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09/04/2024 | FRANCE | N°22MA01562

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 09 avril 2024, 22MA01562


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er juin 2022, 14 juin 2022,

12 janvier 2023, 5 juillet 2023 et 9 novembre 2023, et 29 novembre 2023, l'association avenir Plan de Campagne et l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne ", représentées par Me Giudicelli, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le maire de la commune des

Pennes-Mirabeau a accordé un

permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SCI INCO et autorisant l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er juin 2022, 14 juin 2022,

12 janvier 2023, 5 juillet 2023 et 9 novembre 2023, et 29 novembre 2023, l'association avenir Plan de Campagne et l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne ", représentées par Me Giudicelli, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le maire de la commune des

Pennes-Mirabeau a accordé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SCI INCO et autorisant la construction d'un bâtiment commercial de 900 m² de surface de vente totale découpé en quatre cellules, pour une surface de plancher de

1 006 m².

2°) de rejeter la demande présentée au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme présentée par la SCI INCO ;

3°) de mettre à la charge de la commune des Pennes-Mirabeau le versement de la somme de 7 000 euros et à la charge de la SCI INCO le versement de la somme de

5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la cour administrative d'appel de Marseille est compétente pour statuer sur le litige ;

- la requête est recevable ;

- en tant qu'il permet d'exploiter, l'arrêté méconnaît l'article R. 752-35 du code de commerce dès lors qu'aucune pièce de la procédure ne permet de s'assurer que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués à la séance du 24 février 2022 et qu'ils ont reçu l'ensemble des documents visés par les dispositions précitées dans un délai raisonnable ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet de la SCI INCO n'était pas inséré dans un ensemble commercial de sorte que, le projet portant en tant que tel sur moins de 1 000 m² de surface de vente, il n'entrait pas dans le champ des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce ;

- en tant qu'il permet de construire, l'arrêté méconnaît l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme ; il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'une autorisation de travaux a été délivrée le 30 novembre 2021 pour la réalisation des travaux sollicités avant même la délivrance du permis ; il est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il n'indique pas expressément que des autorisations complémentaires de travaux devront être obtenues avant l'ouverture au public des futurs établissements recevant du public ;

- en tant qu'il tient lieu de permis de démolir, l'arrêté méconnaît l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'il comportait des informations erronées de nature à fausser l'appréciation des services instructeurs sur la situation des maisons à démolir ;

- le dossier de la demande de permis de construire était incomplet au regard de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme en raison de l'absence de document attestant qu'une étude a été menée au regard du plan de prévention des risques relatifs au phénomène de retrait et gonflement des argiles ;

- le projet méconnaît l'article UE3 du règlement du plan local d'urbanisme et

l'article C3 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt du fait de la création d'une voie en impasse en forme de " T " sans aire de retournement " avec un rondpoint en bout " ;

- le projet méconnaît l'article UE4 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que l'avis du gestionnaire du réseau des eaux usées n'a pas été obtenu préalablement à la délivrance du permis de construire litigieux et que le réseau d'assainissement de la zone A... pourrait difficilement accueillir les eaux usées du nouveau projet porté par la SCI INCO ;

- l'arrêté méconnaît l'article UE13 du règlement du plan local d'urbanisme et l'article C1 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt dès lors que le projet, qui ne consiste pas dans la réalisation de travaux sur une construction existante, prévoit de border le bâtiment, au sud, par une haie de douze cyprès ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'il aurait dû faire l'objet de prescriptions spéciales compte tenu de sa situation en zone bleue du plan de prévention des risques d'incendie de forêt, dans une zone soumise à des vents récurrents, qu'il comporte un alignement de 33 arbres résineux dont 12 cyprès considérés comme particulièrement inflammables, et qu'il ne permet pas aux engins de lutte contre l'incendie de faire un demi-tour sur la branche ouest de " l'impasse en forme de T " ;

- leur recours n'est pas abusif et il n'existe pas de lien de causalité entre celui-ci et le prétendu préjudice invoqué par la SCI INCO.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2022, la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la cour administrative d'appel n'est pas compétente pour connaître du litige dès lors que le permis de construire attaqué ne vaut pas autorisation d'exploitation commerciale ;

