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13/05/2024 | FRANCE | N°19MA05472

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 13 mai 2024, 19MA05472


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise (ci-après TCNA) a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 22 mai 2018 fixant les prescriptions complémentaires d'exploitation applicables aux installations de la société Orano cycle A... à Narbonne et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Par un jugement n° 1806179 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise (ci-après TCNA) a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 22 mai 2018 fixant les prescriptions complémentaires d'exploitation applicables aux installations de la société Orano cycle A... à Narbonne et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1806179 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2019, l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise, représentée par Me Ambroselli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté précité du préfet de l'Aude du 22 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Orano Chimie Enrichissement le paiement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 28 juin 2018 par laquelle le préfet de l'Aude a, après examen au cas par cas, dispensé la société exploitante de produire une étude d'impact est illégale ;

- les dispositions de l'article L. 593-14 du code de l'environnement ont été méconnues dès lors que l'on est en présence d'une modification substantielle d'une installation nucléaire de base, ce qui nécessitait donc une nouvelle autorisation ;

- une évaluation environnementale était requise ;

- il n'est pas établi que l'autorité de sûreté nucléaire aurait été consultée sur le projet autorisé par l'arrêté attaqué ;

- un détournement de procédure a été commis ;

- les dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement ont été méconnues ;

- l'ensemble du site devrait, du fait de la composition des boues stockées, être classé dans la catégorie des installations nucléaires de base ;

- les dispositions des articles L. 593-2, L. 593-4, L. 593-7, L. 593-8, L. 593-9 et L. 121-8 du code de l'environnement ont été méconnues ;

- les dispositions des articles L. 593-1, L. 181-3 et L. 511-1 du même code ont également été méconnues.

Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 7 mars 2020, l'association Réseau Sortir du Nucléaire (ci-après RSN), représentée par Me Ambroselli, s'associe aux conclusions présentées par l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat et de la société Orano Chimie Enrichissement le paiement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soulève les mêmes moyens que ceux présentés par l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2020, la société Orano Cycle, nouvellement dénommée Orano Chimie Enrichissement, représentée par Me Boivin, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise et l'intervention volontaire de l'association Réseau Sortir du Nucléaire ;

2°) de mettre à la charge de l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'intervention volontaire de l'association Réseau Sortir du Nucléaire est irrecevable et que les moyens de la requête sont infondés.

Par ordonnance du 20 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2024 à 12h00.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit un mémoire le 25 mars 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Ambroselli pour l'association TCNA et de Me Souchon pour la société Orano Chimie Enrichissement.

Considérant ce qui suit :

1. La société Areva NC, devenue la société Orano Cycle, puis Orano Chimie Enrichissement exploite, dans le cadre de ses activités de fabrication de combustibles nucléaires, une usine de conversion de l'uranium au lieu-dit " A... " sur le territoire de la commune de Narbonne. L'usine réceptionne des concentrés miniers d'uranium et met en œuvre la première étape de la conversion de ces concentrés uranifères en procédant à leur purification à un très haut degré puis à leur conversion en tétrafluorure d'uranium. Les activités exploitées sur le site de A... relèvent, d'une part, de la législation sur les installations classées, l'établissement étant classé Seveso seuil haut pour la zone " usine ", et, d'autre part, de la réglementation des installations nucléaires de base, s'agissant de la partie du site constituée des anciens bassins de décantation B1 et B2. Le préfet de l'Aude a, par arrêté du 8 novembre 2017, autorisé la société Areva à poursuivre l'exploitation des installations de purification de concentrés uranifères et de fabrication de tétrafluorure d'uranium et à créer une unité complémentaire de traitement des nitrates dénommée TDN au sein de son usine. Le 15 décembre 2017, la société Areva a porté à la connaissance du préfet de l'Aude des éléments d'appréciation portant sur les projets PERLE (projet d'entreposage réversible des lagunes dans l'INB ECRIN) et CERS (casier d'entreposage réversible de surface). Le projet PERLE consiste à créer un alvéole au sud du bassin B2, dont le volume net d'entreposage de résidus de 27 000 m3, sera destiné à recevoir, à l'intérieur de géotubes, et après processus de déshydratation, toutes les boues contenues dans le bassin de décantation B5 et une partie de celles contenues dans le bassin B6 et à recouvrir l'ensemble d'une couverture bitumeuse. Le projet CERS consiste quant à lui à surcreuser le bassin B3, à créer en son sein un alvéole destiné à stocker le reste des boues contenues dans le bassin B6, d'un volume de 10 000 m3, n'ayant pu être transférées dans l'alvéole PERLE et à recouvrir la surface d'une couverture bitumeuse. Par un arrêté en date du 22 mai 2018 portant sur le projet CERS, le préfet de l'Aude a fixé des prescriptions complémentaires. L'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise interjette appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Orano Chimie Enrichissement à l'intervention de l'association Réseau Sortir du Nucléaire :

2. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. L'intérêt d'un tiers à intervenir au soutien d'une demande d'annulation d'une prescription complémentaire d'une autorisation environnementale doit s'apprécier compte tenu des inconvénients et dangers que présente l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation de l'intervenant et de la configuration des lieux.

3. L'association RSN, qui intervient au soutien des conclusions de la requête d'appel présentée par l'association TCNA, a pour objet selon ses statuts " d'engager toutes les réflexions et actions permettant à la France de sortir du nucléaire civil et militaire, notamment en promouvant une autre politique énergétique. A cette fin, le Réseau se propose de lutter contre les pollutions et les risques pour l'environnement et la santé que représentent l'industrie nucléaire et les activités et projets d'aménagement qui y sont liés (...) ". Eu égard aux fins ainsi poursuivies et aux conséquences éventuelles du projet précité sur l'environnement, cette association, qui est par ailleurs une association agréée au titre de la protection de l'environnement sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'environnement, justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présence instance. Par suite, son intervention est recevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, si l'association requérante fait valoir que la décision en date du 28 juin 2018 par laquelle le préfet de l'Aude a dispensé, après examen au cas par cas, d'évaluation environnementale le projet ayant fait l'objet de prescriptions complémentaires fixées par arrêté préfectoral du 26 juillet 2018, est illégale, ce moyen est inopérant à l'égard de l'arrêté préfectoral du 22 mai 2018.

5. En second lieu, à supposer que l'association requérante ait entendu soutenir que la Commission nationale du débat public aurait dû être saisie en application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'environnement, elle n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne les moyens relatifs aux installations nucléaires de base :

6. En premier lieu, s'il est constant que, par un décret en date du 20 juillet 2015, la société Areva a été autorisée à créer et exploiter l'installation nucléaire de base dénommée ECRIN, celle-ci étant constituée des deux anciens bassins de décantation B1 et B2, de trois digues (Nord, Est et Ouest), d'un alvéole d'entreposage sur le bassin B2 et d'une couverture bitumeuse, et s'il est exact que les projets PERLE et CERS précités sont interdépendants, il résulte toutefois de l'instruction que ce dernier projet, seul concerné par l'arrêté attaqué du 22 mai 2018, consiste à transférer des boues placées dans le bassin B6, classé dans la rubrique 1735 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement vers le bassin B3 classé dans la même nomenclature sans que ne soit prévue aucune modification dans la zone d'installation nucléaire de base précitée. Par ailleurs, si les prescriptions complémentaires litigieuses prévoient la création, d'une part, d'un bassin de contrôle du premier flot des eaux pluviales et, d'autre part, d'un ouvrage de rejet direct dans le milieu naturel des eaux pluviales, il est constant que ces ouvrages sont, bien que récupérant également des eaux ruisselant en zone d'installation nucléaire de base, situés en zone d'installation classée pour la protection de l'environnement.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 593-2 du code de l'environnement : " Les installations nucléaires de base sont : (...) 5° Les centres de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs mentionnés à l'article L. 542-10-1 ".

