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12/04/2024 | FRANCE | N°23MA00040

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 12 avril 2024, 23MA00040


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 31 janvier 2019 rejetant sa demande d'autorisation de défrichement des parcelles cadastrées section B n°s 193, 194 et 195 situées sur le territoire de la commune de Gourdon, d'annuler la décision du 16 mai 2019 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au préfet d'instruire à nouveau sa demande d'autorisation de défrichement.



Par un jugemen

t n° 1903471 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé ces décisions et a mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 31 janvier 2019 rejetant sa demande d'autorisation de défrichement des parcelles cadastrées section B n°s 193, 194 et 195 situées sur le territoire de la commune de Gourdon, d'annuler la décision du 16 mai 2019 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au préfet d'instruire à nouveau sa demande d'autorisation de défrichement.

Par un jugement n° 1903471 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé ces décisions et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 novembre 2022 et de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- il justifie, au regard du 8° de l'article L. 341-5 du code forestier, que les parcelles concernées par le défrichement en cause sont situées dans un massif forestier qu'il importe de préserver et sont nécessaires à l'équilibre biologique du territoire ;

- il justifie de l'ampleur du projet de défrichement sollicité et de son impact sur le massif forestier.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 octobre 2023 et 5 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Orlandini, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, faute de comporter une critique du jugement contesté ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Orlandini, représentant M. A..., et de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Au cours d'un contrôle effectué le 6 novembre 2018, les agents de la direction départementale des territoires et de la mer ont constaté que M. A... avait procédé au défrichement sans autorisation de plusieurs parcelles situées sur le territoire de la commune de Gourdon, en particulier une surface de 2 540 mètres carrés des parcelles cadastrées section B n°s 194 et 195 lui appartenant et une surface de 200 mètres carrés de la parcelle communale B 193. Un procès-verbal d'infraction de défrichement sans autorisation a été dressé le 3 décembre 2018. M. A... a présenté ensuite, le 29 janvier 2019, une demande d'autorisation de défrichement portant sur une superficie de 4 510 mètres carrés, rejetée par décision du préfet des Alpes-Maritimes du 31 janvier 2019. Son recours gracieux a été rejeté par une décision préfectorale du 16 mai 2019. Par un jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 31 janvier 2019 du préfet des Alpes-Maritimes, ainsi que sa décision rejetant le recours gracieux de M. A.... Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / (...) 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de défrichement de M. A... présentée le 29 janvier 2019 porte sur 4 510 mètres carrés, soit une part très faible du massif forestier considéré, qui est constitué de plusieurs centaines d'hectares. S'il est constant que les parcelles en cause se situent en particulier sur un territoire classé Natura 2000, au sein d'une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique de type 1 du parc naturel régional des Préalpes d'Azur, cette circonstance ne peut à elle seule traduire une atteinte à l'équilibre biologique de la zone alors que le préfet des Alpes-Maritimes, par sa décision du 31 janvier 2019 statuant sur la demande de M. A..., précise expressément qu'une évaluation des incidences Natura 2000 a été menée et a conclu à l'absence d'impact significatif sur les habitats, espèces végétales ou animales ayant justifié la désignation du site Natura 2000. Il ressort de cette étude que le projet de M. A..., qui est de faible ampleur et qui a pour objet l'exploitation d'un champ de lavande biologique, offre un espace favorable aux reptiles tels que les lézards à bandes. Cette absence d'effet négatif sur l'environnement est confirmée par l'étude établie en avril 2019 à la demande de M. A... par le bureau d'études en environnement Tineetude ingénierie, dont la teneur n'est pas contestée par le ministre, qui précise que les travaux de défrichement portent sur une zone partiellement boisée qui avait déjà été précédemment cultivée, et conclut à une absence d'impact des travaux sur le milieu naturel, tout en relevant que le milieu ouvert formé par la zone de culture favorise la biodiversité et notamment le développement de petits reptiles, mammifères ou insectes, la chasse des oiseaux et chiroptères, ou la présence d'espèces floristiques pionnières telle que la violette des rochers. Au demeurant, l'étude complémentaire du même bureau d'études de novembre 2023, qui n'est pas davantage contredite par le ministre, met en évidence les mesures mises en œuvre par M. A... en faveur de la biodiversité locale, consistant notamment en la pose de piquets en bois comme supports de la clôture installée autour du champ de lavande, la préservation d'habitats naturels et artificiels pour les reptiles, l'installation de ruches à proximité du champ, favorisant la présence des abeilles dans le champ et la présence d'espèces floristiques diversifiées favorisant l'accueil d'une entomofaune. Dans ces conditions, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire n'est pas fondé à soutenir que le défrichement sollicité par M. A... en vue de régulariser sa situation suite au procès-verbal d'infraction dressé le 3 décembre 2018 serait de nature à compromettre la protection de l'ensemble du massif forestier et serait contraire aux dispositions précitées du 8° de l'article L. 341-5 du code forestier.

4. Compte tenu de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 31 janvier 2019 rejetant la demande d'autorisation de défrichement présentée par M. A..., ainsi que la décision du 16 mai 2019 rejetant son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 800 euros au titre des frais que M. A... a exposés, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2024.

N° 23MA00040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00040
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-06-02-02 Agriculture et forêts. - Bois et forêts. - Protection des bois et forêts. - Autorisation de défrichement.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;23ma00040 ?
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