La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2024 | FRANCE | N°20MA02301

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 13 mai 2024, 20MA02301


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





L'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise (ci-après TCNA) a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 26 juillet 2018 fixant des prescriptions complémentaires d'exploitation applicables aux installations de la société " Orano Cycle B... ", situées sur le territoire de la commune de Narbonne et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros et à la charge de la société Orano cycle B...

une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise (ci-après TCNA) a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 26 juillet 2018 fixant des prescriptions complémentaires d'exploitation applicables aux installations de la société " Orano Cycle B... ", situées sur le territoire de la commune de Narbonne et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros et à la charge de la société Orano cycle B... une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900393 du 18 mai 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de l'association TCNA.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2020, l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise, représentée par Me Ambroselli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900393 du tribunal administratif de Montpellier ainsi que l'arrêté précité du préfet de l'Aude du 26 juillet 2018 ;

2°) de mettre à la charge de la société Orano Chimie Enrichissement et de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une autorisation environnementale était requise en application des dispositions des articles L. 181-14 et R. 181-46 du code de l'environnement ;

- le projet devait faire l'objet d'une évaluation environnementale ;

- les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ont été méconnues ;

- le projet n'est pas conforme au plan de prévention des risques technologiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2021, la société Orano Chimie Enrichissement, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de l'association TCNA ;

2°) de mettre à la charge de l'association TCNA le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Par ordonnance du 20 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2024 à 12h00.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit un mémoire enregistré le 25 mars 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Ambroselli pour l'association TCNA et de M A... pour la société Orano Chimie Enrichissement.

Considérant ce qui suit :

1. La société Areva NC, devenue la société Orano Cycle, puis Orano Chimie Enrichissement exploite, dans le cadre de ses activités de fabrication de combustibles nucléaires, une usine de conversion de l'uranium au lieu-dit " B... " sur le territoire de la commune de Narbonne. L'usine réceptionne des concentrés miniers d'uranium et met en œuvre la première étape de la conversion de ces concentrés uranifères en procédant à leur purification à un très haut degré puis à leur conversion en tétrafluorure d'uranium (UF4). Les activités exploitées sur le site de B... relèvent, d'une part, de la législation sur les installations classées, l'établissement étant classé Seveso seuil haut pour la zone " usine ", et, d'autre part, de la réglementation des installations nucléaires de base, s'agissant de la partie du site constituée des anciens bassins de décantation B1 et B2. Le préfet de l'Aude a, par arrêté du 8 novembre 2017, autorisé la société Areva à poursuivre l'exploitation des installations de purification de concentrés uranifères et de fabrication de tétrafluorure d'uranium et à créer une unité complémentaire de traitement des nitrates dénommée TDN au sein de son usine. Le 29 juin 2018, la société Orano Cycle a porté à la connaissance du préfet de l'Aude des éléments d'appréciation portant sur le projet de modification des installations pour produire 300 tonnes de dioxyde d'uranium (UO2). Ce projet consiste, d'une part, à rénover l'atelier Récupération au sein duquel seront réalisées les premières opérations de production du dioxyde d'uranium à savoir celles de dissolution et d'attaque acide et, d'autre part, à créer un nouvel atelier dit atelier de Réduction localisé à l'emplacement de l'ancien atelier Grillage, au sein duquel aura lieu la suite du processus de fabrication du dioxyde d'uranium. Par un arrêté en date du 26 juillet 2018, le préfet de l'Aude a, en conséquence de ce porter à connaissance, fixé des prescriptions complémentaires. L'association TCNA interjette appel du jugement n° 1900393 en date du 18 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté du 26 juillet 2018.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'évaluation environnementale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement alors applicable : " I.- Pour l'application de la présente section, on entend par : 1° Projet : la réalisation de travaux de construction, d'installations ou d'ouvrages, ou d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol ; (...) II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale (...) ". Aux termes de l'article R. 122-2 dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau (...). II. - Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l'objet d'une évaluation environnementale ou d'un examen au cas par cas. / Les autres modifications ou extensions de projets soumis à évaluation environnementale systématique ou relevant d'un examen au cas par cas, qui peuvent avoir des incidences négatives notables sur l'environnement sont soumises à examen au cas par cas (...) ". Le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement prévoit une évaluation environnementale systématique pour les installations mentionnées aux articles L. 515-28 et L. 515-32 du code de l'environnement et un examen au cas par cas, notamment, pour les autres installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation. Aux termes de l'article L. 515-28 du code de l'environnement : " Pour les installations énumérées à l'annexe I de la directive mentionnée ci-dessus et dont la définition figure dans la nomenclature des installations classées prévue à l'article L. 511-2, les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 mentionnées à l'article L. 181-12 sont fixées de telle sorte qu'elles soient exploitées en appliquant les meilleures techniques disponibles et par référence aux conclusions sur ces meilleures techniques (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 515-32 dudit code : les installations, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, dans lesquelles des substances, préparations ou mélanges dangereux sont présents dans des quantités telles qu'ils peuvent être à l'origine d'accidents majeurs. ". Enfin, aux termes de l'article R. 511-10 du même code : " I.- Les substances et mélanges dangereux mentionnés au I de l'article L. 515-32 sont les substances et mélanges dangereux et assimilés tels que définis à la rubrique 4 000 de la nomenclature annexée à l'article R. 511-9, qui sont visés par les rubriques comprises entre 4100 et 4799, et celles numérotées 2760-4 et 2792./Il est défini, au sein de ces rubriques, des quantités dénommées quantités seuil haut ainsi que, pour certaines d'entre elles, des quantités seuil bas (...) ".