- la requête est irrecevable du fait de l'absence d'intérêt à agir des deux associations requérantes contre un permis de construire qui ne vaut pas autorisation d'exploitation commerciale mais également au titre de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; il n'est en outre pas justifié par les requérantes de l'accomplissement des formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- en conséquence du défaut d'intérêt à agir, les moyens soulevés par les requérantes sont irrecevables ;

- en tout état de cause, ils ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 2 juin et 11 octobre 2023, la SCI INCO, représentée par Me Berenger, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge des requérantes la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérantes ne justifient par leur intérêt à agir contre le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale dès lors que le permis ne vaut pas autorisation d'exploitation commerciale ; elles ne justifient pas davantage d'un intérêt à agir au titre de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 2 juin 2023, la SCI INCO demande à la Cour, sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, de condamner solidairement les associations requérantes à lui verser la somme de 527 936 euros en réparation des préjudices causés par le recours abusif qu'elles ont initié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2023, la commune des Pennes-Mirabeau, représentée par Me Reboul, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et demande à la Cour de mettre à la charge solidaire des requérantes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable pour les mêmes motifs que ceux opposés par le pétitionnaire sur la question de l'intérêt à agir ; de plus, au titre de la capacité à agir, l'identité du président n'est pas mentionnée, de sorte que la personne morale n'est pas valablement engagée ;

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Un courrier du 21 septembre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 18 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Gaudon, substituant Me Giudicelli, représentant l'association avenir Plan de Campagne et l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne ",

- les observations de Me Reboul, représentant la commune des Pennes-Mirabeau,

- et les observations de Me Tagnon, substituant Me Berenger, représentant

la SCI INCO.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) INCO a déposé le 23 avril 2021 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble commercial de 900 m² de surface de vente divisé en quatre cellules sur un tènement composé des parcelles cadastrées section AN n° 103, 104, 216 et 217 situé 9007 chemin de Velaux, dans le secteur dit A... ", sur le territoire de la commune des Pennes-Mirabeau. Ce projet, qui prévoit de développer une surface de plancher de 1 006 m², a fait l'objet d'un avis défavorable émis par la commission départementale de l'aménagement commercial (CDAC) des Bouches-du-Rhône le 3 novembre 2021. Saisie d'un recours contre cet avis, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a estimé, à l'issue de la séance du 24 février 2022, qu'il n'y avait pas lieu d'émettre un avis sur la conformité du projet à l'article L. 752-6 du code de commerce. Par arrêté du 5 avril 2022, le maire de la commune des Pennes-Mirabeau a délivré à la SCI INCO un permis de construire précisant qu'il valait autorisation d'exploitation commerciale. Il s'agit de l'arrêté dont l'annulation est demandée par l'association avenir Plan de Campagne et l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne ".

Sur l'exception d'incompétence de la Cour :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ; / 3° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 2 000 mètres carrés. Ce seuil est ramené à 1 000 mètres carrés lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire ; / 4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ; /

5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; / 6° La réouverture au public, sur le même emplacement, d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 2 500 mètres carrés dont les locaux ont cessé d'être exploités pendant trois ans, ce délai ne courant, en cas de procédure de redressement judiciaire de l'exploitant, que du jour où le propriétaire a recouvré la pleine et entière disposition des locaux ; (...) /

7° La création ou l'extension d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile. (...) ". L'article L. 425-5 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. ". Enfin, aux termes de l'article L. 600-10 du même code : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4 ".

3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le dossier de permis de construire déposé par la

SCI INCO comportait expressément une demande tendant à ce que soit autorisée une exploitation commerciale et a été soumis, à cette fin, à l'appréciation de la CDAC des Bouches-du-Rhône. A la suite de l'avis défavorable de cette instance, la société pétitionnaire a saisi la CNAC d'un recours contre cet avis. En outre, l'arrêté en litige, qui vise expressément l'avis défavorable de la CDAC ainsi que l'avis " favorable " de la commission nationale, indique expressément que le permis accordé à la SCI INCO vaut autorisation d'exploitation commerciale. Dans ces conditions, quels que soient le sens et la portée de l'avis formulé par la CNAC le 24 février 2022, la Cour est compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur la requête des associations avenir Plan de Campagne et centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne " dirigée contre l'arrêté du

5 avril 2022 par lequel le maire de la commune des Pennes-Mirabeau a délivré à la SCI INCO un permis de construire se prononçant, également, sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale déposée par celle-ci.

