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14/05/2024 | FRANCE | N°23MA01123

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 14 mai 2024, 23MA01123


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... C..., Mme D... C..., M. I... et Mme B... G... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel la maire de Marseille a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Next un permis de construire un boutique-hôtel sur un terrain cadastré 843 C 34 situé 6 rue Martiny (8ème arrondissement), ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement n° 1907031 du 8 mars 2023, le tr

ibunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 1er mars 2019 et la décision portant rejet du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C..., Mme D... C..., M. I... et Mme B... G... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel la maire de Marseille a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Next un permis de construire un boutique-hôtel sur un terrain cadastré 843 C 34 situé 6 rue Martiny (8ème arrondissement), ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1907031 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 1er mars 2019 et la décision portant rejet du recours gracieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 mai 2023 et le 28 janvier 2024, la SAS Next, représentée par Me Ibanez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 mars 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... et autres devant le tribunal administratif de Marseille, subsidiairement, de faire application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de M. C... et autres la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le maire de Marseille n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas un sursis à statuer sur la demande de permis de construire en litige eu égard à l'état d'avancement insuffisant des études du PLUi et au fait que le projet n'était pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur PLUi ; le classement projeté du terrain d'assiette du projet en zone UBt2 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- dès lors que le vice relevé par le tribunal administratif était régularisable, il aurait dû faire application des dispositions de l'article R. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés par M. C... et les autres requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2023, M. C... et autres, représentés par la SCP Berenger-Blanc-Burtez-Doucede et associés, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Marseille et de la SAS Next au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par la SAS Next ne sont pas fondés ;

- l'arrêté du 1er mars 2019 est entaché de l'incompétence de son auteur ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions des articles UAe.10.1 et UAe.10.3 du règlement du PLU de Marseille.

Un mémoire présenté par M. C... et les autres requérants a été enregistré le 17 février 2024, et non communiqué en application de l'article R. 611-11 du code de justice administrative.

Par une lettre du 27 mars 2024, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Des observations ont été enregistrées le 28 mars 2024 présentées par la SAS Next.

Des observations ont été enregistrées le 31 mars 2024 présentées par M. C... et les autres requérants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Ranson, représentant la SAS Next, et de Me Claveau, représentant M. C... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er mars 2019, le maire de Marseille a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Next un permis de construire une boutique-hôtel sur un terrain cadastré 843 C 34 situé 6 rue Martiny (8ème arrondissement). Par un jugement du 8 mars 2023, dont la SAS Next relève appel, le tribunal administratif de Marseille a, sur la demande de M. C... et autres, annulé cet arrêté et la décision portant rejet du recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la SAS Next ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er mars 2019 :

3. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de Marseille en n'opposant pas un sursis à statuer sur la demande de permis de construire en litige. Le jugement relève que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation de la décision attaquée.

4. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Le certificat d'urbanisme (...) a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; (...) Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ".

5. Il résulte de la combinaison des articles L. 424-1, L. 153-11 et L. 410-1 du code de l'urbanisme que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme (PLU). Si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et du sixième alinéa de l'article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme.

6. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur PLU pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

7. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Next a obtenu un certificat d'urbanisme le 17 avril 2018, sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Par délibération du 28 avril 2016, le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a décidé de poursuivre l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du territoire Marseille Provence. Les grandes orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ont été débattues le 14 décembre 2016. La délibération du 28 juin 2018 par laquelle le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a arrêté ce plan, intervenue deux mois seulement après la délivrance du certificat d'urbanisme précité, mentionne qu'une réunion s'est tenue le 16 octobre 2017 avec les personnes publiques associées au sujet du règlement et des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) et qu'une présentation du projet de plan a été faite aux maires des 18 communes membres le 20 avril 2018. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SAS Next, le projet de PLUi avait atteint, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, un état d'avancement suffisant, concernant notamment le classement du secteur litigieux et la détermination du règlement applicable, pour apprécier si le projet de construction en litige était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan. A fortiori, le projet de PLUi avait atteint un tel avancement à la date de délivrance du permis de construire.

