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26/03/2024 | FRANCE | N°21MA03849

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 26 mars 2024, 21MA03849


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :





M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de San-Gavino-di-Carbini a refusé de procéder à l'abrogation totale du plan local d'urbanisme, d'autre part d'enjoindre à la commune de San-Gavino-di-Carbini d'abroger le plan local d'urbanisme, dans un délai de

deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et

enfin de mettre à la charge de la commune de San-Gavino-di-Carbini une somme de 2 500 euros en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de San-Gavino-di-Carbini a refusé de procéder à l'abrogation totale du plan local d'urbanisme, d'autre part d'enjoindre à la commune de San-Gavino-di-Carbini d'abroger le plan local d'urbanisme, dans un délai de

deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et enfin de mettre à la charge de la commune de San-Gavino-di-Carbini une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901351 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision tacite de rejet, a enjoint au maire de San-Gavino-di-Carbini d'abroger le plan local d'urbanisme dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de la commune de San-Gavino-di-Carbini une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2021, la commune de San-Gavino-di-Carbini, représentée par Me Muscatelli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- la demande de première instance était tardive, aucune obligation d'accuser réception de la demande d'abrogation présentée par un membre du conseil municipal ne s'imposant à la commune ;

- l'autorité absolue de chose jugée ne s'imposait pas au maire pour statuer sur la demande d'abrogation dès lors que la base légale et jurisprudentielle du motif d'annulation du précédent refus d'abroger a été entre-temps modifiée, et qu'il n'y a pas identité de parties, le jugement attaqué étant ainsi entaché d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023, M. A..., représenté par

Me Poletti, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés et qu'au surplus il appartient à la commune de mettre son plan local d'urbanisme en compatibilité avec les dispositions du plan d'aménagement et de développement durable de Corse.

Par une ordonnance du 9 mai 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 avril 2019, M. A... a demandé au maire de la commune de

San-Gavino-di-Carbini de procéder à l'abrogation totale du plan local d'urbanisme de la commune approuvé par délibération du 7 avril 2013. Par un jugement du 9 juillet 2021, dont la commune de San-Gavino-di-Carbini relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision par laquelle son maire a refusé tacitement de faire droit à la demande d'abrogation de M. A..., a enjoint au maire d'abroger ce plan local d'urbanisme dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de la commune de

San-Gavino-di-Carbini une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : / 1° Administration : (...) les collectivités territoriales (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-2 du même code : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé.".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme :

" L'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou par le conseil municipal après enquête publique menée dans les formes prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. / Le dossier soumis à l'enquête publique comprend un rapport exposant les motifs et les conséquences juridiques de l'abrogation projetée ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités

territoriales : " Le maire peut réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-10 du même code : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ".

5. En vertu des dispositions précitées du code de l'urbanisme et du code général des collectivités territoriales, si le maire n'est pas compétent pour abroger lui-même les dispositions d'un plan local d'urbanisme, qui ne peuvent être abrogées que par l'organe délibérant de la commune, il est en revanche tenu, si ces dispositions sont illégales, de convoquer cet organe en inscrivant cette question à l'ordre du jour de la séance. Le cas échéant, le conseil municipal est tenu de procéder à cette abrogation en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne l'office du juge de l'excès de pouvoir :

6. En raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Cette contestation peut prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire.

7. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.

8. Les règles énoncées ci-dessus trouvent également à s'appliquer lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire d'une commune refuse de convoquer son conseil municipal aux fins d'abroger des dispositions réglementaires de son plan local d'urbanisme.

En ce qui concerne la légalité du refus tacite d'abroger le plan local d'urbanisme de la commune de San-Gavino-di-Carbini :

9. Pour annuler la décision par laquelle le maire de San-Gavino-di-Carbini, en ne répondant pas expressément à la demande qui lui était présentée par M. A..., a refusé de convoquer son conseil municipal aux fins d'abroger totalement le plan local d'urbanisme, le tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur le motif tiré de ce que, ce faisant, le maire a méconnu l'autorité absolue de chose jugée attachée tant à l'annulation prononcée par le tribunal le 25 juin 2015, de manière définitive, d'un précédent refus opposé à une telle demande, présentée par d'autres habitants de la commune, qu'aux motifs qui sont le soutien nécessaire de cette annulation.

