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12/03/2024 | FRANCE | N°23MA02599

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 mars 2024, 23MA02599


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ledit territoire pendant une durée de deux ans, d'autre part, d'enj

oindre audit préfet de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait dans le délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ledit territoire pendant une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et sous une astreinte de 150 euros par jour de retard et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, qui s'engage alors à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2301669 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2023, M. B..., représenté par

Me Kuhn-Massot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mai 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 8 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, à délai de quinzaine de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, à la condition que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive versée par l'Etat, si le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui était accordé.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- il sollicite l'annulation de ce jugement du 17 mai 2023 et de cet arrêté du 8 décembre 2022 " au visa " de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 435-1 à L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du point 66 de l'annexe 10 de ce même code, des articles R. 5221-17 à R. 5221-22 du code du travail et de la circulaire du 28 novembre 2012 relative à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière :

. au jour de l'arrêté préfectoral contesté, il totalisait onze années révolues de présence en France : il a construit la totalité de sa vie d'adulte dans ce pays, en y travaillant et en y fondant une famille, même si ce dernier élément d'appréciation n'est pas l'essentiel de sa situation, le fondement de sa demande d'admission au séjour étant son insertion professionnelle qui est démontrée ;

. la décision portant interdiction de retour de deux ans est sévère et inadaptée.

En application des dispositions de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, le conseil de M. B... a été invité, par un courrier du 3 janvier 2024, à produire les bulletins scolaires de ses enfants.

Des pièces complémentaires ont été produites, pour M. B..., par Me Kuhn-Massot, le 8 janvier 2024.

En réponse à la mesure d'instruction susvisée, M. B..., représenté par

Me Kuhn-Massot, a produit, le 16 janvier 2024, des attestations de scolarité.

Par une ordonnance du 16 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2024, à 12 heures.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les observations tant de Me Kuhn-Massot, représentant M. B..., que de ce dernier.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., par Me Kuhn-Massot, a été enregistrée le 4 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Né le 3 mars 1993 et de nationalité turque, M. B... expose être entré sur le territoire français le 15 mai 2011. Le 25 mai 2022, il a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour, par le travail. Mais, par un arrêté du 8 décembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par le même acte, le représentant de l'Etat a également fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

3. La circonstance que M. B..., après avoir occupé des emplois à temps partiel, pour des revenus bien inférieurs au salaire minimal, exerce, depuis le mois de décembre 2019, un emploi de responsable de chantier dans une entreprise détenue par son frère, pour lequel, au demeurant, il ne justifie d'aucune qualification particulière, n'est pas de nature à faire regarder le préfet comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, d'une part, que celle-ci ne revêt pas un caractère réglementaire et, d'autre part, que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7,

L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

5. Au cas particulier, M. B... ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français. Après avoir vu sa demande d'asile rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 21 janvier 2011, puis par la Cour nationale du droit d'asile, par une décision n° 12000831 du 2 octobre 2012, il n'a pas déféré à l'arrêté du 18 octobre 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ni davantage à ceux en date des 14 novembre 2016 et 12 octobre 2020 par lesquels le représentant de l'Etat a rejeté ses précédentes demandes d'admission exceptionnelle au séjour par le travail et lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et ce alors même que la légalité du dernier de ces arrêtés a été confirmée par un jugement n° 2100646 du 17 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille, devenu définitif. A supposer même que l'appelant se soit ainsi maintenu continument sur le territoire français, en dépit de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, cette circonstance ne saurait, à elle seule, témoigner des liens qui l'attachent au territoire français. A cet égard, si l'appelant déclare vivre en concubinage avec une compatriote avec laquelle il a deux filles, nées en France, les 3 novembre 2014 et 15 avril 2017, il ne fait état d'aucun élément qui s'opposerait à ce qu'il puisse poursuivre avec sa compagne, dont il est constant qu'elle ne réside pas régulièrement sur le territoire français, et leurs deux enfants, leur vie familiale dans leur pays d'origine, ni à ce que leurs enfants y poursuivent une scolarité normale. Enfin, M. B... n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales en Turquie, pays dans lequel il a vécu, selon ses propres déclarations, jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Il s'ensuit que l'arrêté préfectoral contesté du 8 décembre 2022 ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés comme celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, à supposer même que, par le simple visa, à la dernière page de sa requête, des articles L. 435-2 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et du point 66 de son annexe 10, ainsi que des articles R. 5221-17 à R. 5221-22 du code du travail, M. B... ait entendu soulever des moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions, ceux-ci ne sont en tout état de cause pas assortis des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé, ni même la portée. Dans ces conditions, ils ne peuvent qu'être écartés.

7. En quatrième et dernier lieu, et s'agissant plus particulièrement de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre, M. B... se borne à reprendre son argumentation de première instance tenant à ce que cette décision serait " sévère " et " inadaptée ", sans invoquer d'éléments de fait et de droit nouveau, et sans critiquer les réponses apportées par le tribunal administratif de Marseille. Il y a dès lors lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui peut s'évincer d'une telle argumentation, en adoptant les motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 11 à 13 de leur jugement attaqué.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent donc également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application combinée des articles 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à A... B..., à Me Olivier Kuhn-Massot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

2

N° 23MA02599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02599
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : KUHN-MASSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;23ma02599 ?
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