Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés civiles immobilières (SCI) Paudi et Mika ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler :
- la lettre du 15 janvier 2008 par laquelle le président du conseil général des
Alpes-Maritimes les a informées que la commission permanente de cette assemblée délibérante avait exceptionnellement décidé de proroger jusqu'au 20 novembre 2008 la subvention d'un montant de 622 130 euros qu'elle leur avait accordée par une délibération du 21 novembre 2005, dans le cadre de leur projet de réhabilitation en douze logements d'un ancien hôtel situé 6 rue du Val gelé, sur le territoire de la commune de Saint-Etienne-de-Tinée ;
- la délibération du 21 octobre 2016 par laquelle la commission permanente du conseil départemental des Alpes-Maritimes a retiré cette subvention d'un montant de 622 130 euros et exigé le remboursement des trois acomptes versés pour un montant de 323 507,60 euros ;
- la lettre du 16 décembre 2016 par laquelle le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes a informé les SCI Paudi et Mika de l'adoption de cette délibération du 21 octobre 2016 et de ce que cette somme de 323 507,60 euros allait faire l'objet d'une procédure de recouvrement mise en œuvre par la paierie départementale et qu'un avis des sommes à payer leur serait prochainement adressé ;
- le titre de recettes n° 00600/274/2017 émis à leur encontre le 27 janvier 2017, en vue du recouvrement de cette somme de 323 507,60 euros ;
- la notification d'opposition à tiers détenteur émise le 8 juin 2018 pour le paiement de cette somme de 323 507,60 euros.
Par un jugement n° 1803029 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, les SCI Paudi et Mika, représentées par Me Troin, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 juin 2022 ;
2°) d'annuler cette délibération, ces lettres, ce titre de recettes et cette notification d'opposition à tiers détenteur ;
3°) de mettre à la charge in solidum du département des Alpes-Maritimes et de la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elles soutiennent que :
- à titre principal, compte tenu de la prescription quadriennale prévue par la loi
n° 68-1250 du 31 décembre 1968 et le 3° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, ou, en tout état de cause, de la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil, le département des Alpes-Maritimes n'a plus de créance à leur encontre ;
- à titre subsidiaire :
. elles n'ont pas reçu la décision administrative qui sous-tend la notification d'opposition à tiers détenteur du 8 juin 2018 et il n'existe pas de titre de recettes préalable à la notification d'opposition à tiers détenteur ;
. en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, elles n'ont pas été destinataires de l'ampliation du titre de recettes émis par l'ordonnateur ;
. la lettre du 16 décembre 2016 évoque une décision de la commission réunie le 21 octobre 2016, sans qu'il ait été justifié de l'existence et de la publication de cette décision ;
. dans sa lettre du 16 décembre 2016, le président du conseil départemental des
Alpes-Maritimes indique que la participation financière du département est subordonnée au financement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ; or, l'article R. 321-21 du code de la construction et d'habitation prévoit que le retrait ou le reversement total ou partiel d'une subvention doit être précédé d'une procédure de communication préalable et des éléments de calcul sur le montant du reversement ;
- le défaut de réalisation de l'opération de construction est indépendant de leur volonté et relève d'un cas de force majeure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le département des
Alpes-Maritimes, représenté par le cabinet Richer-et-associés-droit-public, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des SCI Paudi et Mika au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable :
. cette requête est irrecevable par application des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dès lors que les SCI Paudi et Mika n'émettent aucune critique à l'égard du jugement attaqué :
. si les SCI Paudi et Mika sollicitent de nouveau l'annulation de la décision du 15 janvier 2008, de la délibération du 21 octobre 2016 et de la décision du 16 décembre 2016, elles n'établissent toujours pas la recevabilité de telles conclusions ; or, ces conclusions sont irrecevables car tardives ;
- à titre subsidiaire, la requête n'est pas fondée et le titre de recettes en cause contesté est légal.
