Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le maire de Solliès-Toucas l'a placé en position de congé de longue durée pour une durée de six mois à compter du 29 avril 2018, avec plein traitement du 29 avril 2018 au 28 juillet 2018 et demi-traitement du 29 juillet 2018 au 28 octobre 2018 et d'enjoindre à la commune de prendre un arrêté de prolongation de congé de longue durée à plein traitement.
Par un jugement n° 1802553 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 31 mai 2018 du maire de Solliès-Toucas et a enjoint dans un délai de deux mois à la commune d'accorder à M. A..., pour la période pendant laquelle l'intéressé n'aura pas fait valoir ses droits à la retraite, le bénéfice d'un congé de longue durée à compter du 29 juillet 2016 avec maintien du plein traitement pendant une durée de cinq ans, puis d'un demi-traitement pendant trois ans.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2022, la commune de Solliès-Toucas, représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 mars 2022 ;
2°) statuant à nouveau, de rejeter la requête de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. A... ne justifie pas de son intérêt à agir ;
- M. A... ne pouvait pas prétendre au bénéfice d'un congé de longue durée imputable au service, si bien que l'arrêté en litige est parfaitement légal ;
- en toute hypothèse, elle se trouvait en situation de compétence liée ;
- l'injonction prononcée par le tribunal ne peut intervenir sans annuler les décisions prises ultérieurement et qui n'ont pas été contestées ;
- subsidiairement, M. A... aurait dû être placé en congés de longue durée à compter du 29 juillet 2015 et non du 29 juillet 2016.
Par un mémoire, enregistré le 1er juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Hoffmann, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Solliès-Toucas en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il justifie d'un intérêt pour agir contre l'arrêté en litige ;
- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés ;
- l'injonction prononcée par le tribunal administratif est parfaitement justifiée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Une notre en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 14 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Solliès-Toucas relève appel du jugement du 2 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a, dans un article 1er, prononcé l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le maire de Solliès-Toucas a placé M. B... A... en position de congé de longue durée pour une durée de six mois à compter du 29 avril 2018, avec plein traitement du 29 avril 2018 au 28 juillet 2018 et demi-traitement du 29 juillet 2018 au 28 octobre 2018, et, dans un article 2, lui a enjoint d'accorder à M. A..., pour la période pendant laquelle l'intéressé n'aura pas fait valoir ses droits à la retraite, le bénéfice d'un congé de longue durée à compter du 29 juillet 2016 avec maintien du plein traitement pendant une durée de cinq ans, puis d'un demi-traitement pendant trois ans.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, un article 21 bis. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 sont applicables, s'agissant des agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, depuis le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique.
3. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., agent de police municipale de la commune de Solliès-Toucas, a été victime d'un accident le 9 octobre 2013, dans le cadre de ses fonctions alors qu'il désactivait une alarme dans une école de la commune, la sonnerie retentissante lui ayant causé des lésions irréversibles des oreilles à l'origine d'acouphènes très importants, d'une hyperacousie et d'une perte auditive l'invalidant lourdement dans sa vie quotidienne et rendant impossible la reprise du travail. Les troubles psychologiques au titre desquels M. A... a demandé à bénéficier d'un congé de longue durée imputable au service sont apparus au plus tard le 27 avril 2015. La situation de cet agent est donc régie par le droit antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, à savoir l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...). ".
5. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue à la suite de l'avis de la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale du Var du 26 mars 2014. M. A... a été placé en congé maladie à compter du 10 octobre 2013, puis en congé de longue maladie à plein traitement à compter du 29 juillet 2015 jusqu'au 28 juillet 2016. Il a ensuite été placé en congé de longue durée à plein traitement du 29 juillet 2016 au 28 avril 2018. Par un courrier adressé au maire de Solliès-Toucas le 5 décembre 2017, M. B... A... a sollicité la saisine du comité médical, le renouvellement de son congé de longue durée pour une nouvelle période de 6 mois et afin de voir reconnaître son congé de longue durée comme étant imputable au service. Lors de sa séance du 24 mai 2018, le comité médical départemental a émis un avis favorable au renouvellement du congé de longue durée de M. A... pour une durée de six mois à compter du 29 avril 2018. Par l'arrêté en litige du 31 mai 2018, le maire de Solliès-Toucas a placé M. A... en position de congé de longue durée pour une période de six mois à compter du 29 avril au 28 octobre 2018, à plein traitement du 29 avril au 28 juillet 2018 et à demi-traitement du 29 juillet au 28 octobre 2018. Par cet arrêté, le maire de Solliès-Toucas a ainsi implicitement mais nécessairement considéré que M. A... était placé en position de congé de longue durée en raison d'une maladie n'ayant pas été contractée dans l'exercice de ses fonctions, hypothèse prévue par les dispositions précitées du 4e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans laquelle l'agent placé en congé de longue durée n'a droit de percevoir son plein traitement que pendant une période de trois ans.
