Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées (SAS) Best Place a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, de condamner la société anonyme (SA) Erilia à lui verser une somme de 1 069 717 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité entachant la décision prise par le directeur général de cette société le 17 février 2016 et portant préemption d'une unité foncière d'une superficie de 5 437 m², comprenant les parcelles cadastrées section BV nos 123 et 892, situées avenue Pierre Puget, à Fréjus, dont elle s'était portée acquéreur, d'autre part, d'assortir le montant de cette indemnité des intérêts légaux à compter du 11 avril 2019 et, enfin, de mettre à la charge de la SA Erilia la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Par un jugement n° 1902467 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre 2022 et 25 juillet 2023, la SAS Best Place, représentée par Me Jorion, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 29 juillet 2022 ;
2°) d'annuler la décision du conseil de la SA Erilia du 4 juin 2019 portant rejet de sa réclamation indemnitaire préalable ;
3°) de condamner la SA Erilia à lui verser la somme à parfaire de 1 069 717 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 11 avril 2019, avec capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de la SA Erilia la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la faute :
- par un jugement définitif du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé, pour incompétence de son auteur, ce qui constitue un vice d'une particulière gravité, la décision du 17 février 2016 portant préemption des parcelles cadastrées section BV nos 123 et 892 ; une telle illégalité est suffisante pour engager la responsabilité de la SA Erilia ;
- cette décision du 17 février 2016 est entachée d'autres illégalités, tenant notamment à sa légalité interne, et qu'il lui est possible d'invoquer devant le juge du plein contentieux :
. le droit de préemption n'a pas été régulièrement institué à Fréjus par la délibération du 22 juin 1987 dès lors que les formalités de publicité prévues par les articles R. 211-2 et R. 211-3 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées : les preuves de la convocation régulière de tous les élus cinq jours avant la convocation du conseil municipal, de l'affichage pendant un mois en mairie et de la publication dans deux journaux diffusés dans le département ne sont pas rapportées ; une décision prise dans ses conditions manque de base légale ; si la SA Erilia s'est prévalue en première instance de la délibération du 7 mai 2007, il n'est pas justifié de sa mention dans deux journaux diffusés dans le département et l'éventuelle publication d'un extrait de cette délibération du 7 mai 2007, qui se contente de renouveler le droit de préemption urbain, et non de l'instituer, est inopérante ; il n'a pas été répondu à ce moyen dans le jugement attaqué et ce jugement entache de dénaturation les pièces du dossier ; en défense, la SA Erilia ne démontre pas que le droit de préemption urbain aurait été régulièrement institué sur le territoire de la commune de Fréjus ;
. en méconnaissance des dispositions des articles L. 213-2 et R. 213-7 du code de l'urbanisme et des règles prétoriennes qu'il convient de transposer, la décision de préemption du 17 février 2016 n'a pas été transmise au préfet ; la SA Erilia admet dans son mémoire en défense cette irrégularité ;
. à la date de cette décision du 17 février 2016, la SA Erilia ne disposait pas d'un projet suffisamment réel ;
Sur le lien de causalité :
- le lien de causalité entre ces illégalités entachant cette décision de préemption et son préjudice est établi ;
Sur le préjudice :
- son préjudice est direct et certain ;
- contrairement à ce que fait valoir la SA Erilia en défense, elle a produit toutes les pièces de nature à justifier et à établir la réalité de son préjudice ;
- l'obtention d'un permis d'aménager définitif, la signature d'un compromis de vente, la réalisation des études techniques, l'obtention d'un prêt, la commercialisation du projet et la réservation de la moitié des lots rendent la réalisation de son projet suffisamment certaine ;
- en sa qualité d'acquéreur évincé, elle est en droit d'obtenir la réparation de son préjudice à hauteur de 90 000 euros, au titre des dépenses qu'elle a inutilement engagées et de 979 717 euros, au titre du bénéfice manqué, soit une somme totale de 1 069 717 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2022 et 27 juillet 2023, la SA Erilia, représentée par Me Rosenfeld, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la SAS Best Place au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle n'a commis aucune faute susceptible d'ouvrir droit à indemnisation et alors que seul le vice d'incompétence entache d'illégalité la décision de son directeur général du 17 février 2016, le jugement du tribunal administratif de Toulon ne pourra qu'être confirmé ;
- à supposer même que la SAS Best Place puisse justifier d'une faute de nature à ouvrir droit à indemnisation et donc d'un lien de causalité entre cette faute et son préjudice, la réalité de ce préjudice n'est pas démontrée.
Par une ordonnance du 21 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2023, à 12 heures.
Un mémoire, présenté pour la SAS Best Place, par Me Jorion, a été enregistré le 6 février 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jorion, représentant la SAS Best Place, et de Me Plantin, substituant Me Rosenfeld, représentant la SA Erilia.
