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12/04/2024 | FRANCE | N°22MA02420

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 12 avril 2024, 22MA02420


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.



Par un jugement n° 1903384 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a réduit la base d'imposition de 3 887,50 euros, a déchargé les requérants des cotisations supplém

entaires correspondantes, et a rejeté le surplus de leurs conclusions.



Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1903384 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a réduit la base d'imposition de 3 887,50 euros, a déchargé les requérants des cotisations supplémentaires correspondantes, et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2022, M. B... et Mme C..., représentés par Me Evrard, demandent à la cour :

1°) de suspendre l'exécution puis d'annuler ce jugement du 30 juin 2022 en tant qu'il rejette leurs conclusions ;

2°) de les décharger des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la discordance entre le montant des revenus distribués calculé par le service et celui qui ressort de la synthèse établie par l'administrateur judiciaire ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'indique pas de façon suffisamment précise la nature et l'origine du scellé n° 38M, notamment son auteur ; ce scellé a pourtant permis la reconstitution des recettes des sociétés dont ils sont associés et, par voie de conséquence, la détermination des revenus distribués, ainsi que l'appréhension d'une partie des sommes en cause ;

- le montant des revenus distribués calculés par le service est différent de celui qui ressort de la synthèse établie par l'administrateur judiciaire ; ce montant est erroné dès lors que M. B... ne percevait qu'une somme mensuelle comprise entre 1 500 et 2 000 euros pour l'ensemble des boulangeries.

Par une lettre en date du 19 mars 2024, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la Cour était susceptible de retenir d'office le moyen tiré de ce qu'en raison de la réserve d'interprétation portant sur l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017, l'administration fiscale ne pouvait faire application de la majoration de 25 % prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour déterminer les bases imposables des contributions sociales auxquelles M. B... et Mme C... ont été assujettis.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 décembre 2022 et 21 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 38 740 euros effectué et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- il a accordé un dégrèvement en cours d'instance, tenant compte de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel portant sur l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ;

- une substitution de base légale pourrait être effectuée, les sommes en cause pouvant être regardées comme imposables sur le fondement du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., directement ou indirectement via la SARL La Renaissance, est associé au sein de plusieurs sociétés qui exploitent des boulangeries et ont fait l'objet de vérifications de comptabilité au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Parallèlement, M. B... et sa compagne, Mme C..., ont fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle. Les intéressés relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nice ayant pour l'essentiel rejeté leurs conclusions tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 au terme de ces procédures, pour un montant total demeurant en litige de 1 046 909 euros.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 19 mars 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 38 740 euros, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. B... et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013. Les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si les requérants faisaient valoir, en première instance, que le montant des revenus distribués tel qu'arrêté par le service était discordant de celui repris par l'administrateur judiciaire des sociétés vérifiées dans une synthèse qu'elle leur a adressée le 17 décembre 2015, il ressort du jugement attaqué, et particulièrement de ses points 10 à 13, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré du caractère exagéré des bases d'imposition en litige, auquel cet argument se rapportait. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Nice serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

5. En l'espèce, la proposition de rectification adressée à M. B... et Mme C... le 11 décembre 2015 mentionnait que les vérifications opérées sur sept des sociétés dont M. B... était associé s'étaient conclues par des rehaussements de recettes, que les propositions de rectification adressées auxdites sociétés étaient jointes et que " les éléments recueillis par la justice (scellé n° 38M cf. propositions de rectification jointes) ont permis d'identifier les sommes perçues par chacun des membres de votre foyer fiscal ". Il était rappelé l'information judiciaire en cours devant le tribunal de grande instance de Nice à l'encontre de M. B... et les références de celle-ci. Dans les propositions de rectification jointes, était, en outre, mentionnée " la saisie d'un ordinateur portable de marque Toshiba (scellé n° 38M) " dans les locaux de la holding La Renaissance et la découverte sur celui-ci de " tableaux financiers " qui " comptabiliseraient le montant du chiffre d'affaires taxe incluse éludé ", plus précisément des " fichiers Excel dont le nom contient le mot DEPENSES ", " reproduits dans le dossier 614_0005_38M\Export8Desktop du cédérom annexé à la présente. Leur liste figure dans l'annexe I : rapport sur les traitements informatiques réalisés ".

