt. A l'expiration de ce délai, l'Etat est autorisé à faire exécuter d'office cette libération, aux frais et risques de la contrevenante.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la SARL Palmari et compagnie.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2024.
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N° 23MA00737
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