8. Le projet de PADD du PLUi du territoire Marseille Provence comporte un cahier relatif à la commune de Marseille qui entend reconnaître " un écrin vert et bleu préservant le cadre de vie ", notamment en conciliant le renforcement de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine urbain, architectural et paysager avec les dynamiques de renouvellement et d'intensification de la ville. Il définit à ce titre un objectif consistant à " Préserver et valoriser le patrimoine local contribuant à l'identité des quartiers et à l'image de la ville, dont les noyaux villageois les plus représentatifs de l'identité marseillaise, en confortant leurs fonctions de centralité ". Le projet de règlement délimite une zone UBt. Le rapport de présentation expose que ce zonage recouvre des " tissus qui se caractérisent par une hétérogénéité des modes d'implantation, c'est-à-dire moins ordonnancés que dans les zones UBp, UB1, UB2 et UB3 ", et que les constructions y sont implantées " parfois à l'alignement, parfois en retrait des voies et, d'autres fois encore, en fond de parcelles. De même, la continuité d'une limite latérale à l'autre n'est pas la règle. Les constructions sont parfois en discontinuité. ". Ce document indique que " Ces tissus concernent principalement des secteurs en périphérie immédiate des centres ou des noyaux villageois, notamment à Marseille. Ils assurent ainsi une transition entre, d'un côté, les tissus alignés et continus (UBp, UB1, UB2, UB3) et, de l'autre côté, des tissus discontinus et non alignés (UC et UP notamment). Dans certains cas, ce tissu particulier caractérise un centre ou noyau villageois, et pas seulement sa périphérie. Les retraits et discontinuités, très souvent arborés ou qui ont vocation à l'être, ont pour but d'agrémenter les voies qui sont généralement peu plantées, et ainsi d'animer le paysage urbain ". Le rapport précise qu'un secteur urbain est classé en zone UBt à proximité des noyaux villageois de La Vieille Chapelle et St Giniez, à l'interface de la zone UB et UC, dans lequel le tissu est constitué de maisons de ville et de petits collectifs, ce zonage permettant de préserver les caractéristiques de ces secteurs (transition douce), tout en admettant une évolution ponctuelle. Enfin, au vu des contraintes et des enjeux paysagers, les hauteurs ont été limitées aux hauteurs existantes, soient R+2 max, la hauteur de façade maximale ayant été fixée à 10 mètres en secteur UBt2. Le règlement institue en zone UBt une bande de constructibilité principale dans laquelle la profondeur des constructions dédiées à des activités est limitée à 17 M. A... permet, si elle n'est pas définie par le règlement graphique, de majorer la hauteur totale des constructions de 3 m par rapport à la hauteur de façade constatée. Les constructions à usage d'hébergement hôtelier doivent prévoir la création de places de stationnement dont le nombre varie en fonction de la surface de plancher. L'orientation d'aménagement et de programmation multi-site " Qualité d'aménagements et des formes urbaines " précise que la zone UBt est une zone de transition entre tissus agglomérés continus et alignés des noyaux villageois et les tissus discontinus et en retrait des habitats collectifs et qui y prescrit d'insérer le projet dans son environnement urbain et de ne pas rechercher la volumétrie maximale ni " une application mathématique des règles de hauteur mais adapter la composition volumétrique à l'expression d'un parti architectural en réponse au contexte ".

9. Implanté sur une parcelle devant être classée en zone UBt2 par le PLUi en cours d'élaboration, le projet autorisé par l'arrêté du 1er mars 2019 prévoit la construction, d'un " boutique hôtel " en R+7, d'une hauteur totale de 25 mètres, occupant une emprise au sol atteignant 24 mètres à partir de la voie publique et sans création de places de stationnement. La SAS Next soutient que la rue Martiny dans laquelle il se situe est entourée d'immeubles de grande hauteur, que la hauteur de la construction en litige sera imperceptible en raison de sa forme arrondie, que la partie arrière du projet s'élève à 10,42 mètres seulement, que le projet respecte le principe visant à conserver un cœur d'îlot végétal et paysager et que les besoins effectifs de stationnement sont faibles. Eu égard cependant à l'importance des contradictions entre les prescriptions futures du PLUi et ces caractéristiques, le projet était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, le maire de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prononçant pas le sursis à statuer sur la demande de permis de construire déposée par la SAS Next.