4. Au surplus, aux termes de l'article R. 351-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une juridiction à laquelle une affaire a été transmise en application du premier alinéa de l'article R. 351-3 n'a pas eu recours aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 351-6 ou lorsqu'elle a été déclarée compétente par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sa compétence ne peut plus être remise en cause ni par

elle-même, ni par les parties, ni d'office par le juge d'appel ou de cassation, sauf à soulever l'incompétence de la juridiction administrative. ". L'article R. 351-6 de ce même code dispose que : " (...) Lorsque le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif, auquel un dossier a été transmis en application du premier alinéa ou de la seconde phrase du second alinéa de l'article R. 351-3, estime que cette juridiction n'est pas compétente, il transmet le dossier, dans le délai de trois mois suivant la réception de celui-ci, au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente. (...) ". Enfin, selon l'article R. 345-1 dudit code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie de conclusions relevant de sa compétence de premier ressort, elle est également compétente pour connaître de conclusions connexes relevant normalement de la compétence de premier ressort d'un tribunal administratif. ".

5. En l'espèce, par une ordonnance n° 2208173 du 21 juin 2023, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis à la Cour, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 du maire de la commune des Pennes-Mirabeau.

Le dossier n'ayant pas été transmis au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat dans le délai de trois mois fixé par les dispositions citées au point précédent de l'article

R. 351-6 du code de justice administrative, il appartient à la Cour de statuer sur le déféré du préfet. Dans ces conditions, compte tenu du lien de connexité entre les conclusions aux fins d'annulation présentées par le préfet des Bouches-du-Rhône et celles présentées dans la présente instance par l'association avenir Plan de Campagne et l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne ", il appartient à la Cour, en toute hypothèse, de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation présentées par celles-ci à l'encontre de l'arrêté du 5 avril 2022. Par suite, l'exception d'incompétence soulevée par la CNAC doit être écartée.

Sur les fins de non-recevoir :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. /

La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que les associations requérantes ont notifié leur recours contentieux au maire de la commune des Pennes-Mirabeau et à la SCI INCO, bénéficiaire de la décision, par courriers du 2 juin 2022, adressés par lettres recommandées avec accusé de réception. En outre, il ressort des justificatifs produits que les services de la mairie ont signé l'accusé réception le 7 juin 2022. Si la date de notification n'apparait en revanche pas distinctement sur le volet signé par la SCI INCO, celle-ci ne conteste pas avoir reçu le pli dans un délai de 15 jours suivant le dépôt de la requête au greffe de la Cour.

Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la CNAC, tirée du non-respect des formalités fixées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, doit être écartée.

8. En deuxième lieu et d'une part, une association est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant et notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. A ce titre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.

9. D'autre part, il ressort de l'article 12 des statuts de l'association avenir Plan de Campagne, dans leur version issue de la modification au titre de laquelle le sous-préfet

d'Aix-en-Provence a délivré un récépissé le 25 janvier 2017, que le président de l'association représente celle-ci, tant en défense qu'en demande, dans toute action portée devant une juridiction administrative ou judiciaire et qu'il a pleine compétence pour agir dans les intérêts de l'association et pour saisir toute juridiction de toute action qu'il estimera utile à la défense des intérêts de l'association.

10. Enfin, selon l'article 11 des statuts de l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne ", dans leur version issue de la modification au titre de laquelle le sous-préfet d'Aix-en-Provence a délivré un récépissé le 5 mai 2017, le président représente l'association en justice et en toute circonstance.

11. Si la commune des Pennes Mirabeau fait valoir que la requête est irrecevable, faute pour les associations requérantes de préciser l'identité de leur représentant respectif, il ressort des pièces du dossier que les intéressées ont indiqué être représentées par leurs présidents dûment habilités, une telle habilitation résultant des dispositions statutaires citées aux points 9 et 10. Au surplus, l'identité des intéressés a été mentionnée dans le mémoire complémentaire enregistré le 9 novembre 2023 au greffe de la Cour. Par suite, la fin de

non-recevoir tirée du défaut de capacité à agir du représentant des associations requérantes doit être écartée.

12. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ".

13. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une association puisse contester un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale à la fois en tant qu'il vaut autorisation de construire et en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, pour autant qu'elle justifie d'un intérêt pour agir contre chacune de ces autorisations.

14. En ce qui concerne, d'une part, l'association avenir Plan de Campagne, il résulte de la lecture combinée des articles 1er et 5 de ses statuts qu'elle s'est donnée pour objet de regrouper les propriétaires de la zone commerciale A... qui, soit sont propriétaires d'une surface bâtie ouverte au public au minimum de 100 m², soit sont détenteurs d'un projet développant une telle surface présenté en conseil d'administration, et ce afin d'assurer la défense de ses adhérents, ainsi qu'une représentativité de la zone vis-à-vis des collectivités, et de réaliser plus généralement toutes opérations quelconques nécessaires et légales. Il en résulte qu'elle a pour objet essentiel la défense des intérêts collectifs de la profession des commerçants installés dans la zone A.... Si, au nombre des moyens qu'elle s'est donnée, figure la possibilité de porter devant les juridictions toute action ou recours, c'est uniquement en vue de garantir le strict respect des législations et règlementations ayant pour objet de promouvoir l'aménagement de la zone commerciale.

Par conséquent, en dépit du renvoi aux articles L. 110 du code de l'urbanisme et L. 110-1 du code de l'environnement opéré par l'article 2 de ses statuts, c'est uniquement au titre des dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce et non par application des dispositions des articles L. 600-1-1 et L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'elle dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.

15. En ce qui concerne, d'autre part, l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne ", l'article 2 de ses statuts indique que son objet est d'assurer la défense, par tous moyens appropriés, des intérêts de la zone A... ainsi que des droits des commerçants, des entreprises et des propriétaires de cette dernière, présentant un caractère d'intérêt général, en vue de son développement et de son organisation. Par ailleurs, l'article 5 des statuts précise que les membres de l'association doivent exercer une activité professionnelle dans la zone. Dans ces conditions, en l'absence de toute autre précision, c'est également au seul titre des dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce, et non par application des dispositions des articles L. 600-1-1 et

L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'elle dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, la circonstance que l'article 1er des statuts indique qu'elle peut saisir les juridictions aux mêmes fins et dans les mêmes conditions que l'association avenir Plan de Campagne étant, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, sans incidence sur la reconnaissance d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige en tant qu'il vaut autorisation de construire. Par suite, les conclusions de l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne " tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 sont irrecevables en tant que cet arrêté porte autorisation de construire.

16. Il résulte de ce qui précède que les défenderesses sont seulement fondées à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 sont irrecevables en tant que cet arrêté porte autorisation de construire. Par voie de conséquence, l'ensemble des moyens soulevés contre cet arrêté en tant qu'il porte autorisation de construire sont irrecevables.

17. En revanche, les associations requérantes justifient d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige, en tant qu'il se prononce sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la SCI INCO.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 avril 2022 en tant qu'il se prononce sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la SCI INCO :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / (...)

5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; (...) ". Et aux termes du I de l'article L. 752-3 du même: " Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; 3° Soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ; 4° Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. (...) ".

19. D'une part, le projet autorisé par le permis de construire attaqué prévoit la création de 900 m² de surface de vente situées dans le périmètre d'une zone d'urbanisation future dont l'aménagement a été confié en 1982 au syndicat intercommunal d'aménagement de la zone A..., avec pour objectif d'assurer la maîtrise des procédures d'urbanisation ainsi que l'aménagement et l'entretien des voies et réseaux. S'il est constant que cette zone, traversée d'ouest en est par la route départementale RD6, est principalement composée de commerces, sur une surface de plus de 300 000 m² répartie en six secteurs depuis 1989 selon la charte d'aménagement de la zone, et qu'elle regroupe plus de

