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13/05/2024 | FRANCE | N°24MA00170

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 13 mai 2024, 24MA00170


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le maire de Ginasservis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de désigner un expert, en application des dispositions de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, aux fins d'examiner l'état du bâtiment situé 16 rue de la Tour à Ginasservis, sur un terrain cadastré AK 124 dont M. A... C... est propriétaire. Par une ordonnance n° 2203477 du 16 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a nommé

un expert en vue de procéder à des constatations sur ce bâtiment.



M. A... C... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le maire de Ginasservis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de désigner un expert, en application des dispositions de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, aux fins d'examiner l'état du bâtiment situé 16 rue de la Tour à Ginasservis, sur un terrain cadastré AK 124 dont M. A... C... est propriétaire. Par une ordonnance n° 2203477 du 16 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a nommé un expert en vue de procéder à des constatations sur ce bâtiment.

M. A... C... a demandé, par la voie de la tierce opposition, au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de déclarer nulle et non avenue cette ordonnance de référé du 16 décembre 2022 en ce qu'elle a accordé la réalisation d'une expertise sur la parcelle lui appartenant.

Par une ordonnance n° 2301995 du 5 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Furio-Frisch, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 5 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 16 décembre 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a accordé, à la demande du maire, la réalisation d'une expertise sur la parcelle cadastrée AK 124 située 16 rue de la Tour à Ginasservis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ginasservis la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande en tierce opposition devant le juge des référés n'était pas tardive ;

- il n'a pas été avisé de la saisine du juge des référés par le maire de Ginasservis et le maire ne produit pas l'accusé de réception du courrier en date du 14 décembre 2022 qui lui aurait été envoyé pour l'informer de la saisine du juge des référés ;

- en l'absence de débat contradictoire, le délai de quinze jours fixé par l'article L. 531-1 du code de justice administrative pour former tierce opposition n'est pas applicable ;

- l'ordonnance du 16 décembre 2022 prescrivant une expertise lui fait grief en ce qu'il n'est pas le propriétaire du bâtiment qui s'est effondré, mais en est seulement le voisin ;

- alors que l'article 6 du dispositif de l'ordonnance du 16 décembre 2022 indiquait que la commune de Ginasservis devait procéder à la notification de l'ordonnance à M. C..., ce dernier n'en a jamais reçu notification ;

- la " notification orale " à laquelle le maire de Ginasservis indique avoir procédé par l'attestation du 4 septembre 2023 ne constitue pas une notification régulière ;

- la notification ne pouvait être faite que par lettre recommandée avec avis de réception, par voie administrative ou par huissier ;

- il n'a pas été fait application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative ;

- M. C... n'a jamais été averti du moment de la visite de l'expert ;

- l'ordonnance du 16 décembre 2022 lui fait grief en ce qu'elle ne portait pas uniquement sur la désignation d'un expert, mais également sur les mesures à réaliser pour mettre fin au danger.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2024, la commune de Ginasservis, représentée par la SELARL ITEM Avocats, agissant par Me Reghin, conclut :

1°) à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête de M. C... ;

2°) à titre subsidiaire, à la confirmation de l'ordonnance attaquée et au rejet de la requête de M. C... ;

3°) en tout état de cause, à la mise à la charge de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de M. C... n'est pas motivée pour l'application des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et elle est, de ce fait, irrecevable ;

- l'ordonnance du 16 décembre 2022, qui se borne à diligenter la venue d'un expert en urgence afin de constater des désordres inhérents au sinistre, ne fait pas grief à l'appelant ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 9 avril 2024, présenté pour M. C..., représenté par Me Furio-Frisch, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Furio-Frisch, représentant M. C..., et de Me Gonzalez-Lopez, représentant la commune de Ginasservis.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Ginasservis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de désigner un expert, en application des dispositions de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, aux fins d'examiner l'état du bâtiment situé 16 rue de la Tour à Ginasservis, sur un terrain cadastré AK 124 dont M. A... C... est propriétaire. Par une ordonnance n° 2203477 du 16 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a nommé un expert en vue de procéder à des constatations sur ce bâtiment. M. C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, par une requête en tierce-opposition enregistrée le 20 juin 2023, de déclarer nulle et non avenue cette ordonnance de référé du 16 décembre 2022 en ce qu'elle a accordé la réalisation d'une expertise sur la parcelle lui appartenant. Par une ordonnance n° 2301995 du 5 janvier 2024, le juge des référés a rejeté cette demande comme irrecevable pour tardiveté. M. C... doit être regardé comme demandant l'annulation de cette seule ordonnance.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense et la recevabilité de la tierce opposition :

