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12/04/2024 | FRANCE | N°22MA02871

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 12 avril 2024, 22MA02871


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.





Ont été entendus au cours de l'audience pub

lique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.





Considérant ce qui s...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. D... A... a fait l'objet, le 29 mai 2017, d'une transplantation rénale consécutive à une néphropathie diabétique. Le 23 juin 2017, celle-ci a présenté une cytolyse hépatique associée à une insuffisance hépato-cellulaire conduisant à l'arrêt de son traitement hépatotoxique et à son transfert au service de réanimation, qui a confirmé une insuffisance hépatique aigüe. Le 26 juin 2017, la patiente a fait l'objet d'une transplantation hépatique mais a présenté le 2 juillet suivant un syndrome hémorragique conduisant à son décès le 3 juillet. Saisie par M. A..., époux de la défunte, et sa fille mineure C... A..., la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) a rendu le 11 juillet 2019 un avis concluant que D... A... a été victime d'une affection iatrogène ouvrant droit à indemnisation par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale. Suite à cet avis, l'ONIAM a présenté des offres d'indemnisation qui ont donné lieu à la conclusion de trois protocoles transactionnels, aux termes desquels les préjudices personnels de M. A..., de sa fille et de ceux subis par la victime directe sont respectivement indemnisés à hauteur de 24 094,80 euros, 22 000 euros et 10 400 euros. Cependant, par une ordonnance du 14 janvier 2020, la vice-présidente du tribunal judiciaire de Marseille, chargée de la protection des mineurs, a rejeté les offres d'indemnisation proposées par l'ONIAM à l'enfant mineure C... A..., s'agissant de ses préjudices propres et de ceux subis par sa mère. Par un jugement du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le paiement de la somme de 23 170 euros à M. A... et C... A..., en leur qualité d'héritiers de D... A... et de la somme de 25 000 euros au titre des préjudices personnels subis par l'enfant C... A.... M. A..., agissant en son nom personnel, en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure et en sa qualité d'ayant droit de son épouse décédée, demande à la cour de réformer ce jugement en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

2. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que l'hépatite fulminante diagnostiquée chez D... A... suite à sa transplantation rénale a pour cause le médicament Isoniazide qui lui a été administré en raison de ses antécédents de tuberculose, ledit traitement étant adapté chez les patients immunodéprimés subissant une greffe d'organe, afin de prévenir une rechute de la tuberculose. L'expert précise que ce traitement à l'origine de son décès a eu des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci et que l'hépatite fulminante sous Isoniazide dont a été victime D... A... constitue une affection iatrogène au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Par conséquent, et comme l'a retenu le tribunal administratif de Marseille, ces éléments établissent que les dommages dont M. A... demande réparation sont de nature à justifier une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, ce que ce dernier ne conteste pas.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices par la victime directe :

3. Il résulte de l'instruction que l'indemnisation des préjudices subis par D... A... a fait l'objet d'un protocole d'indemnisation transactionnelle conclu le 25 novembre 2019 que la vice-présidente chargée de la protection des mineurs du tribunal judiciaire de Marseille a refusé d'homologuer par ordonnance du 14 janvier 2020. M. A..., agissant en sa qualité d'ayant droit de son épouse décédée, ainsi qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure, est dès lors recevable à demander la réparation de ces préjudices devant la cour.

4. Il résulte de l'instruction, particulièrement du rapport d'expertise, que D... A... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 25 % du 16 juin 2017 au 22 juin 2017 et à 100 % du 23 juin 2017 au 3 juillet 2017, date de son décès. Il sera dès lors fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 210 euros.

5. Il résulte de l'instruction que l'expert désigné par la commission de conciliation et d'indemnisation a évalué à 6 sur une échelle allant de 1 à 7 les souffrances endurées par D... A... du fait de son affection iatrogène et des complications survenues jusqu'à son décès. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 23 000 euros.

6. Il est constant que D... A... a subi le 28 juin 2017, au cours de son hospitalisation, une amputation de sa jambe droite. Elle était intubée et portait notamment une sonde naso-gastrique. Alors même que l'expert n'a pas retenu de préjudice esthétique temporaire et que D... A... est restée hospitalisée jusqu'à son décès survenu le 3 juillet suivant, cette altération majeure et temporaire de son apparence physique est constitutive d'un tel préjudice dont il sera fait une juste appréciation, au vu du délai court de son hospitalisation, en l'évaluant à la somme de 700 euros.

