Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... et Mme C... B... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2019 par lequel le maire de Saint-Rémy-de-Provence a délivré un permis de construire modificatif à Mme D... F... en vue de la modification de l'implantation, des ouvertures, de la toiture et de la surface de plancher du projet autorisé par un permis de construire délivré le 26 janvier 2018.
Par un jugement n° 1901825 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer sur la requête formée par M et Mme E... en fixant un délai de 4 mois à Mme F... pour justifier de l'éventuelle délivrance d'un permis de construire modificatif permettant d'assurer la conformité du projet aux règles de hauteur et à celles relatives aux limites séparatives fixées par l'article UD 4 du règlement du plan local d'urbanisme
Par un jugement n° 1901825 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille, constatant que Mme F... n'a pas justifié avoir obtenu un permis de construire régularisant le permis du 7 janvier 2019, a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 décembre 2022 et le 30 mars 2023, Mme D... F..., représentée par Me Boumaza, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 octobre 2022 ;
2°) de mettre à la charge de M. A... E... et de Mme C... B... épouse E... la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. E... et de Mme E... n'ont pas intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 7 janvier 2019 dès lors qu'ils ne démontrent pas que le projet objet de ce permis de construire modificatif est, compte tenu de sa nature et de son ampleur, de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien ;
- le projet tel que résultant du permis modificatif litigieux respecte l'article UD4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune et le tribunal n'a pas pris en compte la totalité des pièces du dossier de sa demande, en particulier celles déposées le 22 octobre 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, M. A... E... et Mme C... B... épouse E..., représentés par Me Kergueno, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D... F... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Garnerone, substituant Me Boumaza, représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 janvier 2019, le maire de Saint-Rémy-de-Provence a délivré à Mme F... un permis de construire modificatif en vue de la modification de l'implantation, des ouvertures, de la toiture et de la surface de plancher du projet de réaménagement d'un garage existant et de création d'un nouveau garage autorisé par un permis de construire délivré le 26 janvier 2018 sur la parcelle cadastrée section AP 220 sur le territoire de la commune supportant sa maison d'habitation, située au 29 avenue Pierre Barbier. Mme F... relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille, faute pour celle-ci d'avoir justifié de l'obtention d'un permis de construire permettant la régularisation du projet objet du permis litigieux au regard des dispositions de l'article UD 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune dans le délai de 4 mois fixé par son jugement avant-dire droit du 28 avril 2022, a annulé l'arrêté du 7 janvier 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... sont propriétaires de la parcelle cadastrée section AP 233, qui supporte leur maison d'habitation, qui est séparée de la parcelle cadastrée section AP 220 sur laquelle doit se réaliser le projet litigieux par la parcelle cadastrée section AP 235, constitutive d'une voie d'accès grevée d'une servitude de passage d'une largeur d'un peu plus de 4 mètres, dont ils sont également propriétaires. Les intimés, qui sont ainsi voisins immédiats, font valoir que le projet objet du permis modificatif litigieux, en particulier l'extension du nouveau garage autorisé par le permis de construire délivré le 26 janvier 2018 jusqu'à la limite est de la parcelle cadastrée section AP 220, en vis-à-vis de leur propriété, va, compte tenu de sa localisation et de sa hauteur, obérer leur vue sur la chaîne des Alpilles et occasionner une perte d'ensoleillement. Alors que Mme F... n'établit pas que la parcelle boisée au sud-est de sa parcelle masquerait déjà cette vue dont M. et Mme E... bénéficient depuis leur piscine et, par ailleurs, que l'objet du permis modificatif consiste à rehausser et à étendre l'emprise du nouveau garage jusqu'à la limite est de la parcelle de Mme F..., face à leurs parcelles, M. et Mme E... justifient donc d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire modificatif délivré par l'arrêté du 7 janvier 2019.
4. En second lieu, aux termes de l'article UD 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Rémy-de-Provence : " Volumétrie et implantation des constructions (...) Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. Les constructions doivent s'implanter en respectant une distance comptée horizontalement de tout point d'une construction au point le plus proche de la limite séparative au minimum égale à 3 mètres. Toutefois, les constructions peuvent s'implanter en limite séparative dans les cas suivants : / - si la hauteur de la construction est inférieure à 3,5 mètres ; / - si la construction s'adosse à une construction existante implantée en limite séparative et sans que la hauteur de la nouvelle construction puisse excéder celle de la construction existante. ".
5. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire modificatif déposé en mairie par Mme F... le 28 septembre 2018 que le nouveau garage objet du permis de construire modificatif litigieux aura une hauteur de 5,75 mètres, supérieure à la fois à celle de 5,07 mètres de la maison d'habitation à laquelle il doit être adossé, qui est en recul de la limite séparative nord de la parcelle de Mme F..., et à celle du garage autorisé par le permis de construire délivré le 26 janvier 2018, qui présentait une hauteur de 4,05 mètres. A cet égard, Mme F... n'établit pas que les plans complémentaires qu'elle a déposés en mairie le 22 octobre 2018 pour compléter son dossier de demande de permis modificatif corrigeraient cette hauteur pour la ramener à 5,07 mètres, dès lors qu'ils ne mentionnent pas qu'ils annulent et remplacent les plans déposés le 28 septembre, compte tenu également de la mention ambiguë " zone à modifier " dont ils sont revêtus, désignant la toiture de ce garage. En tout état de cause, l'implantation du nouveau garage en limite séparative est de la parcelle de Mme F... méconnaît la seconde exception à la règle de prospect fixée par l'article UD 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Rémy-de-Provence, dès lors que, ainsi que le relève le jugement du 28 avril 2022, aucune construction n'est implantée sur cette limite séparative.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté du 7 janvier 2019.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme F... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E... et non compris dans les dépens.
D É C I D E
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Mme F... versera à M. et Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et à M. A... E... et de Mme C... B... épouse E....
Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en
application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Angéniol, premier conseiller,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.
N° 22MA02992 2
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