2. Une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge et ne peut être régularisée que jusqu'à l'expiration du délai d'appel. En l'espèce et contrairement à ce que soutient la commune de Ginasservis, le requérant ne se borne pas à reprendre intégralement et exclusivement ses écritures de première instance mais critique, au contraire, tant la régularité que le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Toulon, en particulier en soutenant que, contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés, la " notification orale " à laquelle le maire de Ginasservis indique avoir procédé par l'attestation du 4 septembre 2023 ne constitue pas une notification régulière. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Ginasservis doit donc être écartée.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. ". L'ordonnance n° 2203477 du 16 décembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon ordonne la désignation, en application de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, d'un expert aux fins d'examiner l'état du bâtiment appartenant à M. C..., et de proposer, le cas échéant, les mesures provisoires de nature à faire cesser le péril. Contrairement à ce que soutient la commune de Ginasservis, M. C... justifie en sa qualité de propriétaire du bâtiment objet de l'expertise d'un droit auquel ladite ordonnance a préjudicié. En outre, cette dernière a été rendue sans qu'il ait été appelé ou représenté. Dès lors, la requête en tierce opposition de M. C... était recevable.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation : " Préalablement à l'adoption de l'arrêté de mis en sécurité, l'autorité compétente peut demander à la juridiction administrative la désignation d'un expert afin qu'il examine les bâtiments, dresse constat de leur état y compris celui des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin au danger. L'expert se prononce dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa désignation. (...) ". Et aux termes de l'article R. 556-1 du code de justice administrative : " Lorsque le juge administratif est saisi par le maire, sur le fondement de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, d'une demande tendant à la désignation d'un expert, il est statué suivant la procédure de référé prévue à l'article R. 531-1. ".

5. Aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. Il peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Il peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. / Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels. / Par dérogation aux dispositions des articles R. 832-2 et R. 832-3, le délai pour former tierce opposition est de quinze jours. ". Et aux termes dudit article R. 832-2 : " Celui à qui la décision a été notifiée ou signifiée dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ne peut former tierce opposition que dans le délai de deux mois à compter de cette notification ou signification. ".

6. Si les dispositions citées ci-dessus ne s'opposent pas à ce que le juge des référés mette en cause le propriétaire du bâtiment et les autres défendeurs éventuels avant de rendre son ordonnance, elles ne lui en font pas obligation. En revanche elles lui imposent, s'il nomme un expert aux fins d'effectuer les missions prévues par l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, de leur notifier immédiatement cette ordonnance, l'expertise devant avoir lieu en présence de ces défendeurs.

7. Aux termes de l'article R. 751-3 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) ". Et aux termes de l'article R. 751-4 de ce code : " La notification de la décision peut, le cas échéant, être faite par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4. ".

8. Par une ordonnance n° 2203477 du 16 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur la demande du maire de Ginasservis, a désigné M. B... en qualité d'expert, en application des dispositions de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, aux fins de donner son avis sur l'état de l'immeuble bâti sur un terrain cadastré AK 124 et situé au 16 rue de la Tour à Ginasservis et sur la gravité du péril qu'il représente et, le cas échéant, de proposer les mesures provisoires de nature à faire cesser le péril. M. C..., propriétaire de la parcelle AK 124 a formé une tierce opposition enregistrée le 20 juin 2023 au greffe du tribunal administratif de Toulon. Par l'ordonnance attaquée n° 2301995 du 5 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a fait droit à la fin de non-recevoir opposée par la commune et a rejeté la demande de M. C... comme irrecevable pour tardiveté. Il a retenu comme date de notification le 16 décembre 2022, date de l'ordonnance prescrivant l'expertise, en se fondant sur l'attestation sur l'honneur établie le 4 septembre 2023 par l'adjoint au maire délégué à la sécurité, non contestée par M. C..., qui indique que ce dernier " a été informé oralement par les services de la mairie le 16 décembre 2022 de l'ordonnance n° 2203477 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulon, et de la venue à 15H30 du même jour de l'expert nommé par le même tribunal.(...) ", de sorte que le délai de quinze jours pour former tierce opposition était expiré lors de l'enregistrement le 20 juin 2023 de cette demande.

9. En appel, M. C... soutient que l'ordonnance de désignation d'expert ne lui a pas été notifiée, l'attestation établie le 4 septembre n'établissant pas la preuve d'une notification régulière, alors, en outre, que l'ordonnance du juge des référés du 16 décembre 2022 prévoyait que " La commune de Ginasservis procèdera à la notification à M. A... C... ".

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, qui a nommé un expert aux fins d'effectuer les missions prévues par l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, devait notifier immédiatement l'ordonnance de désignation au propriétaire du bâtiment, dont il connaissait par ailleurs le nom et le domicile. Il ne ressort toutefois d'aucune des pièces du dossier que l'ordonnance du 16 décembre 2022 aurait été notifiée à Mme C... dans les formes prévues par les dispositions de l'article R. 751-3 ou R. 751-4 précitées du code de justice administrative. Dès lors, aucun délai n'était opposable à M. C... pour former tierce opposition. Il suit de là que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande comme irrecevable en raison de sa tardiveté. Par suite, cette ordonnance est irrégulière et doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulon pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. C....

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1 : L'ordonnance n° 2301995 en date du 5 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : M. C... est renvoyé devant le tribunal administratif de Toulon pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et à la commune de Ginasservis.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2024.

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N° 24MA00170

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00170
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-06-01 Procédure. - Jugements. - Règles générales de procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : FURIO-FRISCH

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;24ma00170 ?
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