La procédure a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui n'a pas présenté de mémoire, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, le 16 mars 2023, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 décembre 2023, à 12 heures.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la Cour a demandé, le 28 février 2024, au conseil du département des Alpes-Maritimes de justifier de la publication de la délibération de la commission permanente du conseil départemental des
Alpes-Maritimes du 21 octobre 2016 portant retrait de la subvention accordée aux SCI Paudi et Mika, et de sa notification à ces deux sociétés.
Par des lettres du 28 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il a admis à tort la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande d'annulation de l'avis d'opposition à tiers détenteur du 8 juin 2018, alors que le contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales relève, en application des articles L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et L. 281 du livre des procédures fiscales, de la compétence du juge de l'exécution.
Par des observations en réponse, enregistrées le 4 mars 2024, le département des
Alpes-Maritimes, représenté par le cabinet Richer-et-associés-droit-public, demande à la Cour de déclarer la juridiction administrative compétente sur la contestation du bien-fondé de la créance en cause.
Il fait valoir que :
- une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral administratif, et relève de la juridiction administrative qui est dès lors compétente pour connaître du bien-fondé d'une créance reposant sur l'attribution ou le retrait d'une subvention ;
- en son considérant 5, le tribunal administratif de Nice s'est bien déclaré incompétent s'agissant des contestations relatives à la décision d'opposition à tiers détenteur du 8 juin 2018.
En réponse à la mesure d'instruction susvisée, le département des Alpes-Maritimes, représenté par le cabinet Richer-et-associés-droit-public, a produit des pièces le 8 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2017-1775 du 23 décembre 2017 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Petizon, représentant le département des Alpes-Maritimes.
Une note en délibéré, présentée pour le département des Alpes-Maritimes, par le cabinet Richer-et-associés-droit-public, a été enregistrée le 13 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Les sociétés civiles immobilières (SCI) Paudi et Mika ont fait l'acquisition d'un ancien hôtel situé 6 rue du Val gelé, sur le territoire de la commune de Saint-Etienne-de-Tinée, dans le département des Alpes-Maritimes. Afin de réhabiliter cet immeuble et de l'aménager en douze logements, elles ont sollicité une subvention auprès de la délégation locale des
Alpes-Maritimes de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Par une décision du 29 juillet 2005, le délégué local de cette agence a fait droit à cette demande en leur accordant une somme de 118 620 euros, à la condition que ces travaux de réhabilitation soient réalisés dans un délai déterminé. En application de l'article 3 de la convention signée le
1er août 2003 par l'Etat, le département des Alpes-Maritimes et l'ANAH dans le cadre d'un programme d'intérêt général dénommé " Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat ", la commission permanente du conseil général des Alpes-Maritimes a accordé aux SCI Paudi et Mika, par une délibération du 21 novembre 2005, une subvention complémentaire d'un montant de 622 130 euros, sous la même condition que celle prescrite par la décision de l'ANAH. Si le maire de Saint-Etienne-de-Tinée a délivré aux SCI Paudi et Mika un permis de construire le
31 octobre 2006, les travaux de réhabilitation ont été retardés par un différend opposant ces dernières aux entrepreneurs chargés de les réaliser. Le 8 octobre 2010, le délégué local des Alpes-Maritimes de l'ANAH a décidé de retirer la subvention accordée le 29 juillet 2005, au motif de ce retard de travaux, et a demandé aux SCI Paudi et Mika le remboursement de la somme de 35 586 euros, pour le recouvrement de laquelle un titre de recettes a été émis le 8 décembre 2010. Le recours des SCI contre cette décision du 8 octobre 2010 et ce titre de recettes du 8 décembre 2010 a été rejeté par un jugement n° 1100985 du tribunal administratif de Nice du 5 août 2013, contre lequel l'appel des sociétés a été rejeté par arrêt n° 13MA03910 de la Cour du 8 juin 2015, devenu irrévocable. Par une délibération du 21 octobre 2016, la commission permanente du conseil départemental des Alpes-Maritimes a décidé à son tour de retirer la subvention allouée le 21 novembre 2005 et prorogée par décision du 15 janvier 2008, ainsi que d'exiger le remboursement des trois acomptes versés jusqu'alors pour un montant de 323 507,60 euros. Par un courrier du 16 décembre 2016, le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes en a informé les SCI Paudi et Mika et, le 27 janvier 2017, un titre de recettes d'un montant de 323 507,60 euros a été émis à leur encontre, avant que,
le 8 juin 2018, une notification d'opposition à tiers détenteurs ne leur soit adressée.