8. Les associations TCNA et RSN font valoir que toutes les installations de stockage situées sur le site de A..., dont le bassin B6 dont vont être extraites les boues concernées par le projet CERS, constituent de fait des installations nucléaires de base soumises, par suite, aux dispositions spécifiques du code de l'environnement qui les régissent dès lors qu'elles contiennent des déchets hautement radioactifs tels que de l'uranium enrichi en isotope 235 et du plutonium. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment de la liste de l'inventaire national des matières et déchets radioactifs émise par l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), et figurant dans l'annexe 3 du porter à connaissance adressé au préfet de l'Aude, que si les boues des anciens bassins de décantation B1 et B2 ont une forte activité radiologique et contiennent des radioéléments artificiels tels que le plutonium 238 à 242, l'américium 241, le technétium 99 et le neptunium 237, dont la présence s'explique par la circonstance qu'entre les années 1960 et 1983, au cours desquelles seuls les bassins B1 et B2 étaient en fonctionnement, ont eu lieu des campagnes de conversion d'uranium dit de retraitement, en revanche, les boues du bassin B6 destinées à être positionnées dans un alvéole du bassin B3 ont une activité radiologique nettement moindre et ne contiennent pas de tels éléments radioactifs artificiels. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient l'association TCNA qui se prévaut d'une ancienne étude effectuée par la commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) en 2006 aux abords des bassins B1 et B2, que l'exploitante, alors au demeurant qu'elle n'est autorisée, dans le cadre de la rubrique 1735 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, qu'à stocker des substances radioactives sous forme de résidus solides de minerais d'uranium, de thorium ou de radium ne contenant pas d'uranium enrichi en isotope 235, aurait procédé à un tel enrichissement. Il suit de là que la composition des boues situées dans les bassins B1 et B2, d'une part, et dans le bassin B6, d'autre part, justifie la différence de situation juridique desdits bassins.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 que les prescriptions complémentaires fixées par l'arrêté attaqué du 22 mai 2018 ne concernent ni une installation nucléaire de base ni une installation qui aurait dû être qualifiée comme telle. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce que l'autorité de sûreté nucléaire, qui a, au demeurant, été consultée dans le cadre du projet PERLE qu'elle a autorisé par décision du 12 octobre 2018, aurait dû être consultée au préalable sur le projet CERS, de ce que l'arrêté serait entaché d'un détournement de procédure et de ce qu'auraient été méconnues les dispositions des articles L. 593-14, L. 593-2, L. 593-4, L. 593-7, L. 593-8, L. 593-9 et L. 593-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne les moyens relatifs aux installations classées pour la protection de l'environnement :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau./ A titre dérogatoire, les projets soumis à évaluation environnementale systématique qui servent exclusivement ou essentiellement à la mise au point et à l'essai de nouveaux procédés ou de nouvelles méthodes, pendant une période qui ne dépasse pas deux ans, font l'objet d'une évaluation environnementale après examen au cas par cas. / II. - Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l'objet d'une évaluation environnementale ou d'un examen au cas par cas. / Les autres modifications ou extensions de projets soumis à évaluation environnementale systématique ou relevant d'un examen au cas par cas, qui peuvent avoir des incidences négatives notables sur l'environnement sont soumises à examen au cas par cas (...) ".

