Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Pièces auto Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la ville de Marseille a rejeté sa demande du 16 août 2019 tendant à l'indemnisation de son préjudice résultant de l'arrêté du 30 novembre 2018 portant interdiction d'occuper les immeubles situés aux n° 232, 234 et 236 avenue Roger Salengro à Marseille, d'autre part, de condamner la ville de Marseille à lui payer la somme de 268 843 euros.
Par un jugement n° 1909098 du 20 juin 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2022 et 24 avril 2023, la SAS Pièces auto Méditerranée, représentée par la SELARL Noûs avocats, agissant par Me Michel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2022 en tant qu'il a refusé de faire droit à sa demande de réparation de son préjudice ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire du 16 août 2019 ;
3°) de condamner la ville de Marseille à lui payer la somme de 807 778 euros en réparation du préjudice financier subi ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Marseille la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'immeuble au sein duquel elle gérait son commerce, situé 236 avenue Roger Salengro, ne présentait, en lui-même, aucun péril ni aucune menace de ruine ; l'évacuation de l'immeuble qu'elle occupait a pour origine le risque d'effondrement imminent de l'immeuble n° 234 qui n'a pas fait l'objet de travaux ni de la part des copropriétaires ni de la part de la ville de Marseille malgré l'intervention d'un arrêté de péril ordinaire le 22 mars 2013 ;
- les dommages relevés dans l'arrêté de péril ordinaire du 22 mars 2013 sont les mêmes que ceux à l'origine de l'arrêté du 30 novembre 2018 portant évacuation de l'immeuble n° 236 ;
- en s'abstenant d'exécuter d'office les travaux prescrits par l'arrêté du 22 mars 2013, le maire de la ville de Marseille a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'arrêté de péril imminent du 5 janvier 2019 n'a jamais été suivi d'effet ;
- la ville de Marseille doit être condamnée à lui verser une somme égale à la moitié du préjudice subi à compter du 30 novembre 2018, date de sa cessation d'activité forcée ;
- le tribunal a commis une erreur dans l'appréciation et la lecture des pièces comptables produites, lesquelles sont de nature à justifier la réalité de son préjudice financier qui s'élève à la somme totale de 807 778 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, la ville de Marseille, représentée par la SELARL Phelip, agissant par Me Phelip, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la SAS Pièces auto Méditerranée, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnisation demandée soit ramené à de plus justes proportions, en tout état de cause, à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- aucune faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ne saurait être retenue ;
- la société requérante ne justifie pas d'un préjudice en lien direct avec la carence du maire dans l'exercice du pouvoir de police.
Les parties ont été informées le 17 janvier 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel tendant à la condamnation de la ville de Marseille à verser à la SAS Pièces auto Méditerranée la somme de 807 778 euros, en ce qu'elle excède la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Michel, représentant la SAS Pièces auto Méditerranée.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Pièces auto Méditerranée, qui exerce une activité de vente de pièces de véhicules automobiles, était titulaire d'un bail commercial conclu le 4 janvier 2016 pour un local situé au 236 avenue Roger Salengro à Marseille, adjacent à l'immeuble situé au 234 de la même avenue qui avait fait l'objet le 22 mars 2013 d'un arrêté de péril ordinaire. Suite à une expertise judiciaire, le maire de la ville de Marseille, constatant que le mur principal de l'immeuble n° 234 menaçait de s'effondrer, a, par un arrêté du 30 novembre 2018, ordonné une évacuation immédiate des immeubles adjacents, situés au n° 232 et n° 236, et en a interdit l'accès. Un nouvel arrêté a été pris en ce sens le 5 décembre 2018, lequel a été abrogé par un arrêté du 12 décembre 2018. Enfin, un arrêté portant péril imminent, pris le 5 janvier 2019, a abrogé l'arrêté du 30 novembre 2018 et a interdit l'occupation et l'utilisation des immeubles situés aux n° 232, 234 et n° 236 de l'avenue Roger Salengro. Par un courrier du 16 août 2019 reçu le 20 août suivant, la SAS Pièces auto Méditerranée a formé une demande préalable auprès de la ville de Marseille d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police. Cette demande ayant été implicitement rejetée, elle a saisi aux mêmes fins le tribunal administratif de Marseille. Par un jugement du 20 juin 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande. La SAS Pièces auto Méditerranée relève appel de ce jugement en tant qu'il a refusé de faire droit à sa demande de réparation de son préjudice.
2. La SAS Pièces auto Méditerranée reprend en appel ses moyens par lesquels elle soutient que le maire de la ville de Marseille a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune pour n'avoir mis en œuvre que tardivement ses pouvoirs de police afin de faire cesser le péril imminent résultant de l'état de l'immeuble situé au n° 234 avenue Roger Salengro à Marseille. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge aux points 3 à 5 du jugement attaqué.
3. Il est constant que la SAS Pièces auto Méditerranée, immatriculée au registre des commerces et des sociétés le 29 avril 2016, a cessé son activité le 4 février 2021. Toutefois, la société requérante n'établit pas que la cessation de son activité aurait pour cause directe l'évacuation, ordonnée plus de deux ans auparavant par l'arrêté du 30 novembre 2018, du local qu'elle exploitait. A cet égard, les bilans produits par la société requérante font apparaître, pour les exercices au cours desquels celle-ci a exercé son activité sur une année entière, de faibles bénéfices nets de 1 741 euros en 2016 et de 1 303 euros en 2017, la déclaration fiscale souscrite par l'entreprise au titre de l'exercice 2017 mentionnant un déficit de 1 928 euros. Par ailleurs, la SAS Pièces auto Méditerranée a subi une perte nette de 10 645 euros en 2018, qui ne saurait être justifiée par la seule circonstance, à la supposer même exacte, qu'elle a été privée d'activité au cours du dernier mois de l'année 2018. La ville de Marseille fait à cet égard valoir, sans être contredite sur ce point, que l'activité de la société s'est poursuivie après la prise d'effet de l'arrêté du 30 novembre 2018, en produisant une photographie du local en cause, comportant un panneau informant la clientèle que " le magasin est transféré au 9, Bd Gay Lussac - 13014 Marseille ". De surcroît, les charges fixes dont elle se prévaut à hauteur de 54 726 euros, constituées par les loyers versés en contrepartie de l'utilisation du local et d'un véhicule, sont dépourvues de justifications probantes au vu des quittances produites qui portent, à l'exception d'une seule, sur des périodes pendant lesquelles le local avait été évacué, certaines étant au demeurant postérieures à la date de cessation d'activité de l'entreprise. De surcroît et en application de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté du 30 novembre 2018 a eu pour conséquence de suspendre tout versement des loyers versés pour l'occupation du logement. S'agissant des charges locatives relevant d'un contrat de location avec option d'achat d'un véhicule, l'interdiction d'occupation du local prononcée par le maire est en tout état de cause sans lien avec l'utilisation de ce véhicule par la société. Enfin, et alors qu'il n'est au demeurant pas contesté que l'activité de la société s'est poursuivie dans d'autres locaux, la requérante ne justifie pas, par les pièces produites, d'une perte de valeur vénale de son fonds de commerce. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions indemnitaires présentées par la SAS Pièces auto Méditerranée doivent en tout état de cause être rejetées.
4. Il résulte de ce qui précède que la SAS Pièces auto Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Pièces auto Méditerranée est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Marseille présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Pièces auto Méditerranée et à la ville de Marseille.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2024.
N° 22MA02254