Les SCI Paudi et Mika relèvent appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération de la commission permanente du conseil départemental des Alpes-Maritimes du 21 octobre 2016, de ces deux lettres du président du conseil départemental des 15 janvier 2008 et 16 décembre 2016, de ce titre de recettes émis le 27 janvier 2017 et de cet avis d'opposition à tiers détenteur émis le 8 juin 2018.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département des Alpes-Maritimes :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " Une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas à ces prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge et ne peut être régularisée que jusqu'à l'expiration du délai d'appel.
3. La requête présentée par les SCI Paudi et Mika ne se borne pas à la reproduction intégrale de leurs écritures de première instance et comporte une critique du jugement attaqué. Elle répond ainsi aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département des Alpes-Maritimes doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions des SCI Paudi et Mika dirigées contre l'avis d'opposition à tiers détenteur émis le 8 juin 2018 :
4. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi susvisée du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. "
6. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.
7. Par conséquent, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire, juge de l'exécution, de connaître des conclusions des SCI Paudi et Mika dirigées contre l'avis d'opposition à tiers détenteur du 8 juin 2018. Or, alors même qu'ils ont relevé, au point 5 de leur jugement attaqué, qu'en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les contestations portant sur la régularité en la forme des poursuites devaient être portées devant le juge judiciaire de l'exécution, les premiers juges ont rejeté ces conclusions sans relever l'incompétence de la juridiction administrative dans le dispositif de leur jugement. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement dans cette mesure et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter les conclusions des SCI Paudi et Mika tendant à l'annulation de cet avis d'opposition à tiers détenteur comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les conclusions des SCI Paudi et Mika dirigées contre la délibération de la commission permanente du conseil départemental des Alpes-Maritimes du 21 octobre 2016 et contre les lettres du président du conseil départemental des 15 janvier 2008 et
16 décembre 2016 :
8. Il n'appartient pas au juge d'appel de s'interroger d'office sur le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée au requérant par le tribunal administratif.
9. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté comme irrecevables les conclusions de les SCI Paudi et Mika tendant à l'annulation de la délibération de la commission permanente du conseil départemental des Alpes-Maritimes du 21 octobre 2016, et des lettres du président du conseil départemental des 15 janvier 2008 et 16 décembre 2016.
Dès lors que les sociétés appelantes ne contestent pas l'irrecevabilité ainsi retenue par les premiers juges, elles ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ces conclusions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions des
SCI Paudi et Mika dirigées contre le titre de recettes émis le 27 janvier 2017 :
10. Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. " L'article 2241 du même code précise que : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. / Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. ".
Il résulte de ces dernières dispositions qu'une citation en justice, au fond ou en référé, n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.
11. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l'octroi d'une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée. Quand ces conditions ne sont pas respectées, en tout ou partie, le retrait ou la réduction de la subvention peuvent intervenir sans condition de délai.
12. Néanmoins, les règles ci-dessus énoncées ne font pas obstacle à la mise en œuvre des règles de prescription qui découlent des dispositions citées au point 10 de l'article 2224 du code civil et qui sont applicables aux créances des personnes publiques. Ainsi, alors même que les conditions mises à l'octroi d'une subvention ne sont pas respectées et qu'ainsi, l'autorité administrative compétente peut légalement et sans condition de délai prononcer le retrait ou la réduction de cette subvention, la créance de la personne publique s'éteint, en application de l'article 2224 du code civil, au terme d'un délai de cinq années à compter du jour où elle a eu une connaissance certaine ou aurait dû avoir une telle connaissance du non-respect des conditions de cette subvention.