450 enseignes, les magasins qui la composent ne sauraient pour autant être regardés,

compte-tenu de la dimension de la zone, dont il résulte une évidente absence de proximité selon le secteur d'implantation des différents magasins, comme étant tous réunis sur un même site au sens et pour l'application des dispositions précédemment citées. D'autre part, si les requérantes soutiennent, en réplique, que le projet va participer de l'extension, à tout le moins, d'un ensemble commercial composé des magasins de cuisine et enseignes de meubles situés sur le même trottoir que celui jouxtant le terrain d'assiette du projet, elles n'établissent pas ni même n'allèguent que les magasins dont il s'agit auraient été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, qu'ils bénéficieraient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès de ces établissements, ni qu'ils bénéficieraient d'une gestion commune ou seraient réunis par une structure juridique commune. Enfin, et au surplus, en ce qui concerne l'ensemble de la zone A..., ces mêmes conditions ne sont pas remplies. En effet, la circonstance que la zone a été identifiée comme zone stratégique pour laquelle la communauté d'agglomération du Pays d'Aix a bénéficié de transferts de compétences permettant la mise en œuvre d'outils d'urbanisme, fonciers et économique ne suffit pas à établir que l'ensemble des magasins, installés sans aucune cohérence au fil du temps depuis le début des années 1960 selon les affirmations non contredites de la Commission nationale d'aménagement commercial, auraient été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier. En outre, à supposer même que cette zone bénéficie d'aménagements communs tels que des contre-allées et giratoires internes, il ne ressort nullement des pièces du dossier que le projet poursuivi par la SCI INCO bénéficiera de tels aménagements. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier de demande de permis que la desserte du projet se fera exclusivement par le chemin de Velaux. De même, si un directeur de la zone A... a été nommé, il n'est pour autant pas établi que l'ensemble des magasins de la zone bénéficieraient des services de sécurité et publicitaires évoqués par les requérantes, ni qu'il existerait une obligation pour tout commerçant d'être répertorié dans la liste des magasins du secteur identifiés sur le site internet A..., au demeurant géré par l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne " selon les affirmations de la SCI INCO, non contredites sur ce point. Enfin, il est constant que les magasins de la zone A... ne sont pas réunis par une structure juridique commune. Par conséquent, le projet de la SCI INCO n'appartient pas à un ensemble commercial au sens de l'article L. 752-3 du code du commerce et ne relève ainsi pas du 5° de son article L. 752-1. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait dû être précédé d'un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial préalable à la délivrance d'une autorisation d'exploitation commerciale doit être écarté.

20. En second lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le permis de construire délivré par le maire de la commune des Pennes-Mirabeau à la SCI INCO ne saurait valoir autorisation d'exploitation commerciale. Dans ces conditions, il n'était pas assujetti à la délivrance d'un avis favorable par la Commission nationale d'aménagement commercial. Il en résulte que les requérantes ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce auraient été méconnues, motif pris de ce qu'aucune pièce de la procédure ne permettrait de s'assurer que les membres de la Commission nationale ont été régulièrement convoqués à la séance du 24 février 2022 et qu'ils ont reçu l'ensemble des documents visés par les dispositions précitées dans un délai raisonnable, circonstances en tout état de cause démenties par les pièces produites par la CNAC dans la présente instance.

21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions des associations requérantes tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires reconventionnelles présentées par la SCI INCO sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

22. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".

23. Dans les circonstances de l'espèce, l'exercice de leur droit au recours par les associations requérantes contre le permis délivré à la SCI INCO ne relevait pas d'un comportement abusif de leur part. Dès lors, la SCI INCO n'est pas fondée à demander le versement de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions précitées.

Sur les frais d'instance :

24. La commune des Pennes-Mirabeau et la SCI INCO n'étant pas les parties perdantes dans la présente instance, les conclusions présentées par les requérantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des requérantes une somme de 2 000 euros à verser à la commune des Pennes-Mirabeau et une somme de 2 000 euros à verser à la SCI INCO au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association avenir Plan de Campagne et de l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à Plan de Campagne " est rejetée.

Article 2 : Les associations requérantes verseront solidairement une somme de 2 000 euros à la commune des Pennes-Mirabeau et une somme de 2 000 euros à la SCI INCO en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI INCO sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association avenir Plan de Campagne, à l'association centre de vie régional " pour le commerce et les loisirs le dimanche à

Plan de Campagne ", à la SCI INCO, à la commune des Pennes-Mirabeau, et à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024.

N° 22MA01562 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01562
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP BERENGER - BLANC - BURTEZ - DOUCEDE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22ma01562 ?
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