7. M. A... fait valoir que son épouse a éprouvé une douleur morale causée par la conscience de sa mort imminente. Il ressort du rapport d'expertise que celle-ci a présenté, suite à sa transplantation rénale, une cytolyse hépatique associée à une insuffisance hépato-cellulaire qui a conduit à son hospitalisation le 23 juin 2017 au service de néphrologie, lequel a confirmé le diagnostic d'hépatite fulminante. Il ne résulte pas de l'instruction que D... A... ait été inconsciente au moment de cette hospitalisation et de son transfert au service de réanimation en vue d'une transplantation hépatique en urgence intervenu le même jour, alors que l'arrêt cardio-respiratoire dont elle a été victime a eu lieu le 25 juin et que ce n'est qu'ensuite que son état a évolué progressivement vers une défaillance multi-viscérale ayant conduit à son décès le 3 juillet 2017. Ainsi, il ressort de ces éléments que D... A... a pris conscience de la dégradation anormale de son état de santé le 23 juin 2017 et d'une espérance de vie réduite ou d'une mort probable, alors même qu'elle ne serait pas restée consciente les jours suivants jusqu'à son décès. Par suite, il sera fait une juste évaluation du préjudice d'angoisse de mort imminente de D... A... en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices subis par les victimes indirectes :

S'agissant des préjudices subis par M. A... :

8. Aux termes de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1 (...), l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans le délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Cette offre indique l'évaluation retenue, le cas échéant à titre provisionnel, pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime, ou à ses ayants droit (...). L'offre a un caractère provisionnel si l'office n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'office a été informé de cette consolidation. L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) ". Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. En vertu de l'article 2049 de ce code, les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris. Aux termes de l'article 2052 du même code : " La transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet. ".

9. Il résulte de l'instruction que le protocole d'indemnisation transactionnelle du 25 novembre 2019 conclu entre l'ONIAM et M. A... prévoit l'indemnisation de ses frais d'obsèques d'un montant de 2 094,80 euros, de son préjudice d'affection lié au décès de son épouse, d'un montant de 22 000 euros, et refuse toute indemnisation des pertes de revenus, frais d'assistance et frais divers en l'absence de justifications. Le protocole, qui vise expressément les dispositions de l'article 2044 du code civil, stipule que l'ONIAM " est quitte de toutes charges et obligations au titre des préjudices référencés ci-dessus " et que " son acceptation a un effet extinctif " pour les chefs de préjudices qui y sont mentionnés. Il est constant que M. A... a signé le protocole en acceptant sans réserve l'offre d'indemnisation proposée. Il suit de là qu'eu égard à l'autorité attachée à cette transaction en vertu des dispositions du code civil précitées, l'ONIAM est fondé à soutenir que M. A... n'est pas recevable à demander une indemnité au titre de ses pertes de revenus, de ses frais d'obsèques et de son préjudice d'affection.

10. Si M. A... invoque un préjudice d'accompagnement au titre de la période du 30 mai 2017 au 3 juillet 2017, il résulte de l'instruction que suite à la transplantation rénale effectuée le 29 mai 2017, l'état de santé de son épouse ne s'est dégradé qu'à compter du 21 juin 2017, l'expert relevant notamment, le 13 juin 2017, une bonne évolution de la greffe et un bilan hépatique normal. Par ailleurs, en faisant valoir qu'il " a connu un bouleversement dans son mode de vie au quotidien et ce jusqu'au décès de son épouse ", le requérant n'apporte pas, par cette seule argumentation, d'éléments de nature à caractériser la réalité de son préjudice. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu ce chef de préjudice.

S'agissant des préjudices subis par l'enfant C... A... :

11. Le tribunal n'a pas fait une insuffisante évaluation du préjudice d'affection subi par la jeune C... A..., fille de D... A..., et âgée de 7 ans à la date du décès de cette dernière, en lui allouant une somme de 25 000 euros.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que le montant de l'indemnité à verser à lui et sa fille C... A..., en leur qualité d'ayants droit de D... A..., doit être porté à la somme de 28 910 euros et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme que le tribunal administratif de Marseille a mise à la charge de l'ONIAM au titre des préjudices subis par D... A... est portée à 28 910 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 septembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2024.

N° 22MA02871

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02871
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BELLILCHI-BARTOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;22ma02871 ?
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