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21/03/2024 | FRANCE | N°23MA02193

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23MA02193


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Camping Humawaka, Mme B... C... et M. A... D... et la SCI LG2I ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 18 février 2022, par laquelle le conseil municipal de la commune de Comps-sur-Artuby a rejeté la demande d'abrogation de l'article UC1 de la zone UCa du règlement du plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il interdit l'implantation des habitations légères de loisir dans cette zone et d'en

joindre à la commune d'abroger l'article UC1 ainsi que l'article UC2 du même règlemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Camping Humawaka, Mme B... C... et M. A... D... et la SCI LG2I ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 18 février 2022, par laquelle le conseil municipal de la commune de Comps-sur-Artuby a rejeté la demande d'abrogation de l'article UC1 de la zone UCa du règlement du plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il interdit l'implantation des habitations légères de loisir dans cette zone et d'enjoindre à la commune d'abroger l'article UC1 ainsi que l'article UC2 du même règlement, en tant qu'il limite dans cette même zone à 50 m² de surface de plancher les constructions annexes nécessaires au maintien, au fonctionnement et au développement des activités de camping (aire de barbecue, sanitaires).

Par un jugement n° 2201080, 2201081 et 2201082 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération du 18 février 2022 et enjoint au maire de la commune de Comps-sur-Artuby d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal de cette commune le projet d'abrogation de l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme en tant qu'il comporte l'interdiction d'implantation des habitations légères de loisir dans le secteur UCa.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 août 2023 et le 25 octobre 2023, la commune de Comps-sur-Artuby, représentée par Me Lopasso, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 juin 2023 ;

2°) de rejeter la requête de la société LG21, de la SAS Camping Humawaka et de Mme B... C... et M. A... D... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la société LG21, de la SAS Camping Humawaka et de Mme B... C... et M. A... D... la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges ont fait une interprétation erronée de l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme, lui ont enjoint à tort d'abroger cet article en méconnaissance de l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme, ont procédé à une application erronée de l'article R. 111-38 du code ainsi que du principe d'égalité de traitement, la différence de traitement du camping municipal et du camping Humawaka, qui ne sont pas dans la même situation vis-à-vis des contraintes d'intégration paysagère, étant justifiée ;

- l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme ne méconnaît pas les articles R. 111-38 et R. 151-30 du code de l'urbanisme qui ne prévoient que la possibilité d'implanter des habitations légères de loisirs dans les terrains de camping, et non une obligation ;

- l'interdiction d'implanter des habitations légères de loisirs, qui ont vocation à demeurer tout au long de l'année et sont le plus souvent de type " chalet ", dans la zone UCa particulière au camping Humawaka est justifiée dès lors que ce camping est visible depuis le village, à la différence du camping municipal qui fait l'objet de la zone UCb, cette différence de situation étant essentielle pour la protection du patrimoine de la commune, dont 4 édifices sont protégés au titre des monuments historiques.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 20 septembre et le 14 novembre 2023, la société LG21, la SAS Camping Humawaka et Mme C... et M. D..., représentés par Me Toumi, concluent au rejet de la requête, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Comps-sur-Artuby en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 5 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2024 à 12 heures.

La commune de Comps-sur-Artuby a présenté un mémoire enregistré le 5 mars 2024 après clôture d'instruction et non communiqué.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 octobre 2023

La demande d'aide juridictionnelle de Mme C... a été rejetée par décision du 27 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Lopasso, représentant la commune de Comps-sur-Artuby, et celles de Me Toumi, représentant les intimés.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 30 janvier 2016, le conseil municipal de la commune de Comps-sur-Artuby a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, lequel a créé au sein de la zone UC dédiée à l'hébergement touristique, une zone UCa, correspondant au camping Humawaka implanté sur des parcelles que possède la SCI et qu'exploite la SAS Camping Humawaka gérée par Mme C... et M. D..., au sein de laquelle l'implantation d'habitations légères de loisirs est interdite, et une zone UCb, correspondant au camping municipal, au sein de laquelle ces habitations ne sont pas interdites. Par une lettre du 1er février 2022, la SAS Camping Humawaka a, par la voie de son conseil, demandé que cette interdiction prévue par l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune soit abrogée. Par une délibération du 18 février suivant, le conseil municipal de la commune a refusé cette demande. La commune de Comps-sur-Artuby relève appel du jugement du 23 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cette délibération et enjoint au maire de la commune d'inscrire cette abrogation à l'ordre du jour du conseil municipal.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour accueillir le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme au regard de l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme, les premiers juges se sont fondés sur l'orientation n° 2 du projet d'aménagement et de développement durable et sur un objectif rappelé par le rapport de présentation, qu'ils ont cité. Ils ont ainsi suffisamment motivé le jugement rendu, comme l'exige l'article L. 9 du code de justice administrative. La commune de Comps-sur-Artuby ne peut par ailleurs utilement se prévaloir des erreurs d'appréciation que les premiers juges auraient commises pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. (...). "

3. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. /Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". L'article R. 111-37 dudit code dispose : " Sont regardées comme des habitations légères de loisirs les constructions démontables ou transportables, destinées à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs. " L'article R. 151-30 prévoit que : " Pour des raisons de sécurité ou salubrité ou en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, le règlement peut, dans le respect de la vocation générale des zones, interdire :/1° Certains usages et affectations des sols ainsi que certains types d'activités qu'il définit ;/ 2° Les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations. "

4. D'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

5. La justification de l'interdiction d'implanter des habitations légères de loisirs dans la zone UCa correspondant au camping Humawaka ne ressort d'aucun des documents du plan local d'urbanisme, notamment du rapport de présentation. Si la commune de Comps-sur-Artuby soutient dans ses écritures que cette interdiction résulte de la situation de ce camping, visible depuis le vieux village, et de la proximité de bâtiments classés au titre des monuments historiques, au regard de la nécessité de préserver l'attractivité touristique liée à ce patrimoine, elle ne justifie pas que l'implantation de telles habitations dans ce camping, compte tenu de leur dimension et de la distance du camping avec le village, serait de nature à compromettre cet objectif. Au demeurant, cette circonstance, à la supposer établie alors que ce camping ne se situe pas dans le champ de visibilité de ces monuments, comme cela ressort de l'arrêté de non-opposition à l'édification dans ce camping d'une piscine hors sol pris par le maire de la commune le 13 novembre 2018, ne suffit pas à justifier l'interdiction en litige alors qu'aux termes du projet d'aménagement et de développement durables dudit plan local d'urbanisme, le maintien des deux campings de la commune constitue l'un des facteurs de l'attractivité touristique, à l'instar de la préservation du patrimoine. Dès lors, ainsi que le relève le jugement attaqué, cette interdiction, qui n'est pas davantage justifiée par des raisons de sécurité ou salubrité, ne s'avère pas en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, et méconnaît les dispositions de l'article R. 151-30 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, à supposer même que l'objet de cette interdiction soit en rapport avec la préservation du patrimoine et de l'attractivité touristique qui lui est liée comme le prétend la commune, cette différence de situation vis-à-vis du village avec le camping municipal, situé en zone UCb qui n'est pas assujettie à la même interdiction, ne justifie pas cette différence de traitement, laquelle est en tout état de cause manifestement disproportionnée au regard de cet objet.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme : " L'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou par le conseil municipal après enquête publique menée dans les formes prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. / Le dossier soumis à l'enquête publique comprend un rapport exposant les motifs et les conséquences juridiques de l'abrogation projetée. " Aux termes de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile. (...) " L'article L. 2121-10 de ce code dispose : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse. "

7. Il résulte de la combinaison des articles l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme et L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales que si le conseil municipal est seul compétent pour abroger tout ou partie du plan local d'urbanisme de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal.

8. Le jugement attaqué a tiré les conséquences de l'annulation de la délibération refusant d'abroger le dernier alinéa de l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Comps-sur-Artuby qui interdit les habitations légères de loisirs dans le secteur UCa, en enjoignant à son maire, conformément à l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, d'inscrire cette abrogation à l'ordre du jour de son conseil municipal. Contrairement à ce que soutient cette dernière, cette injonction n'a ni pour objet, ni pour effet d'affranchir des règles qui régissent les procédures de révision, de modification ou de modification simplifiée du plan local d'urbanisme prévues, respectivement, par les articles L. 153-31, L. 153-41 et L. 153-45 du même code, et, par suite, ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Comps-sur-Artuby n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération de son conseil municipal du 18 février 2022 et enjoint au maire d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal de cette commune le projet d'abrogation de l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme en tant qu'il comporte l'interdiction d'implantation des habitations légères de loisir dans le secteur UCa.

Sur les frais liés au litige :

10. La SAS Camping Humawaka, Mme B... C... et M. A... D... et la SCI LG2I n'étant pas, dans la présente instance, les parties perdantes, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la commune de Comps-sur-Artuby sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Comps-sur-Artuby la somme de 3 000 euros à verser aux intimés sur ce même fondement.

D É C I D E

Article 1er : La requête de la commune de Comps-sur-Artuby est rejetée.

Article 2 : La commune de Comps-sur-Artuby versera à la SAS Camping Humawaka, à Mme C..., à M. D..., sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, et à la SCI LG2I la somme globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Comps-sur-Artuby, à la SAS Camping Humawaka, à Mme B... C..., à M. A... D..., à la SCI LG2I et à Me Toumi.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en

application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Angéniol, premier conseiller,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

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23MA02193

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02193
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SELARL MAUDUIT LOPASSO GOIRAND & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23ma02193 ?
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