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14/05/2024 | FRANCE | N°24MA00163

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 14 mai 2024, 24MA00163


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par jugement n° 2306274 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande



Procédure devant la Cour :



I. Par une r

equête enregistrée le 24 janvier 2024, Mme B... A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :



1) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par jugement n° 2306274 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 24 janvier 2024, Mme B... A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1) d'annuler ce jugement ;

2) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un certificat de résidence avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer pendant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

3) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

La décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

- méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, faute pour le préfet de lui avoir accordé un délai de départ supérieur à trente jours ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B... A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

II. Par une requête enregistrée le 24 janvier 2024 sous le n° 24MA00164, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 portant refus de renouvellement de son titre de séjour ;

2) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans l'attente de la décision au fond de la Cour, une autorisation de séjour lui permettant de travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- les moyens visés ci-dessus sont propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse.

Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la demande de suspension.

Il soutient que ni la condition tenant à l 'urgence, ni celle tenant à l'existence d'un doute sérieux ne sont remplies.

Mme B... A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Angéniol,

- et les observations de Me Grebaut, substituant Mme D..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., née le 3 novembre 1976 à Sidi Bel-Abbes, de nationalité algérienne, expose être entrée en France le 2 février 2015 et s'y être maintenue, depuis, continuellement. L'intéressé disposait en dernier lieu, en raison de son état de santé, d'un certificat de résidence valable jusqu'au 21 juillet 2022. Après que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) se soit prononcé par un avis du 21 octobre 2022, le renouvellement de ce titre de séjour a été refusé à l'intéressée, par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 qui l'a, par ailleurs, obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement du 16 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et demande également à la Cour d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté précité du 29 décembre 2022.

Sur la requête n° 24MA00163 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7°) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) "

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.

4. En l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a produit en première instance l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 22 octobre 2022, aux termes duquel, si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, l'intéressée, qui est atteinte d'une cardiopathie congénitale complexe de type double discordance avec anomalie de la valve tricuspide et hypertension artérielle pulmonaire, soutient qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, dans la mesure où, son suivi cardiologique spécialisé, le remplacement de la valve biologique qui lui a été dernièrement implantée en avril 2002, et la délivrance de son traitement médicamenteux, y sont impossibles. Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, la question de son suivi spécialisé a bien été pris en compte par le tribunal qui a estimé que si effectivement le remplacement de sa bioprothèse n'était pas possible en Algérie, il n'était pas établi qu'un suivi cardiologique ne puisse pas être pratiqué en Algérie, équivalent, sans conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée, au suivi en centre expert des cardiopathies congénitales, préconisé tous les six mois pour Mme A..., par le docteur C... qui la suit au CHU de la Timone. Par ailleurs, s'agissant de cette bioprothèse, et contrairement, là encore, à ce que soutient l'appelante, il lui est tout à fait possible de demander un visa pour raison médicale afin de venir se faire opérer en France, le jour où il sera nécessaire de remplacer sa valve biologique de type SAPIEN qui n'est pas distribuée en Algérie. Cependant, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas utilement contesté, que le traitement médicamenteux à base d'Entresto et de Forxiga, désormais suivi par Mme A... n'est pas disponible en Algérie, et qu'il est attesté par un certificat du 7 décembre 2023 du docteur C... susmentionné que l'arrêt des traitements entrainerait une majoration de l'insuffisance cardiaque et de la dysfonction de ventricule systémique. Si le certificat médical attestant de cette médication est en effet postérieur à la date d'édiction de la décision attaquée, comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort néanmoins des pièces du dossier que cette prescription spécifique a été engagée concomitamment à la décision concernée et a permis une stabilisation de l'état de santé de l'appelante, ce que ne permettait pas le traitement médicamenteux antérieur. Dans ces conditions et alors que l'absence de poursuite du traitement à base d'Entresto et de Forxiga entrainerait une dégradation notable de l'état de santé de l'appelante, cette dernière est fondée à soutenir qu'en estimant qu'elle pouvait effectivement bénéficier dans son pays d'un traitement approprié à sa pathologie et, en conséquence, en lui refusant le renouvellement de son certificat de résidence, le préfet des Bouches du Rhône a commis une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien Par suite, Mme A... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination qui l'assortissent.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022.

Sur la requête n° 24MA00164 :

6. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 décembre 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à Mme A..., en application de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder, à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de L'Etat le versement à Me D... Bataille de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA00164.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2306274 du 16 octobre 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'État versera à Me D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me D...

Copies-en sera adressée au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

2

N° 24MA00163, 24MA00164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00163
Date de la décision : 14/05/2024

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Patrice ANGENIOL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT;SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT;SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;24ma00163 ?
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