6. M. A..., qui estime devoir bénéficier d'un congé de longue durée en raison d'une maladie contractée dans l'exercice de ses fonctions et avoir ainsi droit à percevoir son plein traitement pendant une période de cinq ans en application des dispositions du 4e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté en litige, en tant que ce dernier n'a pas reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie et en tant qu'il ne lui octroie qu'un demi-traitement du 29 juillet au 28 octobre 2018. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté à ces deux titres la fin de non-recevoir opposée à ce titre par la commune en première instance.
7. Pour considérer que le droit à congé de longue durée de M. A... n'était pas ouvert par une maladie contractée dans l'exercice de ses fonctions et compte tenu des termes de la demande adressée par l'agent le 5 décembre 2017, le maire de Solliès-Toucas a exercé son propre pouvoir d'appréciation et ne se trouvait en situation de compétence liée, contrairement à ce que la commune requérante soutient devant la cour.
8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
9. Il ressort des pièces du dossier d'une part que les séquelles auditives irréversibles dont M. A... est atteint résultent directement et exclusivement de l'accident de service dont il a été victime le 9 octobre 2013, et d'autre part que les troubles psychologiques dont il souffre, à savoir une sémiologie dépressive marquée et un tableau phobique invalidant, ont été diagnostiqués le 27 avril 2015 par le Dr C..., médecin psychiatre, sont dépourvue de lien avec une quelconque anomalie psychopathologique antérieure et sont en lien direct et certain avec les séquelles auditives précitées et donc avec l'accident de service dont il a été victime. Dans ces conditions, les pathologies affectant M. A... lui ouvraient droit à un congé de longue durée pour maladie contractée dans l'exercice de ses fonctions. Par suite, la période de cinq ans, prévues par les dispositions citées au point 4, durant laquelle M. A... devait être placé en position de congé de longue durée à plein traitement a commencé à courir le 29 juillet 2015, la période durant laquelle M. A... a été placé en congé de longue maladie à plein traitement étant réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection, jusqu'au 28 juillet 2020. La commune de Solliès-Toucas n'est dès lors pas fondée à demander l'annulation du jugement contesté en tant qu'il annule l'arrêté du 31 mai 2018.
10. S'agissant de l'injonction prononcée par le tribunal, la commune n'est pas fondée à soutenir que cette dernière s'opposerait aux actes ultérieurs pris concernant la situation de M. A..., l'administration étant tenue de tirer toutes les conséquences d'une annulation contentieuse. Toutefois, il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif ne pouvait pas enjoindre à la commune d'accorder à M. A... le bénéfice d'un congé de longue durée avec maintien du plein traitement pour une période de cinq ans à compter du 29 juillet 2016, le bénéfice de ce congé de longue durée courant à compter du 29 juillet 2015 en application des dispositions du 4e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Il y a lieu pour la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer dans cette limite sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... en première instance.
11. Compte tenu des motifs du présent arrêt, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement du 2 mars 2022 du tribunal administratif de Toulon et d'enjoindre à la commune de Solliès-Toucas d'accorder à M. A..., pour la période pendant laquelle l'intéressé n'aura pas fait valoir ses droits à la retraite, le bénéfice d'un congé de longue durée à compter du 29 juillet 2015 avec maintien du plein traitement pendant une durée de cinq ans, puis d'un demi- traitement pendant trois ans. Cette mesure d'exécution interviendra dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1802553 du 2 mars 2022 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Solliès-Toucas d'accorder à M. A..., pour la période pendant laquelle l'intéressé n'aura pas fait valoir ses droits à la retraite, le bénéfice d'un congé de longue durée à compter du 29 juillet 2015 avec maintien du plein traitement pendant une durée de cinq ans, puis d'un demi-traitement pendant trois ans. Cette mesure d'exécution interviendra dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Les surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Solliès-Toucas et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente ;
- Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure ;
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.
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N° 22MA01264