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23/05/2024 | FRANCE | N°23MA00245

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 23 mai 2024, 23MA00245


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel le maire de Marseille a délivré à Mme E... A... une autorisation d'extension d'une habitation sise 1 boulevard Veran dans le 7ème arrondissement à Marseille.



Par un jugement n° 1907508 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer sur la requête formée par Mme C... en fixant un délai de 3 mois à Mme A... et à la c

ommune de Marseille pour justifier de l'éventuelle délivrance d'un permis de construire modificatif p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel le maire de Marseille a délivré à Mme E... A... une autorisation d'extension d'une habitation sise 1 boulevard Veran dans le 7ème arrondissement à Marseille.

Par un jugement n° 1907508 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer sur la requête formée par Mme C... en fixant un délai de 3 mois à Mme A... et à la commune de Marseille pour justifier de l'éventuelle délivrance d'un permis de construire modificatif permettant d'assurer la conformité du projet aux prescriptions fixées par l'article BA3 interdisant les murs aveugles.

Par un jugement n° 1907508 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille, constatant que Mme A... et la commune de Marseille n'ont pas justifié de la délivrance d'un permis de construire régularisant celui délivré le 14 mars 2019, a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier et 15 juin 2023, Mme E... A..., représentée par Me Journault, demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Marseille des 7 juin et du 28 décembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme C... n'a pas intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 14 mars 2019 dès lors qu'elle n'est pas voisine immédiate du projet et ne justifie pas que ce projet est de nature à porter atteinte aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, dès lors qu'elle n'a aucune vue sur les parcelles sur lesquelles il se réalise ;

- le vice entachant le permis de construire résultant de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme (PLU) applicables en zone BA3 interdisant les murs aveugles a été régularisé par le permis modificatif qui lui a été délivré le 14 octobre 2022 ;

- les autres moyens invoqués en première instance par Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2023, Mme B... C..., représentée par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a intérêt à agir à l'encontre du permis litigieux ;

- la présentation de la demande de permis de construire est trompeuse en laissant penser qu'il s'agit d'une extension de la maison d'habitation de Mme A... ; la petite maison objet du projet d'extension n'a rien d'une habitation mais est au plus un studio d'appoint ; cette construction est irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle a fait l'objet d'une autorisation et, si elle aurait donc dû être incluse dans cette demande à fin de régularisation, elle n'était pas régularisable au regard des dispositions du PLU interdisant les constructions accolées à une voie publique ;

- le dossier de demande de permis est incomplet en ne comportant notamment pas de document présentant l'insertion du projet dans son environnement ; le plan masse produit est insuffisant et totalement illisible ;

- la couverture du projet contrevient à l'article 11.2.2 du règlement du PLU de la commune ;

- le projet ne respecte pas les obligations résultant de l'article 12 dudit règlement en matière de création de place de stationnement ;

- le projet méconnaît l'article 6 de ce règlement relatif aux distances entre les constructions et l'axe des voies publiques.

Par un mémoire, enregistré le 28 juillet 2023, la commune de Marseille, représentée par Me Capdefosse, s'associe à la requête de Mme A..., et demande à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C....

Elle soutient que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme A... dès lors qu'un permis lui a été délivré par un arrêté du 31 mars 2023 devenu définitif ;

- Mme C... n'a pas intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 14 mars 2019 ;

- les moyens soulevés par Mme C... à l'encontre de l'arrêté du 14 mars 2019 ne sont pas fondés, et le permis modificatif délivré à Mme A... par l'arrêté du 14 octobre 2022 a régularisé le vice qui a fondé les jugements attaqués.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Lugagne, substituant Me Journault, représentant Mme A..., et celles de Me Micallef, substituant Me Capdefosse, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 mars 2019, le maire de Marseille a délivré à Mme A... un permis de construire en vue de l'extension d'une habitation, pour une surface de plancher créée de 70 m², sur des parcelles cadastrées section 829 K n° 58, 62, 63 et 64 situées 1 boulevard Véran dans le 7ème arrondissement de la commune. Mme A... relève appel des jugements des 7 juin et 28 décembre 2022 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a respectivement, d'une part, sursis à statuer sur la requête de Mme C... à l'encontre de cet arrêté jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de son jugement, imparti à Mme A... et à la commune de Marseille pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant le vice résultant de la méconnaissance des prescriptions de l'article BA3 du règlement plan local d'urbanisme (PLU) résultant de ce que la future construction comportait un mur aveugle côté boulevard Véran et, d'autre part, annulé cet arrêté faute pour ces dernières d'avoir justifié de l'obtention de ce permis permettant la régularisation du projet.

Sur l'intervention de la commune de Marseille :

2. Les conclusions de la commune de Marseille, qui s'associe à la demande de Mme A..., doivent être regardées comme une intervention. Toutefois, ladite commune était partie à l'instance devant le tribunal administratif de Marseille et avait donc qualité pour faire appel du jugement attaqué. Par suite, son mémoire en intervention, enregistré au-delà de l'expiration du délai d'appel, est irrecevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 14 octobre 2022, le maire de la commune de Marseille a délivré à Mme A... un permis de construire modificatif portant sur la suppression de murs aveugles par la création de deux ouvertures sur l'élévation face au boulevard Veran, une à l'étage de l'extension projetée, l'autre au rez-de-chaussée, en limite du mur existant, séparant la construction dudit boulevard. Si le permis de construire initial méconnaissait effectivement les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille, alors applicables, lesquelles interdisent en zone BA-3 les mûrs aveugles, Mme C... ne conteste pas sérieusement que l'arrêté précité du 14 octobre 2022 a régularisé le vice entachant le permis de construire initial. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme (PLU) applicables en zone BA3.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C....

