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12/03/2024 | FRANCE | N°23MA00155

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 mars 2024, 23MA00155


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) ML Immo a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de

Grosseto-Prugna a refusé de lui délivrer un permis de construire dix-huit logements collectifs sur la parcelle cadastrée section A n° 3623, située au lieudit " Forcoli ", et d'enjoindre au maire de cette commune, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sou

s astreinte de cent euros par jour de retard, à titre principal de lui délivrer un permis de co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) ML Immo a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de

Grosseto-Prugna a refusé de lui délivrer un permis de construire dix-huit logements collectifs sur la parcelle cadastrée section A n° 3623, située au lieudit " Forcoli ", et d'enjoindre au maire de cette commune, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, à titre principal de lui délivrer un permis de construire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de permis.

Par un jugement n° 2100199 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2023, la SCI ML Immo, représentée par Me Sechi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 novembre 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 21 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Grosseto-Prugna de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard et, subsidiairement, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Grosseto-Prugna la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute de comporter les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet a commis, par son avis défavorable, une erreur de droit et une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, situé dans un espace fortement urbanisé, ne constitue pas une extension de l'urbanisation et que, subsidiairement, une telle extension présente un caractère limité ;

- par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour accueillera les autres moyens de première instance et annulera l'arrêté en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 décembre 2023, à 12 heures, puis reportée au 8 janvier 2024 à 12 heures, par une ordonnance du 18 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 septembre 2020, la SCI ML Immo a présenté une demande de permis de construire pour la réalisation de dix-huit logements d'une surface de plancher de 954 m2, lieu-dit Forcoli, sur la commune de Grosseto-Prugna. Par un arrêté du 21 décembre 2020, pris sur avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-Sud du 5 novembre 2020, le maire de la commune a rejeté cette demande. Par un jugement du 18 novembre 2022, dont la SCI ML Immo relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint à la commune, à titre principal, de lui délivrer un permis de construire et subsidiairement de réexaminer sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'arrêté de refus de permis de construire en litige est fondé sur l'avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-Sud, lequel s'appuie sur quatre motifs tirés du non-respect par le projet des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, de l'inclusion du terrain d'assiette dans un espace proche du rivage identifié par le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), de l'appartenance de ce terrain à un espace stratégique environnemental visé par ce plan et de son inclusion dans un réservoir de biodiversité identifié par ce même document.

4. Pour rejeter la demande de la SCI ML Immo tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Bastia, après avoir considéré comme illégaux trois de ces motifs, a non seulement jugé fondé le motif tiré de l'inclusion du terrain d'assiette dans un espace proche du rivage et donc de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme mais encore considéré que le préfet aurait rendu le même avis s'il avait retenu ce seul motif, et qu'en conséquence, le maire de la commune de Grosseto-Prugna était tenu de rejeter la demande de permis de la société.

S'agissant du cadre juridique applicable :

5. Aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer (...) ".

7. Le PADDUC, qui précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales et qui vaut schéma de mise en valeur de la mer en application du III de l'article L. 4424-10 du même code, prévoit que les espaces proches du rivage sont identifiés en mobilisant des critères liés à la distance par rapport au rivage de la mer, la configuration des lieux, en particulier la covisibilité avec la mer, la géomorphologie des lieux et les caractéristiques des espaces séparant les terrains considérés de la mer, ainsi qu'au lien paysager et environnemental entre ces terrains et l'écosystème littoral. En outre, le PADDUC précise que le caractère limité de l'extension doit être déterminé en mobilisant des critères liés à l'importance du projet par rapport à l'urbanisation environnante, à son implantation par rapport à cette urbanisation et au rivage, et aux caractéristiques et fonctions du bâti ainsi que son intégration dans les sites et paysages. Ces prescriptions du PADDUC apportent des précisions qui sont compatibles avec les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme citées au point 6.

S'agissant du bien-fondé du motif de refus :

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est compris dans un secteur de la commune de Grosseto-Prugna identifié par le PADDUC comme relevant d'un espace proche du rivage, compte tenu notamment de la distance par rapport au rivage de la mer, de la configuration et de la géomorphologie des lieux et des caractéristiques des espaces séparant ce secteur de la mer. La SCI ML Immo ne remet pas en cause cette qualification ainsi donnée par les auteurs du PADDUC à l'espace dont relève le terrain d'assiette de son projet.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles du dossier de la demande de permis ainsi que des clichés photographiques aériens produits par la requérante, que la parcelle d'assiette du projet d'une superficie de 3 647 m2, qui est à l'état naturel et se prolonge au sud par une longue bande naturelle, relève d'un secteur compris entre deux voies, l'une au nord, l'autre à l'est, qui se caractérise par un habitat pavillonnaire dispersé en raison des dimensions des parcelles et de la topographie des lieux, marquée par un paysage collinaire. Ce secteur se distingue, du fait de la distance et de la déclivité, non seulement du quartier périphérique de Porticcio, qui correspond aux lieux-dits " Porticcio ", " Scaglione " et

" Terrasses de Porticcio " et se caractérise par un nombre et une densité élevés de constructions, mais encore des structures hôtelières situées à quelque 250 mètres au sud-ouest. Par conséquent, faute d'être prévu dans une zone déjà urbanisée, le projet en litige constitue une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC. Tant par son importance, réalisation de trois bâtiments de 954 m2 de surface de plancher, et les caractéristiques des logements collectifs prévus, au nombre de

dix-huit, qui diffèrent de l'urbanisation environnante, que par son impact sur le caractère essentiellement naturel du site d'implantation, et malgré sa conception en deux niveaux au plus et la présence d'un complexe hôtelier à 250 mètres, ce projet ne peut être regardé comme caractérisant une extension limitée de l'urbanisation, au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, tel que précisé par ce plan.

10. C'est par conséquent sans commettre ni une erreur de droit ni une erreur d'appréciation que le préfet de la Corse-du-Sud a fondé son avis conforme défavorable sur le non-respect des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Cet avis n'étant pas illégal sans qu'y fassent obstacle ses autres motifs, le maire de la commune de Grosseto-Prugna était dès lors tenu de rejeter la demande de permis de construire de la SCI ML Immo, en application de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI ML Immo n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 21 décembre 2020 lui refusant un permis de construire et tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Grosseto-Prugna de lui délivrer ce permis ou de réexaminer sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI ML Immo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière ML Immo, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Grosseto-Prugna.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

N° 23MA001552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00155
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SECHI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;23ma00155 ?
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