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18/04/2024 | FRANCE | N°22MA02602

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 18 avril 2024, 22MA02602


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Puget-sur-Argens, agissant au nom de l'Etat, les a mis en demeure d'interrompre les travaux entrepris sur la parcelle cadastrée section BC n° 313 située 63, chemin du Moulin sur le territoire communal.



Par un jugement n° 2000075 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande

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Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Puget-sur-Argens, agissant au nom de l'Etat, les a mis en demeure d'interrompre les travaux entrepris sur la parcelle cadastrée section BC n° 313 située 63, chemin du Moulin sur le territoire communal.

Par un jugement n° 2000075 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2022, et un mémoire, enregistré le 12 juillet 2023, M. B... et Mme C... A..., représentés par Me Bourguiba, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 du maire de la commune de Puget-sur-Argens ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le procès-verbal établi le 16 mai 2019 par un agent de police municipale constatant les travaux réalisés est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas les noms et prénoms de tous les bénéficiaires des travaux, à savoir uniquement M. A... et non Mme A... ; ce procès-verbal ne comprend pas toutes les constatations matérielles permettant d'établir la réalité des infractions ;

- le signataire de l'arrêté interruptif de travaux du 24 juin 2023 ne justifie pas d'une délégation à cette fin ;

- l'arrêté du 29 novembre 2019 attaqué est irrégulier dès lors qu'il est fondé sur le même procès-verbal d'infraction du 16 mai 2019 que l'arrêté interruptif de travaux du 24 juin 2019 qui a été abrogé et qu'il vise une série d'infractions qui n'avaient pas été visées par ce dernier arrêté ;

- l'arrêté du 29 novembre 2019 attaqué ne comprend aucune explication quant aux préjudices susceptibles de naître de la poursuite des travaux, en particulier quant au risque accru d'inondation, ni n'explicite en quoi consistent les infractions, et est dès lors insuffisamment motivé ;

- les travaux de remblais objets de l'arrêté litigieux ont été réalisés avant l'édiction du plan de prévention des risques d'inondation comme l'établit un rapport d'étude géotechnique établi en 2001 que le constructeur de la villa a fait réaliser ; la clôture existait au moment de l'acquisition du bien et ils l'ont retirée pour en édifier une nouvelle conforme à la réglementation ; il en est de même des terrasses couvertes entourant la maison ; la construction de la piscine date d'il y a plus de 6 ans avant l'établissement du procès-verbal d'infraction du 16 mai 2019 ; l'arrêté attaqué n'indique pas en quoi les travaux ne sont pas achevés ;

- les travaux litigieux sont susceptibles d'être régularisés et ils ne sont pas poursuivis pénalement pour l'édification d'une clôture ;

- un arrêté de non-opposition à déclaration préalable des terrasses non couvertes en façade de leur maison leur a été délivré par un arrêté du maire de la commune le 17 mai 2022 et un arrêté d'opposition à déclaration préalable visant à la régularisation de la piscine et de sa plage a été opposé par un arrêté du 3 juin 2022, qui a été déféré au tribunal administratif de Toulon.