Une note en délibéré, présentée pour la SAS Best Place, par Me Jorion, a été enregistrée le 23 février 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 1600694 du 8 novembre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulon a, à la demande la SAS Best Place, annulé pour excès de pouvoir la décision du directeur général de la SA Erilia du 17 février 2016 portant préemption d'une unité foncière d'une superficie de 5 437 m², comprenant les parcelles cadastrées section BV nos 123 et 892, situées avenue Pierre Puget, sur le territoire de la commune de Fréjus. Après que, par une décision du 4 juin 2019, sa réclamation indemnitaire préalable a été rejetée, la SAS Best Place, acquéreur évincé, a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la SA Erilia à lui verser la somme totale de 1 069 717 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité entachant cette décision du 17 février 2016. Par un jugement du 29 juillet 2022, dont la SAS Best Place relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La SAS Best Place a soulevé en première instance les moyens tirés de ce que la délibération du conseil municipal de Fréjus du 22 juin 1987 ne serait pas devenue exécutoire, faute, pour l'autorité administrative, d'avoir satisfait aux obligations d'affichage et de publication par voie de presse prévues à l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme, ni aux formalités de la transmission d'une copie de cette délibération aux personnes mentionnées à l'article R. 211-3 du même code, et de ce qu'il n'était pas justifié que les conseillers municipaux auraient été dûment convoqués cinq jours avant la tenue de la séance au cours de laquelle cette délibération a été adoptée, pour en conclure que le droit de préemption n'avait pas été régulièrement institué sur le territoire communal. Les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écartés ces moyens comme inopérants, en jugeant, au point 6 de leur jugement attaqué, que cette délibération avait cessé de produire ses effets. Lesdits juges ont, ce faisant, suffisamment motivé ce jugement. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
3. La décision du 4 juin 2019 portant rejet de la réclamation indemnitaire préalable de la SAS Best Place a eu pour seul effet de lier le contentieux et a donné à l'ensemble de sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux, ce dont il résulte que la société appelante ne peut utilement demander l'annulation de cette décision et qu'il appartient à la Cour de statuer directement sur son droit à obtenir la réparation qu'elle réclame.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
S'agissant de la responsabilité de la SA Erilia du fait de l'illégalité fautive entachant la décision de préemption du 17 février 2016 :
Quant à l'illégalité fautive résultant du vice d'incompétence :
4. Par son jugement n° 1600694 du 8 novembre 2018, devenue définitif, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du directeur général de la SA Erilia du 17 février 2016, pour avoir été prise par un organe incompétent et sur la base d'une délégation dépourvue de caractère exécutoire, après avoir estimé que, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par la SAS Best Place n'était susceptible de fonder cette annulation. Cette illégalité fautive est de nature en engager la responsabilité de la SA Erilia.
Quant aux autres illégalités fautives alléguées par la SAS Best Place :
5. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Toulon dans son jugement attaqué du 29 juillet 2022, son jugement n° 1600694 du 8 novembre 2018 n'étant revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée que dans la mesure où il fonde l'annulation qu'il prononce sur le vice d'incompétence, seul motif constituant le soutien nécessaire de son dispositif,
la SAS Best Place est recevable à invoquer, à l'appui de ses prétentions indemnitaires, d'autres illégalités fautives entachant, selon elle, la décision du 17 février 2016.
6. En premier lieu, la SAS Best Place doit être regardée comme se prévalant du caractère non exécutoire du droit de préemption urbain sur le territoire de la commune de Fréjus, à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris, faute de justification d'une publicité suffisante des actes par lesquels la commune a institué un tel droit.
7. D'une part, par sa délibération n° 1173 du 22 juin 1987, le conseil municipal de Fréjus a décidé, sur le fondement des dispositions alors applicables du code de l'urbanisme d'instituer le droit de préemption urbain sur l'ensemble des zones urbaines et des zones à urbanisation futures du territoire communal et, par des délibérations des 26 juin 1992,
6 juin 1997, et 6 mai 2002, il a prorogé ce droit de préemption urbain pour des durées de
cinq années, avant que, par une délibération du 7 mai 2007, il ne décide de le " renouveler ", pour une durée illimitée. Par cette dernière délibération prise, notamment, au visa des articles
L. 211-1 et suivants, et R. 211-1 et suivants du code de l'urbanisme, le conseil municipal de Fréjus doit être regardé comme ayant abrogé la délibération du 22 juin 1987 afin de réinstituer le droit de préemption sur le territoire communal au vu, notamment, des nouvelles dispositions applicables du code de l'urbanisme et de son plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 19 janvier 2005. Par conséquent, la société requérante ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir du caractère non exécutoire de la délibération du 22 juin 1987, qui, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, avait cessé de produire ses effets, à la date de l'arrêté litigieux. Elle ne saurait davantage utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de son illégalité, en raison des conditions de son adoption.
8. D'autre part, s'agissant de la délibération adoptée par le conseil municipal de Fréjus le 7 mai 2007, il ressort de ses mentions, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'elle a été transmise au contrôle de légalité le 21 mai 2007, affichée du 21 mai au 21 juin 2007, et publiée le 21 mai 2007. A supposer même qu'il ne soit pas établi, par les pièces produites par la
SA Erilia, que cette délibération aurait alors fait l'objet d'une mention insérée dans
deux journaux diffusés dans le département, ainsi que l'exige l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme, cette diffusion était, en tout état de cause, sans influence sur son caractère exécutoire qui, en vertu de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, ne résultait que de sa publicité dans les conditions prévues par cet article et de sa transmission au représentant de l'Etat.
9. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen, soulevé par la SAS Best Place dans les mêmes termes devant la Cour qu'en première instance, tiré de l'absence de transmission de la décision du directeur général de la SA Erilia du 17 février 2016 au préfet, par adoption des motifs retenus à bon droit et avec suffisamment de précision, aux points 7 et 8 du jugement attaqué.
10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les droits de préemption (...) sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. "
11. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant (Conseil d'Etat, 30 juin 2023, n° 468543).
12. Par un arrêté du 24 juillet 2014, le préfet du Var a prononcé la carence de la commune de Fréjus en matière de production de logements locatifs sociaux, au titre de la période triennale 2011-2013, sur le fondement des dispositions combinées du I de l'article 26 de la loi susvisée du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, et de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, et a fixé le taux de majoration à 33,11 % appliqué sur le montant du prélèvement par logement manquant à compter du 1er janvier 2015 et pour une durée de trois années. Après que la déclaration d'intention d'aliéner les parcelles cadastrées section BV nos 123 et 892 a été reçue en mairie de Fréjus, le 21 décembre 2015, le préfet du Var, compétent en matière d'exercice du droit de préemption urbain sur le territoire fréjussien pendant la durée d'application de cet arrêté de carence, conformément aux dispositions de
l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, a, par un arrêté du 28 janvier 2016, décidé de déléguer l'exercice de ce droit à la SA Erilia, pour l'acquisition de ces parcelles. Pour exercer, par sa décision du 17 février 2016, ce droit de préemption urbain, le directeur général de la SA Erilia, qui a notamment visé l'arrêté préfectoral du 24 juillet 2014, s'est fondé sur la circonstance que l'acquisition de ces deux parcelles participerait à la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant d'atteindre les objectifs de production et d'acquisition de logements sociaux déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, et fixés dans le programme local de l'habitat (PLH) adopté par une délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération
Var-Esterel-Méditerranée du 1er juillet 2011. A cette délibération, était annexé un tableau indiquant les objectifs de construction, en particulier de logements sociaux, sur le territoire de la commune de Fréjus avec une réalisation envisagée totale de 779 logements et des précisions apportées quant au nombre de logements sociaux et de logements en accession sociale ou accession dite " encadrée ". Si la SAS Best Place observe que le quartier de Saint-Aygulf ne figure pas parmi les secteurs identifiés dans ce tableau extrait du PLH, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'existence de l'objectif de pallier la carence de la commune de Fréjus, sur l'ensemble de son territoire, et ce alors qu'en tout état de cause, le zonage de ce plan ne revêt pas de caractère règlementaire. Par suite, et eu égard, d'une part, à l'objet de la
SA Erilia qui est précisément une entreprise sociale de l'habitat dont les activités s'articulent autour de la construction, l'aménagement, l'attribution et la gestion de logements locatifs sociaux à destination des personnes de ressources modestes ou défavorisées et qui est régie par les dispositions des articles L. 422-2 et suivants du code de la construction et de l'habitation, et, d'autre part, à la localisation des deux parcelles en cause situées à l'extrémité Nord du quartier de Saint-Aygulf, au sein de la zone UCd du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Fréjus, il est suffisamment justifié de la réalité du projet porté par la SA Erilia, dont les caractéristiques précises n'avaient pas à être définies, à la date d'édiction de la décision de préemption prise par son directeur général et qui, ayant pour objet la mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat, répond à ce titre aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
13. Il suit de là que la décision de préemption du 17 février 2016 est illégale du seul fait de l'incompétence de son auteur.
En ce qui concerne le lien de causalité :
14. Si toute illégalité qui entache une décision de préemption constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de la personne au nom de laquelle cette décision a été prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le vendeur ou l'acquéreur évincé lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision de préemption, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée.
15. Pour annuler la décision de préemption du 17 février 2016 pour incompétence, par son jugement du 8 novembre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulon a jugé que le conseil d'administration de la SA Erilia ne pouvait déléguer, comme il l'avait fait par une délibération du 13 février 2015, ce pouvoir à son directeur général et qu'en tout état de cause, il n'était pas établi que cette délibération était opposable aux tiers. Toutefois, eu égard à ce qu'il vient d'être dit au point 13 ci-dessus du présent arrêt, et au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, il résulte de l'instruction que le conseil d'administration de la SA Erilia aurait pu compétemment prendre la même décision qui est légalement justifiée. Dans ces conditions, le préjudice allégué par la SAS Best Place ne peut pas être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision illégale du 17 février 1986.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Best Place n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
18. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SA Erilia, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par la SAS Best Place et non compris dans les dépens.
19. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par la SA Erilia.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Best Place est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SA Erilia tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Best Place et à la société anonyme (SA) Erilia.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
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No 22MA02533