3. Il est constant, d'une part, que le projet porté à la connaissance du préfet de l'Aude, ne concerne pas une installation mentionnée à l'annexe I de la directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles et ne relève ainsi pas des dispositions de l'article L. 515-28 du code de l'environnement. D'autre part, dès lors qu'il relève de la rubrique 1716 de la nomenclature des installations classées, les dispositions de l'article L. 515-32 du code de l'environnement ne sont pas applicables. Par suite, le projet devait faire l'objet d'un examen au cas par cas. Il résulte de l'instruction que, par une décision en date du 28 juin 2018, publiée sur le site www.side.developpement-durable.gouv.fr, le préfet de la région Occitanie agissant en qualité d'autorité environnementale, a, après examen au cas par cas, dispensé la société exploitante d'une évaluation environnementale pour la réalisation du projet litigieux. Cette décision, qui a le caractère d'une mesure préparatoire à l'élaboration du projet, peut être contestée à l'occasion de l'exercice d'un recours contre la décision approuvant ledit projet.

4. Aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " (...) IV. - L'autorité environnementale dispose d'un délai de trente-cinq jours à compter de la réception du formulaire complet pour informer le maître d'ouvrage par décision motivée de la nécessité ou non de réaliser une évaluation environnementale. / Elle examine, sur la base des informations fournies par le maître d'ouvrage, si le projet doit faire l'objet d'une évaluation environnementale au regard des critères pertinents de l'annexe III de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. / L'autorité environnementale indique les motifs qui fondent sa décision au regard des critères pertinents de l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, et compte tenu le cas échéant des mesures et caractéristiques du projet présentées par le maître d'ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine. / Cette décision ou, en cas de décision implicite, le formulaire accompagné de la mention du caractère tacite de la décision est publiée sur son site internet et figure dans le dossier soumis à enquête publique ou à participation du public par voie électronique en application des dispositions de l'article L. 123-19./ L'absence de réponse de l'autorité environnementale dans le délai de trente-cinq jours vaut obligation de réaliser une évaluation environnementale ". Il résulte de l'annexe III de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 précitée que : " 1. Les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport : a) à la dimension du projet ; b) au cumul avec d'autres projets ; c) à l'utilisation des ressources naturelles ; d) à la production de déchets ; e) à la pollution et aux nuisances ; f) au risque d'accidents, eu égard notamment aux substances ou aux technologies mises en œuvre. / 2. La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d'être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte : a) l'occupation des sols existants ; b) la richesse relative, la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone ; c) la capacité de charge de l'environnement naturel, en accordant une attention particulière aux zones suivantes : i) zones humides ; ii) zones côtières ; iii) zones de montagnes et de forêts ; iv) réserves et parcs naturels ; v) zones répertoriées ou protégées par la législation des États membres ; zones de protection spéciale désignées par les États membres conformément à la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ( 1) et à la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ( 2 ) ; vi) zones dans lesquelles les normes de qualité environnementales fixées par la législation de l'Union sont déjà dépassées ; vii) zones à forte densité de population ; viii) paysages importants du point de vue historique, culturel et archéologique. / 3. Les incidences notables qu'un projet pourrait avoir doivent être considérées en fonction des critères énumérés aux points 1 et 2, notamment par rapport : a) à l'étendue de l'impact (zone géographique et importance de la population affectée) ; b) à la nature transfrontalière de l'impact ; c) à l'ampleur et la complexité de l'impact ; d) à la probabilité de l'impact ; e) à la durée, à la fréquence et à la réversibilité de l'impact ".