11. D'une part, le projet CERS, qui consiste en une simple modification du stockage des boues résultant de la conversion de l'uranium, n'emporte aucun changement de seuil de l'installation, ni même de la rubrique de la nomenclature des installations classées (1735) ni aucune modification du tonnage autorisé bien que le volume soit légèrement augmenté. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment de l'avis favorable émis le 20 février 2018 par l'inspection de l'environnement que le projet, dans son ensemble, vise à remédier, à titre temporaire pour une durée de trente ans dans l'attente de la fixation d'une solution définitive pour le stockage de déchets de ce type, à la saturation des bassins B5 et B6 et à un arrêt de l'activité de l'usine à l'horizon de septembre 2019 et a pour effet d'améliorer la situation existante consistant à stocker les boues à l'air libre, en évitant, d'une part, la dispersion de particules radioactives dans l'atmosphère et, d'autre part, un épandage en cas d'inondation ou de rupture d'une digue, comme cela s'est produit par le passé. En outre, si l'association requérante et l'intervenante volontaire font état d'études de la CRIIRAD, d'expertises et articles divers, ceux-ci, pour la plupart relatifs à la méthodologie THOR envisagée dans le cadre de la construction d'une unité de traitement des nitrates, ne concernent pas spécifiquement le projet CERS, objet du présent litige, et ne décrivent aucunement les incidences négatives notables sur l'environnement que ce projet serait susceptible d'avoir tant dans la phase de travaux que dans la phase d'exploitation. Il en va de même de la lettre adressée le 2 septembre 2019 par l'ASN à l'exploitant qui ne concerne pas le stockage temporaire des déchets tel que prévu par le projet CERS mais la gestion à long terme des déchets radioactifs dans le cadre de la mise en œuvre du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Par suite, le moyen tiré de ce qu'aurait dû être réalisée une évaluation environnementale suivie d'un avis de l'autorité environnementale doit être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-31. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I.- Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) III.- Pour les installations relevant de l'article L. 515-32 : 1° Sont regardées comme substantielles, dans tous les cas : a) Les modifications pouvant avoir des conséquences importantes sur le plan des dangers liés aux accidents majeurs ; b) Les modifications ayant pour conséquence qu'un établissement seuil bas devient un établissement seuil haut (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2009 fixant certains seuils et critères mentionnés aux articles R. 512-33 et R. 512-54 du code de l'environnement : " Pour l'application des articles R. 512-33, R. 512-46-23 et R. 512-54 du code de l'environnement et sans préjudice des modifications de nature à entraîner une augmentation des dangers ou inconvénients mentionnées aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du même code, est réputée substantielle : I.- Pour les installations ayant une activité utilisant des solvants organiques mentionnées en annexes I et II : a.- Pour les petites installations, la modification de la capacité nominale donnant lieu à une augmentation des émissions de composés organiques volatils de plus de 25 %. On entend par petite installation, une installation dont la consommation annuelle de solvants est comprise dans l'intervalle indiqué à l'annexe I pour les petites installations, lorsqu'il existe ; b.-Pour les installations autres que celles mentionnées au a du présent I et dont la consommation de solvants est supérieure au seuil mentionné en annexe I pour les installations autres que petites, la modification de la capacité nominale donnant lieu à une augmentation des émissions de composés organiques volatils de plus de 10 % ; c.-Pour les installations de capacité nominale supérieure ou égale aux seuils mentionnées en annexe II, sans préjudice des dispositions du b du présent I, la modification ou extension de l'exploitation qui atteint en elle-même les seuils de ladite annexe. / II.- Pour les installations relevant des activités mentionnées en annexe III, toute modification des capacités nominales supérieure ou égale aux seuils indiqués à ladite annexe. / III.- Pour les installations de stockage de pétrole, de produits pétrochimiques ou de produits chimiques, toute modification des capacités nominales supérieure ou égale à 200 000 tonnes ou plus./ IV.- Toute modification des capacités qui soumet les installations aux dispositions de la section 8 du chapitre V du titre Ier du livre V du code de l'environnement et toute modification qui atteint en elle-même les seuils indiqués au sein des rubriques 3 000 à 3999 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ".

13. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la modification née du projet CERS n'emporte aucune extension au sens du 1° de l'article R. 181-46 précité. D'autre part, elle n'engendre aucune modification de capacité nominale au sens de l'arrêté précité du 15 décembre 2009 pris pour l'application du 2° du nouvel article R. 181-46. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 du présent arrêt, elle ne peut être regardée ni comme entraînant des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement ni, et cela n'est d'ailleurs pas soutenu, comme pouvant avoir des conséquences importantes sur le plan des dangers liés aux accidents majeurs. Il résulte de ce qui précède, en l'absence de modifications pouvant être regardées comme substantielles au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 181-14 du même code, que les associations TCNA et RSN ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'illégalité en ce qu'il n'a pas été précédé d'une nouvelle autorisation environnementale.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Il ne résulte pas de l'instruction que le projet CERS présenterait des dangers ou inconvénients pour les intérêts visés par ces dispositions.

15. Il résulte de ce qui précède que les associations TCNA et RSN ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre l'arrêté du 22 mai 2018.

Sur les frais d'instance :

16. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par l'association TCNA ainsi qu'en tout état de cause celles présentées par l'association RSN doivent, dès lors, être rejetées. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association TCNA le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à la société Orano Chimie Enrichissement en application des dispositions précitées.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention volontaire de l'association Réseau Sortir du Nucléaire est admise.

Article 2 : La requête présentée par l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise et l'intervention volontaire de l'association Réseau Sortir du Nucléaire sont rejetées.

Article 3 : L'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise versera à la société Orano Chimie Enrichissement la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Transparence des Canaux de la Narbonnaise, à l'association Réseau Sortir du Nucléaire, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Orano Chimie Enrichissement.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2024.

N° 19MA05472 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05472
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie - Installations nucléaires.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP BOIVIN & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;19ma05472 ?
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