Par une intervention, enregistrée le 9 mars 2023, la commune de Puget-sur-Argens, représentée par Me Garcia, demande que la requête soit rejetée par les mêmes motifs que ceux exposés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Baudino, représentant la commune de Puget-sur-Argens.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont propriétaires d'une parcelle cadastrée section BC 313 sur le territoire de la commune de Puget-sur-Argens, au 63 chemin du Moulin. Le 16 mai 2019, un agent de police municipale a dressé un procès-verbal de constatation d'infraction en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, constatant sur ce terrain la construction non-achevée d'un mur de clôture plein mesurant 60 cm de hauteur sur 10 mètres de longueur, surmonté de piquets de clôture mesurant 1,50 m de hauteur, un remblai en terre mesurant 5 mètres de large sur 7 mètres de long, pour une hauteur comprise entre 60 centimètres au point le plus bas et 90 centimètres au point le plus haut, s'étendant du mur de clôture jusqu'à la terrasse d'une piscine, un second remblai en terre longeant la piscine côté est, mesurant 12 mètres de long sur 2 mètres de largeur, pour une hauteur d'un mètre environ, et la construction non achevée d'une terrasse surélevée pour une hauteur comprise entre 60 centimètres au point le plus bas et 90 centimètres au point le plus haut, d'une superficie d'environ 145 m², avec en son centre une piscine haricot en coque d'environ 50 m². L'agent verbalisateur a relevé que, la parcelle étant située en zone bleue B1 du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé par le préfet du Var le 20 décembre 2013, liée à la présence de l'Argens et de la Vernède sur la commune de Puget-sur-Argens, et dans la zone d'aléa exceptionnel, la piscine et sa terrasse ainsi que le mur de clôture et les remblais sont contraires aux dispositions dudit PPRI. Le 24 juin 2013, le maire de la commune de Puget-sur-Argens a, au nom de l'Etat, pris un arrêté mettant en demeure M. A... d'interrompre immédiatement ces travaux. Le maire a abrogé cet arrêté par un arrêté du 17 octobre 2019. Le 29 novembre 2019, le maire a pris un nouvel arrêté mettant en demeure M. et Mme A... d'interrompre ces travaux. Ces derniers demandent l'annulation du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention :

2. La commune de Puget-sur-Argens, qui a la qualité d'intervenante et non de partie à l'instance dès lors que l'arrêté contesté a été pris par le maire au nom de l'Etat, justifie d'un intérêt au maintien de l'arrêté en litige. Son intervention en défense doit donc être admise.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire./ (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal./ Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. (...) " L'article L. 480-2 du même code dispose : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L'interruption des travaux peut être ordonnée, dans les mêmes conditions, sur saisine du représentant de l'Etat dans la région ou du ministre chargé de la culture, pour les infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine. / (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...). " L'article L. 610-1 dispose : " En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables (...) ". Aux termes de l'article L. 562-5 du code de l'environnement : " I.-Le fait de construire ou d'aménager un terrain dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou de ne pas respecter les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation prescrites par ce plan est puni des peines prévues à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme. / II.-Les dispositions des articles L. 461-1, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3, L. 480-5 à L. 480-9, L. 480-12 et L. 480-14 du code de l'urbanisme sont également applicables aux infractions visées au I du présent article (...) "

4. En vertu de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, le maire qui a connaissance d'une des infractions prévues aux articles L. 480-2 et L. 480-4 du même code est tenu d'en dresser procès-verbal, dont copie est adressée au ministère public. Dans ce cas, il peut, aussi longtemps que l'autorité judiciaire ne s'est pas prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux, en vertu de l'article L. 480-2 du même code. Lorsqu'il exerce le pouvoir de faire dresser procès-verbal d'une infraction à la législation sur les permis de construire et celui de prendre un arrêté interruptif de travaux qui lui sont attribués par les articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme, le maire agit en qualité d'autorité de l'Etat.

5. En premier lieu, le procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme a le caractère d'un acte de procédure pénale dont la régularité ne peut être appréciée que par les juridictions judiciaires. M. et Mme A... ne peuvent donc utilement se prévaloir de l'irrégularité du procès-verbal dressé le 16 mai 2019 dans le cadre de la présente instance.

6. En deuxième lieu, la circonstance que le signataire de l'arrêté du 24 juin 2019 qui, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, a été abrogé, n'aurait pas disposé d'une délégation à cette fin est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué du 29 novembre 2019. Si les appelants soutiennent que ce dernier arrêté est fondé sur le même procès-verbal du 16 mai 2019 constatant les infractions au code de l'urbanisme et au PPRI applicable sur le territoire de la commune et qu'il vise des infractions qui ne l'avaient pas été par l'arrêté du 24 juin 2019, ils n'assortissent pas ce moyen des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce procès-verbal dont le contenu est rappelé au point 1 du présent arrêt est, contrairement à ce qu'ils soutiennent, suffisamment précis quant au constat des travaux réalisés et aux infractions qu'ils constituent au code de l'urbanisme et au PPRI.