6. Il ressort de ces éléments que M. B... et Mme C..., quand bien même l'auteur desdits fichiers Excel n'était pas mentionné, ont été informés avec une précision suffisante au regard des exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, de l'origine du scellé n° 38M et de la teneur des renseignements qu'il contenait, lesquels étaient décrits de façon très précise en annexe à la proposition de rectification. De la même manière, la seule circonstance que l'auteur des documents n'ait pas été identifié dans la proposition de rectification n'est pas de nature à entacher celle-ci d'une insuffisance de motivation, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

7. Les requérants ne contestent pas qu'un système de fraude avait été mise en place afin de minorer, sur l'ensemble de la période en litige, les recettes des boulangeries exploitées par les sociétés dont M. B... était, directement ou indirectement, associé. L'administration indique d'ailleurs, sans être contredite, qu'au terme d'un jugement correctionnel définitif du 11 janvier 2021, l'intéressé a été reconnu coupable et condamné à une peine de cinq ans de prison dont trois avec sursis, assortie du paiement d'une amende de 100 000 euros, notamment pour modification frauduleuse de données contenues dans un système de traitement automatisé. Le chiffre d'affaires de chacune des sociétés a été reconstitué à partir de trois méthodes dont les modalités ont été précisées dans les propositions de rectification adressées à chacune d'entre elles et jointes à celle notifiée aux requérants. Le rehaussement de recettes correspondant a été considéré comme perçu par les différents membres du foyer fiscal de M. B... et Mme C... selon les répartitions figurant dans les fichiers Excel mentionnés ci-dessus, et pour le surplus comme des revenus distribués à M. B..., en tant que maître de l'affaire, qualité qu'il ne conteste pas.

8. En premier lieu, l'administration a imposé les revenus distribués entre les mains de M. B... et de Mme C... sur le fondement de l'article 111 du même code, aux termes duquel : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

9. Le ministre demande le maintien de l'imposition de ces sommes entre les mains des requérants dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers par substitution à la base légale initialement retenue des dispositions du 1° de l'article 109-1 du même code, selon lequel " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".

10. Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ".

11. Il n'est pas contesté que les résultats imposables des sociétés concernées ont, ainsi qu'il a été dit, été rectifiés pour les exercices en litige du fait de la réintégration des omissions de recettes regardées comme des revenus distribués à M. B... et Mme C.... Ces bénéfices n'ayant pas été comptabilisés, ils n'ont été ni mis en réserve, ni incorporés au capital et entrent, par suite, dans le champ d'application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Dans ces conditions, les requérants n'ayant été privés d'aucune garantie, la substitution de base légale demandée par le ministre doit être accueillie.

12. En deuxième lieu, si M. B... et Mme C... font valoir que le montant des revenus distribués tel qu'arrêté par le service est discordant de celui repris par l'administratrice judiciaire des sociétés vérifiées dans une synthèse qu'elle leur a adressée le 17 décembre 2015, et que M. B... a déclaré n'avoir perçu, sur la période litigieuse, qu'une somme comprise entre 1 500 et 2 000 euros par mois à raison de son activité, ils ne critiquent pas utilement les bases d'imposition retenues par l'administration au regard des éléments précis et détaillés évoqués ci-dessus. Au demeurant, cette dernière explique, sans être contredite, les différences entre les bases d'imposition en litige et les sommes mentionnées par l'administratrice judiciaire par le fait que cette dernière n'a pas pris en compte les revenus distribués durant les mois de l'année civile n'entrant pas dans l'exercice social des sociétés, clos au 30 septembre de chaque année. Dès lors, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant le montant des revenus distribués.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de leur demande. Il s'en suit que leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, comme nécessairement et en tout état de cause celles visant à ce qu'il soit sursis à son exécution, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de M. B... et de Mme C....

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... et de Mme C... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 à concurrence du montant dégrevé, en cours d'instance, de 38 740 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et Mme C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

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N° 22MA02420

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02420
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BOSIO-EVRARD & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;22ma02420 ?
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