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08/03/2024 | FRANCE | N°23MA02114

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 08 mars 2024, 23MA02114


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 juin 2023 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.





Par un jugement n° 2305928 du 1er août 2023, la magistra

te désignée près le tribunal administratif de Marseille a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 juin 2023 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2305928 du 1er août 2023, la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du 7 juin 2023, enjoint au préfet des Alpes de Haute-Provence de réexaminer la situation de l'intéressée et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2023, le préfet des Alpes de Haute-Provence demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er août 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- il n'était pas compétent pour notifier les décisions de la Cour nationale du droit d'asile ou vérifier la régularité de la notification effectuée ; les mentions portées sur telemofpra font foi ;

- il établit que la décision a en l'espèce été régulièrement notifiée le 23 mai 2023 ;

- en application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A... n'avait en tout état de cause plus droit de se maintenir sur le territoire dès la lecture de la décision de la Cour en audience publique ;

- il est, dans ces circonstances, impossible de délivrer à l'intéressée une attestation de demande d'asile ainsi que le tribunal l'a enjoint ;

- aucun des moyens de la demande de première instance n'est fondé.

La procédure a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 1er août 2023 dont le préfet des Alpes de Haute-Provence relève appel, la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté préfectoral du 7 juin 2023 obligeant Mme A..., ressortissante rwandaise née en 1984, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an.

2. Aux termes du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français peut être prononcée lorsque " la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, (...) ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 542-1 du même code, dans sa version alors applicable : " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ".

3. La décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant le recours présenté par Mme A..., en son nom et celui de ses enfants mineurs, contre la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 janvier 2023 refusant de faire droit à leur demande de protection, a été lue en audience publique le 16 mai 2023, ainsi que le préfet en justifie à la présente instance. Dès lors, et en application des dispositions citées ci-dessus, le droit de Mme A... de se maintenir sur le territoire a, quelles que soient les conditions de notification de cette décision, pris fin le 16 mai 2023 et le préfet pouvait légalement prendre, le 7 juin suivant, un arrêté portant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la magistrate désignée près le tribunal administratif s'est fondée sur l'absence de preuve de la notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile pour annuler l'arrêté litigieux.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille.

6. L'arrêté contesté a été signé par M. Paul-François Schira, secrétaire général de la préfecture des Alpes de Haute-Provence, à qui le préfet avait, par arrêté du 24 mai 2023 dûment publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, donné délégation à l'effet de signer notamment les décisions telles celles de l'espèce. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

7. L'arrêté du 7 juin 2023 vise les textes et énonce les considérations de fait qui le fondent. Dès lors, il est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il révèle, par ailleurs, eu égard aux mentions portées sur la vie privée et familiale de Mme A..., que, contrairement à ce qu'elle soutient, il a été procédé à l'examen particulier de la situation de l'intéressée.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ".

9. Si Mme A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de ces stipulations, elle n'est entrée en France qu'à la fin du mois de septembre 2022 et n'y dispose d'aucune attache particulière. Elle ne fait d'ailleurs valoir aucune circonstance dont il résulterait que son éloignement serait susceptible de nuire à sa vie privée et familiale ou à l'intérêt supérieur de ses enfants, qui ont vocation à la suivre. Dès lors, ces moyens, tout comme celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée ladite décision quant à ses conséquences sur sa situation, doivent être écartés.

10. Aucun des moyens présentés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant fondé, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, présenté par voie d'exception à l'encontre de celle fixant le pays de destination, doit être écarté.

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Si Mme A... soutient enfin que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne fait valoir aucune circonstance en ce sens, alors, qu'ainsi qu'il a été dit, sa demande de protection a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes de Haute-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a annulé son arrêté du 7 juin 2023, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... et a mis des frais à la charge de l'Etat sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2 à 5 du jugement de la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille du 1er août 2023 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme B... A... et à Me Claire Bruggiamosca.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes de Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2024.

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N° 23MA02114

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02114
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BRUGGIAMOSCA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-08;23ma02114 ?
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