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23/05/2024 | FRANCE | N°22MA02918

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 23 mai 2024, 22MA02918


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Baldacchino a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été inf

ligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.



Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Baldacchino a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2002719 du 10 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 novembre 2022, le 21 février 2023 et le 19 avril 2024, la SARL Baldacchino, représentée par Me Haddad, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 octobre 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le droit de reprise de l'administration prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales était expiré lorsque sa réclamation préalable a été rejetée ;

- c'est à tort que le vérificateur a rejeté sa comptabilité ;

- la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20 est opposable à l'administration ;

- dans le cadre du redressement judiciaire dont elle fait l'objet, le pôle de recouvrement spécialisé du Var a procédé à une déclaration de créances pour un montant inférieur à celui des impositions et pénalités en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Baldacchino ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Mourre, substituant Me Haddad, représentant la SARL Baldacchino.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Baldacchino, qui exploite à Sanary-sur-Mer un restaurant sous l'enseigne " Le Grillon ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir écarté sa comptabilité et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période considérée, et a fait application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. La SARL Baldacchino relève appel du jugement du 10 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a ainsi été assujettie et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés, des pénalités correspondantes, et des amendes mises à sa charge.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 274 de ce livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ". Aux termes de l'article L. 277 du même livre : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) ".

3. La SARL Baldacchino ne conteste pas avoir reçu la proposition de rectification datée du 21 juillet 2014 avant l'expiration du droit de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, et ne soutient pas que cette proposition de rectification aurait été insuffisamment motivée. Par conséquent, le droit de reprise de l'administration n'était pas expiré lorsque l'administration a notifié à la société, le 30 juin 2015, l'avis de mise en recouvrement des impositions en litige. Est sans incidence à cet égard la circonstance, postérieure à l'établissement de ces impositions, que la réclamation préalable présentée par la société le 10 août 2015 n'a été rejetée par l'administration qu'en 2020. A supposer que la société requérante ait entendu soutenir que l'action en recouvrement était prescrite, sa réclamation préalable était en tout état de cause assortie d'une demande de sursis de paiement, dont il n'est pas soutenu qu'elle aurait été rejetée ou laissée sans réponse par le comptable public. Par conséquent, le délai de prescription a été suspendu, en application des dispositions précitées de l'article L. 277 du livre de procédures fiscales, jusqu'à la notification du jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 octobre 2022.

4. En deuxième lieu, le vérificateur a relevé que la caisse enregistreuse que la société utilisait ne disposait d'aucune sauvegarde et que les tickets Z mensuels n'avaient pas été édités, et la SARL Baldacchino ne conteste pas que l'absence de sauvegarde permet la suppression, à postériori, des tickets Z. En outre, il est constant qu'aucun inventaire des stocks n'a été dressé par la société au cours de la période vérifiée. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, les tickets fournis, qui regroupent certains produits vendus sous les appellations " apéritifs " " sodas " et " divers ", ne permettaient pas au vérificateur de procéder au recoupement exhaustif nécessaire à la détermination des recettes, alors même que les ventes non détaillées sur les tickets représentent une faible partie du chiffre d'affaires déclarés. Au demeurant, le rapprochement entre les achats revendus et les ventes comptabilisées de liquides a fait ressortir un écart s'élevant à environ 65 % pour les deux exercices vérifiés, alors même qu'il a été tenu compte pour ce rapprochement des pertes, de la consommation du personnel, et des offerts. Dans ces conditions, le vérificateur a pu à bon droit tenir la comptabilité présentée par la SARL Baldacchino comme non probante et procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires, et c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas méconnu les droits de la défense, ont écarté le moyen ainsi invoqué par la société.

5. En troisième lieu, la circonstance, à la supposer même établie, que dans le cadre du redressement judiciaire dont la SARL Baldacchino fait l'objet, le pôle de recouvrement spécialisé du Var aurait procédé à une déclaration de créances pour un montant inférieur à celui des impositions et pénalités en litige est sans incidence sur le bien-fondé de ces impositions et pénalités.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ".

7. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 20, 50, 60 et 70 de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Baldacchino n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de la SARL Baldacchino est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Baldacchino et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2024.

2

N° 22MA02918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02918
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Pouvoirs de l'administration.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : HADDAD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;22ma02918 ?
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