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme C... :

5. En premier lieu, la caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Si Mme C... soutient que Mme A... aurait procédé à une présentation trompeuse de son projet, elle ne précise pas la règle d'urbanisme à laquelle cette présentation, à la supposer établie, était destinée à échapper. Ce moyen ne peut donc dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis de construire : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. " Aux termes de l'article R. 431-9 de ce code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) " L'article R. 431-10 dispose : " Le projet architectural comprend également :/ (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain (...) "

7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. Le dossier de permis de construire déposé par Mme A... comprend, contrairement à ce que soutient Mme C..., d'une part, une simulation photographique, référencée PCM6a, permettant d'apprécier l'insertion du projet litigieux dans son environnement et, d'autre part, un plan-masse, référencé PCMI2bis, permettant aux services de la commune de Marseille d'apprécier son emprise au sol, complété d'un plan de coupe référencé PCMI3bis comprenant les cotes de la construction existante envisagée, leur permettant ainsi d'en apprécier l'ampleur en trois dimensions. Ces moyens, qui manquent en fait, ne peuvent donc qu'être écartés.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un résumé d'informations cadastrales produit par Mme A..., que la construction existante à laquelle s'adosse l'extension litigieuse, a été édifiée en 1920, avant la date d'entrée en vigueur de la loi d'urbanisme du 15 juin 1943 relative au permis de construire. Mme C..., qui ne conteste pas sérieusement ce document, n'est dès lors pas fondée à soutenir que la construction existante serait irrégulière, ni qu'il appartenait à Mme A... de faire porter sa demande de permis de construire sur la régularisation de cette construction.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 du règlement du PLU de la commune de Marseille relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " 6.1 : Les constructions à édifier sont implantées hors des marges de recul ou la limite des alignements imposés, lorsqu'ils sont indiqués sur les documents graphiques. 6.2- à défaut desdites indications, les constructions à édifier sont distantes : - d'au moins 8 mètres de l'axe des voies ouvertes à la circulation automobile, et 4 mètres des alignements existantes ou futurs en secteur UR2. - d'au moins 4 mètres des alignements existants ou futurs en secteur UR1 et UR3. (...) ".

11. Il ressort du plan masse référencé PCMI2bis cité au point 8 que l'extension litigieuse comme la construction existante à laquelle elle vient s'accoler, se trouve à une distance de 4 mètres de l'axe du boulevard Veran. Le projet litigieux, situé en zone UR1 ne méconnaît donc pas, contrairement à ce que soutient Mme C..., les dispositions de l'article 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marseille.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 11-2-2 du règlement du PLU de la commune de Marseille : " Les matériaux et les volumes des couvertures contribuent à leur intégration dans l'environnement et à la valorisation de ceux-ci. " Si Mme C... soutient que le projet litigieux méconnaîtrait ces dispositions, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

13. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 12 du règlement du PLU de la commune de Marseille : " Pour les constructions nouvelles à destination d'habitat, il est exigé une place de stationnement par tranche entamée de 50m² de surface de plancher, dans la limite de deux places par logement. ".

14. Il est constant que l'extension envisagée aura une surface de plancher de 70,37 m² et que celle de la construction existante à laquelle cette extension va s'accoler a une surface de 22,35 m², soit un total de surface de plancher de 92.72 m². En application des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Marseille citées au point précédent, ce projet exige donc la création de deux places de stationnement. Il ressort du dossier de permis de construire, et notamment du plan-masse référencé PCMI2bis cité au point 8, que deux places de stationnement vont être créées, ainsi que le reconnaît d'ailleurs Mme C.... La circonstance, alléguée par cette dernière, que ces places ne seront probablement pas réalisées, qui n'est au demeurant pas étayée, n'a en tout état de cause aucune incidence sur la légalité du permis litigieux. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt de Mme C... lui donnant qualité pour agir, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du maire de Marseille du 14 mars 2019, et à demander le rejet de la requête de Mme C....

Sur les frais liés au litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses frais, la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Marseille qui, en sa qualité d'intervenante, n'est pas partie à l'instance, devant en tout et de cause être rejetée.

D É C I D E

Article 1er : L'intervention de la commune de Marseille n'est pas admise.

Article 2 : Les jugements du tribunal administratif 1907508 du 7 juin 2022 et du 28 décembre 2022 sont annulés.

Article3 : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A... et la commune de Marseille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à Mme B... C... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024, où siégeaient :

- M. , Portail, président,

- M. D..., vice-président,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2024.

N° 23MA00245

2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00245
Date de la décision : 23/05/2024

Analyses

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Permis modificatif.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SELARL ABEILLE & ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23ma00245 ?
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