10. Par un jugement n° 1400015 du 25 juin 2015, devenu définitif, le tribunal a annulé le refus tacite né du silence gardé par le maire de San-Gavino-di-Carbini sur la demande d'abrogation totale du plan local d'urbanisme, pour les motifs, d'une part, que la délibération du 5 mai 2001 prescrivant l'élaboration de ce plan n'avait pas défini les objectifs poursuivis par cette procédure ni les modalités de la concertation, en méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, et d'autre part que cette délibération n'avait pas acquis un caractère exécutoire au jour de l'adoption du plan, par une délibération du 7 avril 2013. Un tel jugement est revêtu de l'autorité absolue de chose jugée, alors même qu'il n'a adressé au maire de

San-Gavino-di-Carbini qu'une injonction de réexaminer la demande d'abrogation dont il restait saisi.

11. Mais par deux décisions rendues respectivement le 5 mai 2017 et le

24 septembre 2021, sous les n°s 388902 et 444673, le Conseil d'Etat juge sans incidence sur la légalité d'un plan local d'urbanisme les moyens accueillis par le tribunal administratif de Bastia dans son jugement n° 1400015 du 25 juin 2015 pour déclarer illégal le plan local d'urbanisme de la commune de San-Gavino-di-Carbini et annuler le refus de l'abroger totalement. Il suit de là qu'au jour où le maire devait statuer sur la demande de M. A... tendant à l'abrogation totale du plan local d'urbanisme, ce document n'était plus affecté de vices de nature à justifier son abrogation dans cette mesure. Dans ces circonstances, caractérisées par un long délai entre l'annulation par le jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 juin 2015 d'un précédent refus d'abroger le plan local d'urbanisme de la commune de San-Gavino-di-Carbini et la demande d'abrogation de M. A..., le maire de la commune, en refusant, par la décision en litige, de faire droit à cette demande, n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement.

12. C'est donc à tort que pour annuler la décision litigieuse, le tribunal a considéré que celle-ci avait été prise en méconnaissance de la chose qu'il avait déjà jugée.

13. Néanmoins, il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens de première instance et d'appel de M. A....

14. En premier lieu, l'affirmation, formulée par M. A... pour la première fois

en appel, tirée de la nécessité pour le plan local d'urbanisme de la commune de

San-Gavino-di-Carbini de se mettre en compatibilité avec le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, n'est pas suffisamment précise pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Ainsi, compte tenu du changement de circonstances, décrit au point 11, qui a fait cesser l'illégalité du plan local d'urbanisme à la date de la décision en litige, et alors qu'il n'est pas établi que cet acte serait devenu illégal en raison d'un autre changement de circonstances à la date à laquelle la Cour doit statuer, le moyen tiré de l'illégalité du refus d'abroger ce plan en raison des vices qui l'affectaient au jour de son adoption doit être écarté.

15. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 10, le jugement du 25 juin 2015 s'est borné à enjoindre à la commune de réexaminer la demande d'abrogation dont elle était alors saisie. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que l'exécution de ce jugement impliquait nécessairement, comme il le demandait à son tour à la commune, d'abroger totalement son plan local d'urbanisme.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de M. A..., que la commune de San-Gavino-di-Carbini est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision de son maire refusant de saisir le conseil municipal afin d'abroger totalement son plan local d'urbanisme. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au maire de San-Gavino-di-Carbini de convoquer son conseil municipal afin d'abroger le plan local d'urbanisme.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901351 rendu le 9 juillet 2021 par le tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bastia, et le surplus des conclusions des parties, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de San-Gavino-di-Carbini et à

M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

N° 21MA038492


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