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23/05/2024 | FRANCE | N°23MA02724

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 23 mai 2024, 23MA02724


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.





Par un jugement n° 2306043 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



I. Par une requête enregistrée sous le n° 23MA02724 le 17 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Touhlali, demande à la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2306043 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23MA02724 le 17 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Touhlali, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison de la composition de la formation qui l'a rendu, laquelle comportait un magistrat dont la méconnaissance du devoir de réserve est de nature à créer un doute légitime quant à son impartialité ;

- contrairement à ce que l'arrêté attaqué mentionne, il a justifié être titulaire d'un contrat à durée indéterminée et a joint ses bulletins de salaires, de sorte que cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant saisi d'une demande de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation au regard de son insertion professionnelle sur le territoire ;

- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa durée de présence en France et de ses attaches sur le territoire ;

- l'obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23MA02953, le 11 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Touhlali, demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué par la Cour sur la requête au fond, et ce dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans la requête sont sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Touhlali, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 18 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

2. Les requêtes susvisées n° 23MA02724 et n° 23MA02953 présentées par M. A... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail, le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué que le requérant n'était pas titulaire d'un contrat de travail ainsi que l'exigent les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et qu'il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour. Il a relevé que M. A..., divorcé sans enfant, ne justifiait pas de liens personnels et familiaux anciens et stables. Il a également considéré qu'aucun motif exceptionnel ou des considérations humanitaires justifiaient l'application de son pouvoir général de régularisation. En particulier, le préfet a constaté que, si l'intéressé avait joint une demande d'autorisation de travail pour un emploi de boulanger établie le 1er septembre 2022, il ne justifiait pas d'une insertion sociale ou professionnelle suffisante depuis son arrivée en France dans la mesure où il ne travaillait pas actuellement et qu'il n'avait jamais travaillé pour l'employeur ayant établi la demande d'autorisation de travail précitée. Le requérant justifie cependant avoir travaillé en qualité de saisonnier agricole en en juillet et en août 2020. Il produit copie, d'une part, d'un contrat de travail à durée déterminée conclu le 2 septembre 2020 portant sur un emploi d'assistant boulanger pâtissier, expirant le 17 septembre 2020, d'une proposition de renouvellement datée du 28 janvier 2021 et d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 31 juillet 2021 portant sur le même poste, d'autre part de ses bulletins de paie portant sur les mois de septembre 2020 à août 2022. Il joint également copie d'un bulletin de salaire établi par un autre employeur, afférent au mois d'octobre 2022 et mentionnant une période d'emploi, en tant que boulanger, du 24 août au 2 octobre 2022. Il produit en outre copie de bulletins de salaire relatifs à la période d'octobre 2022 à mai 2023, pour un poste de boulanger, remis par un troisième employeur qui est celui qui a établi la demande d'autorisation de travail précitée du 1er septembre 2022. A supposer même que ces pièces n'aient pas été jointes à la demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail reçue le 7 octobre 2022 ou qu'elles n'aient pas été transmises ultérieurement à l'administration, la décision par laquelle le préfet a statué sur cette demande est dans cette mesure entachée d'une erreur de fait. Il ne résulte pas de l'instruction que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les autres motifs pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail présentée par M. A....

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet, non pas de délivrer à M. A... un titre de séjour temporaire, comme il le demande à titre principal, mais seulement de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision en fonction des circonstances de droit et de fait qui prévalent désormais, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions à fin de sursis :

7. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 23MA02953 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23MA02953.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 mai 2023 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille.

.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

N° 23MA02724, 23MA02953 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02724
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : TOUHLALI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23ma02724 ?
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