Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300278 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête régularisée et un mémoire enregistrés les 9 mai 2023, 11 octobre 2023 et 14 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Dioum, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les observations de Me Dioum, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 17 février 1990, a fait l'objet d'un arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Celle-ci relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. La circonstance que la motivation du jugement attaqué serait erronée relève du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B... et prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles est fondée la décision en litige, en particulier les articles L. 611-1, L. 612-1, L 612-12 et L. 721-4, et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a mentionné les éléments l'ayant conduit à considérer que l'intéressée ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale, suite à sa demande présentée le 20 mai 2022. Il a notamment précisé que Mme B... avait déclaré être entrée en France le 12 août 2015 après être passée par l'Espagne et sous couvert d'un visa délivré par les autorités italiennes, que les pièces produites ne justifiaient pas la réalité et l'ancienneté de la vie communale alléguée avec un ressortissant de nationalité croate, qu'elle ne démontrait pas une insertion sociale ou professionnelle significative sur le territoire français et n'établissait pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 25 ans. Il ressort ainsi de la motivation de cet arrêté, qui n'est pas stéréotypée, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B.... Ainsi, et alors que le préfet n'avait pas à rappeler l'ensemble des éléments relatifs à la situation de l'intéressée, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision litigieuse et de l'insuffisance de l'examen particulier de la situation personnelle de la requérante en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, manquent en fait et doivent être écartés.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Si Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis 2015, celle-ci n'établit la continuité de son séjour sur le territoire français qu'à compter de l'année 2020. Les pièces éparses, constituées essentiellement de documents médicaux, et, pour l'année 2015, d'un seul récépissé de transfert d'argent, sont insuffisantes pour démontrer sa présence continue depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté. Si elle se prévaut de sa relation avec un ressortissant de nationalité croate vivant en France, cet évènement est, au vu des documents produits, récent à la date de l'arrêté attaqué, alors que le pacte civil de solidarité conclu entre eux n'a été enregistré que le 9 janvier 2023, soit postérieurement à celui-ci. Elle ne rapporte pas non plus de preuve de son insertion sociale et professionnelle en France, en produisant uniquement une promesse d'embauche du 17 janvier 2022, alors que la maîtrise en commerce internationale et la licence en littérature française dont elle soutient être titulaire ne donnent lieu à aucune justification. Enfin, elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
6. Aux termes de l'article L. 435-1 de ce code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. D'une part, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne l'admission au séjour d'une ressortissante marocaine en qualité de salariée, doit être écarté.
8. D'autre part, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'intéressée ne justifiait pas d'un motif exceptionnel ou d'une circonstance humanitaire justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de son pouvoir de régularisation.
9. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".
10. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme B... ne justifie pas satisfaire aux dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre de séjour sur ces fondements. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
11. A supposer que la requérante ait entendu se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.
12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 février 2024, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2024.
N° 23MA01132 2
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