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17/05/2024 | FRANCE | N°23MA00011

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 17 mai 2024, 23MA00011


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon :



- par une requête enregistrée sous le n° 2001036, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de La Garde a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance d'une rechute de son accident de service du 9 novembre 2007, d'annuler la décision du 11 mars 2020 par laquelle le maire de La Garde a gardé le silence sur sa demande de communication des motifs et d'enjoindre à la commune d

e La Garde de la placer en position de congé imputable au service ;



- par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon :

- par une requête enregistrée sous le n° 2001036, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de La Garde a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance d'une rechute de son accident de service du 9 novembre 2007, d'annuler la décision du 11 mars 2020 par laquelle le maire de La Garde a gardé le silence sur sa demande de communication des motifs et d'enjoindre à la commune de La Garde de la placer en position de congé imputable au service ;

- par une requête enregistrée sous le n° 2100412, d'annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle le maire de La Garde a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance d'une rechute de son accident de service du 9 novembre 2007, d'annuler l'arrêté n°2020/1404 du 16 décembre 2020 par lequel le maire de La Garde l'a placée en congé de maladie ordinaire à plein traitement du 5 juin 2019 au 2 septembre 2019, puis à demi-traitement du 3 septembre 2019 au 24 janvier 2020 et d'enjoindre à la commune de La Garde de reconnaître la rechute imputable à l'accident de service du 9 novembre 2007 ou, à tout le moins, de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, par conséquent, de la placer rétroactivement en position d'accident imputable au service.

Par un jugement n° 2001036, 2100412 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête enregistrée sous le n° 2001036, a annulé la décision du 16 décembre 2020 et l'arrêté n°2020/1404 du 16 décembre 2020 et a enjoint au maire de La Garde de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... et de la placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 5 juin 2019 jusqu'au 27 mai 2021, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 janvier 2023 et 24 juillet 2023, la commune de La Garde, représentée par Me Kieffer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er décembre 2022 en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision du 16 décembre 2020 et l'arrêté n°2020/1404 du 16 décembre 2020, d'autre part, enjoint au maire de La Garde de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... et de placer rétroactivement celle-ci en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 5 juin 2019 jusqu'au 27 mai 2021, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, enfin, mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a statué " ultra petita " ; il a modifié l'objet de la demande de Mme B... qui portait sur la reconnaissance d'une rechute de son accident de service et non sur l'existence d'un lien entre son état médical et son accident de service initial ; le tribunal n'a en outre pas invité la commune à répondre à cette requalification de la demande de Mme B... ;

- les éléments médicaux versés au dossier ne sont pas de nature à établir que les arrêts de travail prescrits à compter du 5 juin 2019 sont la conséquence directe et certaine de l'accident de service du 9 novembre 2007 ;

- le tribunal ne pouvait enjoindre à la commune de placer Mme B... rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service :

- la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la rechute de l'accident de Mme B... est infondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Dragone, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Garde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de La Garde ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Kieffer, représentant la commune de La Garde, et de Me Dragone représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjointe administrative de deuxième classe au sein de la commune de La Garde, a été victime le 9 novembre 2007 d'un accident de service suite à la chute d'une étagère sur son cou et son épaule. Celle-ci a d'abord été placée en position d'accident imputable au service jusqu'au 30 juillet 2009, avant d'être placée en arrêt de travail. Par un arrêté du 16 décembre 2013, le maire de La Garde a placé Mme B... en position d'accident de service à compter du 29 octobre 2009 jusqu'au 13 septembre 2013. Suite à la reprise de ses fonctions à temps partiel pour raisons thérapeutiques, elle a bénéficié d'une allocation temporaire d'invalidité puis a demandé, par un courrier du 26 septembre 2019, au maire de La Garde la reconnaissance d'un état de rechute imputable au service. La commune, qui avait placé à titre provisoire Mme B... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 5 juin 2019, a notifié à l'intéressée un courrier du 16 décembre 2020 rejetant sa demande et un arrêté du même jour plaçant celle-ci en congé de maladie ordinaire à plein traitement du 5 juin 2019 au 2 septembre 2019, puis à demi-traitement du 3 septembre 2019 au 24 janvier 2020. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision et l'arrêté du 16 décembre 2020, d'autre part, enjoint au maire de La Garde de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... et de régulariser rétroactivement sa situation, enfin, mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. La commune de La Garde soutient que le tribunal a statué " ultra petita " en annulant les décisions contestées au motif de l'existence d'un lien direct et certain de causalité entre les arrêts de travail prescrits à compter du 5 juin 2019 et l'accident de service du 9 novembre 2007, alors que la demande de Mme B... ne portait que sur la reconnaissance d'une rechute de l'accident et non sur l'existence d'un tel lien de causalité. Cependant, il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme B... a soulevé, au soutien de ses conclusions à fin d'annulation, le moyen tiré de ce que son placement en congé maladie ordinaire à compter du 5 juin 2019 résultant de l'arrêté contesté du 16 décembre 2020 était illégal au regard de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre son état de santé et l'accident de service initial, en se fondant notamment sur le rapport d'expertise du 24 janvier 2020 du neurologue saisi sur ce point par la commune. Le tribunal a ainsi répondu à ce moyen en jugeant que si l'état de santé de Mme B... à compter du 5 juin 2019 ne correspondait pas à un état de rechute, les éléments médicaux versés au dossier corroboraient un lien direct et certain entre les troubles ressentis et l'accident de service du 9 novembre 2007, ouvrant ainsi droit au bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service. Ce faisant, contrairement à ce qu'affirme la requérante, le tribunal, qui s'est borné à se prononcer sur le moyen développé par Mme B..., n'a pas statué au-delà de ce qui lui était demandé.

