Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Bayen Promotion a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le maire de Cannes sur sa demande qu'il lui a adressée le 21 septembre 2018 et tendant à la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite.
Par un jugement n° 1900383 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision implicite et enjoint à la commune de Cannes de délivrer à la SAS Bayen Promotion un certificat de permis de construire tacite, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de ce jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, la commune de Cannes, représentée par Me Paloux, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mars 2023 ;
2°) de rejeter la demande de la SAS Bayen Promotion devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Bayen Promotion la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de permis de construire du 7 mars 2018 est toujours dans l'ordonnancement juridique et s'oppose à la délivrance d'un permis de construire tacite ;
- en l'absence de permis de construire tacite, le maire ne pouvait que refuser de délivrer un certificat de permis tacite.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2023, la SAS Bayen Promotion, représentée par Me Férignac, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cannes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête, qui est insuffisamment motivée, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la commune de Cannes ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 23 février 2024 a été présenté pour la commune de Cannes et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Paloux, représentant la commune de Cannes, et de Me Gaudon, représentant la SAS Bayen Promotion.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Bayen Promotion a déposé une demande de permis de construire une villa avec parking en sous-sol et piscine en toiture sur un terrain situé 9 avenue Cézanne à Cannes créant une surface au plancher totale de 700,90 m². Par un arrêté du 16 décembre 2015, le maire de Cannes a opposé à cette demande un sursis à statuer pour une durée de deux ans, sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur. Par un courrier du 12 janvier 2018, la SAS Bayen Promotion a confirmé sa demande. Par un arrêté du 7 mars 2018, le maire a alors refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Par un jugement du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 16 décembre 2015. Par lettre du 21 septembre 2018, la SAS Bayen Promotion a demandé au maire de Cannes de lui délivrer un certificat reconnaissant qu'elle était titulaire d'un permis tacite à la date du 19 décembre 2015. Par lettre du 4 février 2019, le maire lui a communiqué les motifs de sa décision implicite refusant de lui délivrer le certificat demandé. La commune de Cannes relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision implicite et lui a enjoint de délivrer à la SAS Bayen Promotion un certificat de permis de construire tacite, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de ce jugement.
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction (...) ". Selon l'article R. 423-19 de ce code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". L'article R. 423-23 du même code prévoit que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) / b) Deux mois (...) pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle (...) ou ses annexes (...) ". Aux termes de l'article R. 423-28 du même code : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R. 423-23 est porté à : / a) Quatre mois lorsqu'un permis de construire ou d'aménager porte sur un projet situé dans le périmètre de protection des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou sur un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques ; (...) ". Aux termes de l'article R. 423-67-1 du même code : " Par exception aux dispositions de l'article R. 423-59, lorsqu'un permis de construire ou d'aménager porte sur un projet situé dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou sur un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques, le délai à l'issue duquel l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir émis un avis favorable est de deux mois. ". L'article R. 424-1 dispose : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) / b) Permis de construire (...) tacite (...) ". L'article R. 424-10 du même code dispose, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " La décision accordant ou refusant le permis (...) est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, ou, dans les cas prévus à l'article R. 423-48, par échange électronique (...) ". Aux termes de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) A l'expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l'intéressé de sa demande, être prise par l'autorité compétente chargée de la délivrance de l'autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation. Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l'expiration du délai de validité du sursis à statuer. Une décision définitive doit alors être prise par l'autorité compétente pour la délivrance de l'autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l'autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée. (...) ".
4. Pour annuler, par son jugement du 31 mai 2018, l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire de Cannes a opposé à la demande de permis de construire déposée par la SAS Bayen Promotion un sursis à statuer pour une durée de deux ans, le tribunal administratif de Nice a accueilli notamment le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, après avoir constaté que cet arrêté n'avait été notifié que le 22 décembre 2015, soit après la date du 19 décembre 2015 à laquelle expirait le délai d'instruction, et en avoir déduit qu'il devait dès lors être regardé comme ayant procédé au retrait du permis tacitement accordé à la SAS Bayen Promotion.
5. Lorsqu'un permis de construire est retiré et que ce retrait est annulé, le permis initial est rétabli à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation. L'autorité de la chose jugée par ce jugement du 31 mai 2018, devenu définitif, s'attachant aux motifs qui sont le support nécessaire de son dispositif, la SAS Bayen Promotion doit être regardée comme étant titulaire d'un permis tacite à la date du 19 décembre 2015, que ce jugement a rétabli à compter du 31 mai 2018. Si, à l'expiration de la période de deux ans prévue par l'arrêté du 16 décembre 2015, la SAS Bayen Promotion a confirmé sa demande de permis initiale, en application des dispositions de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, et que le maire de Cannes a, par un arrêté du 7 mars 2018, refusé de lui délivrer ce permis, ce refus ne peut être analysé, eu égard aux conditions dans lesquelles il est intervenu, comme comportant retrait du permis tacitement accordé le 19 décembre 2015. Par suite, contrairement à ce qu'a considéré le maire de Cannes, la SAS Bayen Promotion était titulaire d'un permis tacite à la date du 21 septembre 2018 à laquelle elle lui a demandé la délivrance du certificat prévu à l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Bayen Promotion, la commune de Cannes n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite née du silence gardé par le maire de Cannes sur sa demande de la SAS Bayen Promotion tendant à la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite et lui a enjoint de délivrer à cette société un certificat de permis de construire tacite.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Bayen Promotion, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Cannes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cannes une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la SAS Bayen Promotion.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.
Article 2 : La commune de Cannes versera à la SAS Bayen Promotion une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et à la société par actions simplifiée Bayen Promotion.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en
application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Angéniol, premier conseiller,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.
N° 23MA00824 2