5. La décision de dispense d'évaluation environnementale du 28 juin 2018 a, conformément aux critères pertinents de l'annexe III de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011, tenu compte de la nature du projet, de sa localisation et de ses impacts prévisibles au regard, notamment, des déchets liés au projet et de ses effets prévisibles, lesquels ont été analysés en tenant compte de l'ensemble de l'activité du site de B... et non isolément. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de dispense d'évaluation environnementale serait illégale.

6. En second lieu, ainsi qu'il sera dit aux points 9 à 14 ci-après, les modifications envisagées ne sont pas substantielles.

7. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet litigieux aurait dû être précédé d'une évaluation environnementale.

En ce qui concerne la nécessité d'une nouvelle autorisation environnementale :

8. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-31. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale (...) ".

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'une nouvelle évaluation environnementale n'était pas requise par les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. En outre et en tout état de cause, le projet envisagé, lequel implique la production de dioxyde d'uranium dont il n'est pas contesté qu'il était déjà produit auparavant en tant que produit d'étape en vue de la fabrication de tétrafluorure d'uranium, ne constitue pas une extension au sens de l'article R. 181-46 dès lors, d'une part, qu'il entre dans la rubrique 1716 de la nomenclature des installations classées dont dépendait déjà auparavant l'exploitation et n'implique aucun changement de seuil et, d'autre part, qu'il n'entraîne aucune extension de capacité de production, laquelle reste fixée à 21 000 tonnes, ou de stockage des produits finis qui reste établie à 37 000 tonnes ou des produits uranifères présents dans les ateliers de fabrication qui reste fixée à 3 000 tonnes. Par ailleurs, le projet n'entraîne aucune extension géographique dès lors que la construction de l'atelier Réduction est envisagée au sein du périmètre de l'installation classée sur le sol de l'ancien atelier Grillage.

10. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le projet litigieux entraîne des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement.

11. D'une part, s'il résulte de l'instruction et notamment de l'avis émis le 2 juillet 2018 par l'inspection de l'environnement que la valeur du QNS (coefficient d'activité équivalente pour les substances radioactives non scellées) afférente au projet est de l'ordre de 3,4. 108 alors que le seuil d'autorisation est, en application des dispositions de l'article R. 1333-106 du code de la santé publique et de son annexe 13-8, de 104, ce qui impliquerait, si l'installation projetée était examinée individuellement en dehors de toute installation déjà existante, une nouvelle autorisation environnementale, il résulte de l'instruction que le QNS global initialement prévu par l'arrêté du 8 novembre 2017 n'est pas modifié (1011 pour la zone entreposage soit 37 000 tonnes d'uranium et 7,8 109 pour la zone atelier de fabrication soit 3 000 tonnes).

12. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que le projet envisagé va entraîner, du fait de la création de l'atelier Réduction et du conduit de cheminée n° 36, une augmentation des rejets atmosphériques de poussières de 7,7 % et d'uranium de 5,3 %, il va corrélativement permettre, du fait de la complète rénovation de l'atelier Récupération, une diminution des oxydes d'azote (NOx) de 3,2 % et d'ammoniac (NH3) de 0,3 %. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé l'inspection de l'environnement, en dépit de l'augmentation de l'émission des rejets de poussières et d'uranium, le flux lié à ce projet ne conduira pas à augmenter les valeurs limites des flux en uranium et en activité totale équivalente déjà prescrits par l'article 3.2.4.5 de l'arrêté préfectoral du 8 novembre 2017.

13. Enfin, si la requérante fait valoir que la consommation énergétique va augmenter de manière significative, il résulte de l'instruction que cette augmentation ne sera que de 6 à 7 % de la consommation énergétique de l'ensemble de l'exploitation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les modifications envisagées, qui ne peuvent être regardées comme entraînant des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement, ne sont pas substantielles. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aurait dû faire l'objet d'une nouvelle autorisation environnementale.