3. Le tribunal n'avait pas davantage à inviter la commune de La Garde à répondre à ce moyen qui était en tout état de cause soulevé par la requérante dans ses écritures.

4. Dès lors, les moyens dirigés contre la régularité du jugement attaqué manquent en fait et doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. (...) ".

6. La rechute d'un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure. Cependant, lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de la prise en charge des arrêts de travail est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service initial.

7. Pour retenir l'existence d'un lien direct entre les arrêts de travail prescrits à compter du 5 juin 2019 et l'accident de service dont Mme B... a été victime le 9 novembre 2007, les premiers juges se sont fondés notamment sur le rapport d'expertise du 24 janvier 2020 du docteur C..., neurologue, qui a conclu que les arrêts et soins dispensés à l'agent depuis l'année 2014, postérieurement à la date de consolidation fixée au 16 septembre 2013, étaient imputables à son accident. Il est constant à cet égard que le maire de La Garde a reconnu comme étant imputables au service les arrêts de travail prescrits jusqu'au 4 juin 2019. L'expert précise également que " la perspective clinico-pathologique déficitaire actuelle est inchangée par rapport à ce qu'elle avait été lors de l'examen du 19/07/2012 ". Ces conclusions expertales sont ainsi de nature à établir un lien direct entre les lésions et séquelles dont a souffert l'intimée à compter du 5 juin 2019 et l'accident de service dont elle a été victime. Si la commission de réforme a émis, en se fondant sur cette expertise, un avis défavorable à la demande d'imputabilité au service de la rechute de l'accident de service du 9 novembre 2007, cet élément est sans incidence dès lors que l'aggravation ou la rechute de l'état de santé d'un agent n'est pas une condition de la reconnaissance de l'imputabilité de ses troubles au service. Par ailleurs, le certificat médical prolongeant l'arrêt de travail de Mme B... jusqu'au 19 juillet 2019, mentionnant " hernie discale cervicale traumatique C6 C7 - séquelles algiques post chirurgicales " apparaît en lien avec le traumatisme crânien et cervical subie par l'intéressée suite à son accident, qui ne présentait aucun état antérieur et qui a subi la pose d'une prothèse cervicale au niveau des vertèbres C5-C6 en 2009 puis, en raison de la persistance des douleurs, l'extraction de la prothèse et la pratique d'une arthrodèse cervicale en octobre 2010. La circonstance que Mme B... ait subi le 6 juin 2019 une nouvelle arthrodèse du rachis cervical au niveau des mêmes vertèbres mais aussi de deux autres nommées C4 et C7 ne saurait remettre en cause l'existence de tout lien avec l'accident de service. De surcroît, les certificats médicaux établis les 4 septembre 2019 et 6 avril 2023 par le neurochirurgien ayant opéré Mme B... en 2009 précise que la prothèse discale cervicale a été mal tolérée, a nécessité une reprise chirurgicale en 2010, entraînant " une sur-sollicitation mécanique des segments adjacents C4-C5 et C6-C7 " qui ont eux-mêmes entraîné " discopathie et rétrécissement arthrosique des foramens notamment à gauche avec récidive d'une névralgie cervico-brachiale qui a conduit à une réintervention le 6 juin 2019 ". Par suite, et alors que la teneur de ces certificats médicaux n'est infirmée par aucune autre pièce produite au dossier, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme B... ne pouvait être placée en position de congé de maladie ordinaire à compter du 5 juin 2019, et que le maire de La Garde avait, pour ce motif, entaché sa décision et son arrêté du 16 décembre 2020 d'une erreur d'appréciation.

8. Ainsi qu'il a été dit, le placement d'un agent en congé pour invalidité temporaire imputable au service n'est pas conditionné à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de la pathologie. Par suite, la commune de La Garde ne peut utilement soutenir que Mme B... aurait dû, pour bénéficier de ce congé, déclarer la rechute de son accident de service dans le délai d'un mois à compter de sa constatation médicale, conformément aux dispositions de l'article 37-17 du décret n° 87-602 du 30 juill. 1987.

9. Il résulte de ce qui vient d'être exposé qu'eu égard au motif d'annulation retenu qui apparaît fondé, les premiers juges pouvaient à bon droit enjoindre au maire de La Garde de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... et de placer celle-ci rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 5 juin 2019 jusqu'au 27 mai 2021. La commune de La Garde n'est dès lors pas fondée à contester le bien-fondé de l'injonction ainsi prononcée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Garde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision et l'arrêté n°2020/1404 datés du 16 décembre 2020, a enjoint au maire de La Garde de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... et de régulariser rétroactivement sa situation et a mis à sa charge, en sa qualité de partie perdante, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de La Garde demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de La garde une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La Garde est rejetée.

Article 2 : La commune de La Garde versera à Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de La Garde.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2024.

N° 23MA000112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00011
Date de la décision : 17/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : HOULLIOT KIEFFER LECOLIER AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-17;23ma00011 ?
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