10. La SAS Next soutient à titre subsidiaire que le classement projeté du terrain d'assiette du projet en zone UBt2 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Sur ce point, il ressort des documents graphiques du projet de PLUi et des photographies aériennes figurant au dossier que la rue Martiny et les immeubles qu'elle dessert font partie d'un secteur relevant de ce zonage, à l'exception de l'immeuble de grande hauteur situé à l'angle sud-ouest de cette rue. Les immeubles concernés sont, du côté sud de cette rue, majoritairement des maisons de ville, notamment la maison dont la démolition est prévue dans le cadre du projet, ou des bâtiments collectifs, surtout en R+2 qui sont implantés à l'alignement et, du côté nord, des maisons individuelles implantées à l'alignement ou en fond de parcelles. Les parcelles y sont largement arborées. Eu égard aux caractéristiques dominantes de ces constructions et à leur implantation, ce secteur se distingue nettement des secteurs qui l'entourent, classés en zones UA, UB ou UC composés d'immeubles collectifs de grande hauteur et de construction plus récente. Dans ces conditions, l'exception d'illégalité invoquée par la SAS Next ne peut être accueillie.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Next n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé que l'arrêté du 1er mars 2019 était vicié par l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de Marseille en n'opposant pas un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire.

Sur l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

12. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

13. Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. En outre, le juge doit se prononcer sur le caractère régularisable d'un vice entachant le bien-fondé du permis de construire au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

14. Comme l'a jugé le tribunal administratif, compte tenu de sa nature, le vice résultant de l'erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir opposé un sursis à statuer n'affecte pas seulement une partie identifiable du projet au sens de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme. En revanche, contrairement à ce qu'il a considéré, un vice de cette nature est régularisable sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du même code dès lors que le pétitionnaire, ainsi qu'il le soutient, dispose de la possibilité de revoir l'économie générale de son projet sans en changer la nature et à condition que le projet modifié respecte les dispositions désormais en vigueur du PLUi du territoire Marseille Provence approuvé le 19 décembre 2019, lequel autorise en zone UB les constructions nouvelles à destination d'hôtel.

15. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que le juge administratif ne peut surseoir à statuer aux fins de régularisation d'un vice affectant l'autorisation d'urbanisme contestée qu'après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés. Ainsi, il y a lieu de se prononcer sur les moyens non retenus par le tribunal administratif.

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) ".

17. Par arrêté du 1er mars 2019, le maire de Marseille a consenti à Mme H... F..., 6ème adjointe, délégation de fonctions en ce qui concerne l'urbanisme, le projet métropolitain, le patrimoine foncier et le droit des sols, en précisant que l'intéressée " aura en charge " notamment toutes les décisions relatives au droit des sols y compris pour les projets soumis à régime d'autorisation prévu par une autre législation. Cette décision qui emporte délégation de signature est suffisamment précise. Cet arrêté est devenu exécutoire à la suite, d'une part, de sa publication au recueil des actes administratifs de la ville de Marseille le 1er juin 2016 et de son affichage du 1er juin au 1er août 2016, d'autre part, de sa transmission en préfecture le 30 mai 2016. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme F..., signataire de l'arrêté attaqué, doit être écarté.

18. En second lieu, aux termes de l'article UAe 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marseille, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " (...) 6.2.3.1. (...) les derniers niveaux de la construction à édifier, dès lors qu'ils sont réalisés conformément aux dispositions de l'article 10 au-delà de la valeur maximale prescrite pour la hauteur H, s'inscrivent dans un angle de 60° sur l'horizontale par rapport à l'aplomb de la façade, ou pour des raisons d'insertion patrimoniale ou architecturale (alignement à l'existant, continuité des corniches...). (...) ". Aux termes de l'article UAe 10 du même règlement, relatif à la hauteur des constructions : " 10.1 Hormis le long des voies, répertoriées à l'article 12 des dispositions générales du présent règlement, la hauteur des constructions à édifier, mesurée comme indiqué à l'annexe 10, ne peut excéder : / - une hauteur H pour les façades sur voie ou emprise publique ; H ne peut excéder 16 mètres en zone UAe1 (...) (H est mesurée jusqu'à la surface du plancher fini du 1er étage réalisé en retrait selon les dispositions de l'article 6.2.3.1) ; - une fois la valeur maximale de la hauteur H atteinte en totalité ou en partie sur voie ou emprise publique, une hauteur h pour les derniers niveaux sur voie ou emprise publique réalisés en retrait, dans les conditions énoncées à l'article 6.2.3.1. La hauteur h ne peut excéder 6 mètres. / 10.2 Toutefois, / 10.2.1. Le faîtage de la couverture, lorsqu'elle est réalisée en pente, peut excéder les hauteurs précédemment visées de 3 mètres au plus. / Le volume inscrit dans la hauteur de ce faîtage est, notamment, affecté à l'accueil des installations techniques nécessitées par le fonctionnement de la construction à édifier (machineries, notamment d'ascenseurs, de climatisation, gaines, réseaux...). (...)10.3 La hauteur mesurée, comme indiquée à l'annexe 10, sur la façade située du côté de la voie, entre le niveau du trottoir, ou à défaut de la voie elle-même, et la sous-face du plancher du 1er étage de la construction doit être au moins égale à 4,5 mètres. (...) ".