13. En vertu de l'article 3 de la convention relative à la mise en place d'une opération de lutte contre la vacance et de production de logements à loyer maîtrisé, que le département a signée, le 1er août 2003, avec l'ANAH et l'Etat, pour une durée de trois ans, la subvention accordée aux SCI Paudi et Mika par la délibération de la commission permanente du conseil général des Alpes-Maritimes du 21 novembre 2005, était complémentaire à celle accordée par cette agence le 29 juillet 2005 et, comme celle-ci, était conditionnée au respect d'un certain délai pour la réalisation des travaux de réhabilitation de l'ancien hôtel. Ainsi, le département des Alpes-Maritimes, auquel il revenait de s'assurer du respect des conditions mises à l'octroi de sa subvention, et qui était nécessairement informé des difficultés rencontrées par les sociétés appelantes dans les délais d'exécution de ces travaux de réhabilitation dès lors qu'il avait prorogé le bénéfice de cette aide à plusieurs reprises, en dernier lieu jusqu'au
20 novembre 2008, aurait dû avoir une connaissance suffisamment certaine des faits lui permettant de récupérer les sommes versées à ces sociétés au plus tard à la date à laquelle l'ANAH a elle-même retiré aux deux sociétés appelantes la subvention qui leur avait été accordée le 29 juillet 2005 pour non-respect de la condition d'exécution de leurs travaux.
Il résulte d'ailleurs des propres écritures du département devant le tribunal que l'ANAH a adressé une copie de cette décision de retrait à ses services, même s'il y affirme également, sans précisions, que cette communication ne serait pas intervenue " dans des délais raisonnables ". Par suite, en vertu des dispositions précitées de l'article 2224 du code civil, le département des Alpes-Maritimes disposait d'un délai de cinq ans, à compter du 8 octobre 2010, date de la décision de retrait de l'ANAH, pour poursuivre le recouvrement des trois acomptes d'un montant total de 323 507,60 euros qu'il avait versés aux SCI Paudi et Mika au titre de sa subvention.
La circonstance que les SCI Paudi et Mika ont formé contre la décision de retrait de l'ANAH un recours qui a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Nice du 5 août 2013, puis par un arrêt de la Cour du 8 juin 2015, demeure sans incidence sur le cours de ce délai de prescription, dès lors que, ainsi qu'il a dit au point 10, une citation en justice n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait. Or, tant la décision de retrait du 21 octobre 2016, bien qu'intervenue légalement et devenue définitive, que le titre de recettes contesté du 27 janvier 2017, ont été pris alors que la créance du département était prescrite.
14. Il résulte tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les SCI Paudi et Mika sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation du titre de recettes émis le 27 janvier 2017. Il y a dès lors lieu d'annuler ce titre de recettes et, eu égard au motif d'annulation de celui-ci mettant en cause son bien-fondé, de décharger les sociétés appelantes de l'obligation de payer la somme correspondante de 323 507,60 euros.
Sur les dépens :
15. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions des SCI Paudi et Mika tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge du département des Alpes-Maritimes et de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803029 du tribunal administratif de Nice du 14 juin 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par les SCI Paudi et Mika tendant à l'annulation de l'avis d'opposition à tiers détenteur émis le 8 juin 2018 et en tant qu'il rejette leurs conclusions tendant à l'annulation du titre de recettes émis le 27 janvier 2017.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par les SCI Paudi et Mika devant le tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation de l'avis d'opposition à tiers détenteur émis le 8 juin 2018 sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Le titre de recettes émis le 27 janvier 2017 à l'encontre des SCI Paudi et Mika est annulé.
Article 4 : Les SCI Paudi et Mika sont déchargées de l'obligation de payer la somme de 323 507,60 euros.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) Mika, à la société civile immobilière (SCI) Paudi, au département des Alpes-Maritimes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques des
Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, où siégeaient :
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
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No 22MA02114