Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission au séjour.
Par un jugement n° 2105460 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Traversini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 juillet 2023 ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande d'admission au séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande d'admission au séjour, à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cette dernière renonçant dans ce cas et par avance à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle pouvait avoir sur sa situation personnelle et familiale et celle de ses enfants mineurs ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988, modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Rigaud été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 8 septembre 1983, a sollicité, le 4 mai 2021, son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet pendant plus de quatre mois sur cette demande, en vertu des dispositions des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... B... relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige est repris dans les mêmes termes que ceux énoncés devant le tribunal administratif. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2 et 3 du jugement, le requérant ne critiquant pas le bienfondé de ces motifs.
3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
4. A supposer même qu'il doive être regardé comme ayant entendu se prévaloir des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... B... n'établit le caractère habituel de sa présence en France au moins depuis 2013, notamment pour les années 2013 à 2021 pour lesquelles n'est au mieux établie qu'une présence ponctuelle. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait dû saisir la commission du titre de séjour préalablement au refus qu'il a opposé à sa demande d'admission au séjour.
5. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
6. M. A... B... se prévaut de sa présence en France depuis 2009, de son insertion professionnelle et de sa vie privée et familiale sur le territoire auprès de son épouse et de leurs trois enfants, scolarisés, pour les deux ainés, depuis la rentrée scolaire 2019. Les pièces produites à l'appui de ces allégations n'établissent ni la date exacte de son entrée en France, ni le caractère habituel de son séjour en France pour les années 2013 à 2021. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... B... a exercé un emploi de cuisinier à temps partiel en contrat à durée indéterminée à compter du mois de décembre 2022, soit postérieurement à la date de la décision en litige, il ne peut cependant se prévaloir d'aucune insertion professionnelle antérieure à ce contrat, en ne se prévalant que de deux promesses d'embauche pour un emploi d'électricien, pour lequel il n'établit pas disposer de compétences particulières. La présence habituelle en France de son épouse, également en situation irrégulière, entrée en France en 2013, n'est pas non plus démontrée. Si le couple du requérant a donné naissance à trois enfants nés à Nice respectivement en juillet 2014, octobre 2016 et mars 2019, lesquels sont scolarisés dans des petites classes depuis la rentrée scolaire 2019, aucune circonstance ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Tunisie, pays dont toute la famille a la nationalité, et à ce que les enfants y poursuivent leur scolarité. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision attaquée a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Aux termes des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié" (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
8. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée, et fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 précité de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour à raison d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un tel titre de séjour ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 précité de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
9. D'une part, en se bornant à se prévaloir de deux promesses d'embauche pour un emploi d'électricien et en ne produisant aucun contrat de travail visé par les autorités compétentes, tel que prévu par les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, le requérant ne justifie pas pouvoir obtenir la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 doit être écarté.
10. D'autre part, compte tenu de ce qui a été exposé au point 6 du présent arrêt, ni la prétendue insertion professionnelle du requérant, ni l'ancienneté de sa présence en France, dont le caractère habituel n'est au demeurant pas établi, ni la présence en France de son épouse et de leurs trois enfants ne sont de nature à caractériser des motifs exceptionnels au sens des dispositions citées au point 7. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent être écartés.
11. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. La circonstance qu'à la date de la décision contestée les enfants de M. A... B... étaient scolarisés en classe de CE1 et de grande section et celle, au demeurant non établie, qu'un retour en Tunisie diminuerait la capacité financière du foyer à assurer l'entretien des enfants, ne sont de nature à faire regarder la décision contestée comme contraire à l'intérêt supérieur des enfants, dans les conditions précédemment énoncées au point 6.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à Me Traversini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente ;
- Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure ;
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.
N° 23MA023842