7. En troisième lieu, il ressort de l'arrêté attaqué, qui vise notamment les dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, le procès-verbal du 16 mai 2019 cité au point 1 du présent arrêt, le règlement du PPRI approuvé par le préfet du Var le 20 décembre 2013, le plan local d'urbanisme de la commune et les échanges contradictoires intervenus avant son édiction, que les travaux consistant à avoir édifié des constructions sans autorisation d'urbanisme ont été réalisés en violation des articles R. 421-17, R. 421-14, R. 421-9 et L. 610-1 du code de l'urbanisme, que les travaux de remblais ont été réalisés en violation de l'article 1-3 du chapitre 3 du PPRI qui les interdit en zone B1, que la piscine, édifiée sans autorisation, est implantée en zone B1 du PPRI sans être balisée et n'est pas affleurante au terrain naturel en violation de l'article 1-2 du chapitre 3 du PPRI, que le mur de clôture d'une hauteur de 60 cm a été réalisé en violation du même article et, enfin, que les travaux en cours de réalisation créent une entrave à l'écoulement des eaux pluviales et génèrent par conséquent une aggravation considérable du risque d'inondation. Cet arrêté est, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, suffisamment motivé. S'ils soutiennent que cet arrêté ne précise pas " les préjudices qui résulteraient de la poursuite des travaux ", ils n'assortissent pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé alors qu'il mentionne l'entrave à l'écoulement des eaux et l'aggravation du risque d'inondation que génèrent les travaux et qu'aucune disposition n'impose qu'un tel arrêté fasse état de ces préjudices.

8. En quatrième lieu, si les appelants soutiennent que les travaux de remblais objets de l'arrêté litigieux ont été réalisés avant l'édiction du plan de prévention des risques d'inondation, ils ne l'établissent pas alors que, comme l'a relevé le tribunal dans le jugement attaqué, les clichés photographiques joints au procès-verbal du 16 mai 2019 font clairement apparaître qu'ils sont en cours de réalisation. Cette antériorité ne résulte nullement du rapport d'étude géotechnique produit à l'instance, réalisé préalablement à la construction de la maison d'habitation sise sur la parcelle en cause, dont l'objet est de déterminer les caractéristiques géomécaniques du terrain d'assiette et de proposer des solutions de fondation. M. et Mme A... n'établissent pas davantage que la piscine de 50 m² aurait été réalisée plus de 6 ans avant ce procès-verbal, alors qu'il résulte manifestement des constats qu'il opère et des photographies qui y sont jointes qu'elle était, à la date à laquelle il a été dressé, en cours de réalisation, à l'instar de la terrasse de 145 m² dans laquelle elle s'insère et, par ailleurs, qu'elle n'a fait l'objet ni de la délivrance d'une autorisation d'urbanisme ni, a fortiori, d'une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux. Il est tout aussi manifeste, comme le relève également le jugement attaqué, que la clôture est en cours de réalisation, peu important la circonstance, dont les requérants ne démontrent pas non plus la réalité, qu'elle tendrait à remplacer une clôture préexistante.

9. En cinquième lieu, la circonstance que les travaux litigieux sont susceptibles d'être régularisés et que M. et Mme A... ne sont pas pénalement poursuivis pour l'édification d'une clôture, de même que la circonstance qu'un arrêté de non-opposition à déclaration préalable des terrasses non couvertes en façade de leur maison leur a été délivré par un arrêté du maire de la commune le 17 mai 2022, n'ont aucune incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué et le maire pouvait ordonner l'interruption des travaux dès lors qu'un procès-verbal d'infraction avait été dressé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme rappelées au point 3.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Puget-sur-Argens du 29 novembre 2019.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E

Article 1er : L'intervention de la commune de Puget-sur-Argens est admise.

Article 2 : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et Mme C... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Puget-sur-Argens.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, où siégeaient :

- Mme Portail, présidente,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2024.

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N°22MA02602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02602
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contrôle des travaux. - Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : BOURGUIBA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;22ma02602 ?
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