En ce qui concerne la conformité du projet au plan de prévention des risques technologiques :

15. Aux termes de l'article L. 515-23 du code de l'environnement : " Le plan de prévention des risques technologiques approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est porté à la connaissance des maires des communes situées dans le périmètre du plan en application de l'article L. 132-2 du code de l'urbanisme. Il est annexé aux plans locaux d'urbanisme, conformément à l'article L. 153-60 du même code ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Il résulte de ces dispositions que les prescriptions des plans de prévention des risques technologiques prévus par les articles L. 515-15 et suivants du code de l'environnement, lesquels sont annexés aux plans locaux d'urbanisme, sont opposables aux ouvertures d'installations classées qu'elles résultent d'autorisations ou, en l'absence de modifications substantielles, de prescriptions complémentaires.

16. Il résulte de l'instruction qu'un plan de prévention des risques technologiques de l'établissement anciennement dénommé COMURHEX a été approuvé par arrêté du préfet de l'Aude du 23 janvier 2013, la partie au sein de laquelle est envisagé le projet de production de dioxyde d'uranium se situant dans la zone grise qui correspond au périmètre de l'exploitation de l'établissement COMURHEX B.... Aux termes de l'article 1er du règlement dudit plan afférent à la zone grise : " (...) Elle correspond à une zone spécifique d'interdiction stricte de tout bâtiment, aménagement ou ouvrage non liés à l'activité à l'origine du risque (...) ". Aux termes de l'article 2.1.1.1 dudit règlement : " Sont interdits tout aménagement ou tout bâtiments à l'exception de ceux mentionnés à l'article 2.1.1.2 de la présente section ". Et aux termes de l'article 2.1.1.2 : " Sont autorisés sous réserve du respect des conditions définies à l'article 2.1.2 du présent règlement : toute construction, aménagement ou ouvrage indispensables à l'activité à l'origine du risque technologique, et sans augmentation de l'aléa à l'extérieur des limites de la zone grisée (...) ".

17. La production de dioxyde d'uranium doit, au sens des dispositions précitées du plan de prévention des risques technologiques, être regardée comme indispensable à l'activité de production du combustible nucléaire, que celle-ci résulte de la filière UOX consistant à produire du combustible nucléaire à base d'oxyde d'uranium naturel enrichi, que pratique depuis son origine la société exploitante, ou de la filière MOX qui consiste à produire du combustible nucléaire à base d'oxyde mixte d'uranium et de plutonium. Par suite, le moyen soulevé par l'association TCNA tiré de ce que le projet envisagé, qui prévoit la construction d'un nouvel atelier Réduction pour la fabrication du dioxyde d'uranium, ne serait pas conforme au plan de prévention des risques technologiques doit être écarté.

En ce qui concerne l'atteinte aux intérêts protégés par les articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement :

18. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ;2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales (...) ; 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, notamment par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l'utilisation des eaux de pluie en remplacement de l'eau potable ; 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. / Un décret en Conseil d'Etat précise les critères retenus pour l'application du 1° et les modalités d'application du 6° du présent I aux activités, installations, ouvrages et travaux relevant des articles L. 214-3 et L. 511-2 dont la demande d'autorisation, la demande d'enregistrement ou la déclaration sont postérieures au 1er janvier 2021, ainsi qu'aux activités, installations, ouvrages et travaux existants. / II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. / III.- La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

19. Si la requérante fait valoir que le projet litigieux est contraire aux dispositions précitées des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement en ce qu'il comporterait des risques, notamment, pour la santé, il résulte de ce qui a été dit précédemment et ainsi que l'a estimé l'inspection de l'environnement dans son avis du 2 juillet 2018, que celui-ci ne peut être regardé comme entraînant des dangers et inconvénients significatifs. Par suite, le moyen précité doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par l'association TCNA doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

21. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par l'association TCNA doivent, dès lors, être rejetées. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association TCNA le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à la société Orano Chimie Enrichissement en application des dispositions précitées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association TCNA est rejetée.

Article 2 : L'association TCNA versera à la société Orano Chimie Enrichissement la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Orano Chimie Enrichissement.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2024.

N° 20MA02301 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02301
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : AMBROSELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;20ma02301 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award