19. Il ressort des plans de coupe et de façades joints à la demande de permis de construire que la hauteur de la façade sud, du côté de la rue Martiny, est de 16 m, mesurée au niveau du plancher fini R+5, de 21 m, mesurée au niveau du plancher fini R+7 et de 25 m au total. Si la façade de l'immeuble est verticale jusqu'à une hauteur intermédiaire entre le plancher du niveau R+4 et celui du niveau R+5 et présente au-delà de cette hauteur une forme ogivale, il résulte des dispositions du paragraphe 10.1 de l'article UAe 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille que la hauteur H, qu'elles limitent à 16 m sur les façades sur voie publique, doit être mesurée jusqu'à la surface du plancher fini du 1er étage réalisé en retrait, soit en l'espèce celui du niveau R+5. C'est donc à partir de ce niveau R+5 que les derniers niveaux de la construction doivent s'inscrire, en application de l'article 6.2.3.1, dans un angle de 60° sur l'horizontale par rapport à l'aplomb de la façade, ce que prévoit le projet. En outre, en prévoyant un local technique inaccessible au public au niveau R+7, la hauteur a pu être légalement majorée de 3 m en application du point 10.2.1. de l'article UAe 10.

20. Il ressort des mêmes plans que la hauteur mesurée, sur la façade située du côté de la rue Martiny, entre le niveau de cette voie et la sous-face du plancher du niveau R+1 du projet, qui correspond au 1er étage, est au moins égale à 4,5 m dans la mesure où la hauteur de la face supérieure de face plancher est de 4,80 M. L'entresol prévu à une hauteur intermédiaire dont le plancher ne s'étend que jusqu'à la façade côté jardin ne peut être regardé comme le 1er étage de la construction. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du paragraphe 10.3 doit être écarté.

21. Il résulte des motifs énoncés aux points 20 à 25 qu'aucun autre moyen n'est fondé. C'est donc à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de la SAS Next tendant à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer et d'impartir à la SAS Next un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire la mesure de régularisation du vice résultant de l'erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir opposé un sursis à statuer.

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la SAS Next, jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois, afin de permettre à la SAS Next de régulariser le vice retenu par le présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Next et à M. E... C... en qualité de représentant unique, en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

N° 23MA01123 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01123
Date de la décision : 14/05/2024

Analyses

68-06-04 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. - POUVOIRS DU JUGE. - ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION EN NE PRONONÇANT PAS LE SURSIS À STATUER SUR LA DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE - VICE SUSCEPTIBLE DE FAIRE L'OBJET D'UNE MESURE DE RÉGULARISATION EN APPLICATION DE L'ARTICLE L. 600-5-1 DU CODE DE L'URBANISME - OUI.

68-06-04 La Cour juge, dans un premier temps, que, eu égard à l'importance des contradictions entre les prescriptions futures du PLUi du territoire Marseille Provence et les caractéristiques d'un projet de construction d'un hôtel, ce projet était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan de sorte que le maire de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prononçant pas le sursis à statuer sur la demande de permis de construire litigieuse. Elle estime, dans un second temps, qu'un vice de cette nature est régularisable sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dès lors que le pétitionnaire dispose de la possibilité de revoir l'économie générale de son projet sans en changer la nature et à condition que le projet modifié respecte les dispositions désormais en vigueur du PLUi, lequel autorise en zone UB les constructions nouvelles à destination d'hôtel. Après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, la Cour sursoit à statuer aux fins de régularisation de ce vice.[RJ1][RJ2].


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : IBANEZ;IBANEZ;IBANEZ;CABINET WILSON - DAUMAS - DAUMAS - BERGE-ROSSI - LASALARIE;ESTEVE JOELLE;SELARL RINGLE - ROY & AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23ma01123 ?
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