Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Génération Led a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté en date du 15 octobre 2019 par lequel le maire de la commune de Roquefort-les-Pins l'a mise en demeure de retirer le dispositif de publicité lumineuse implanté sur le territoire communal (3107 RD 2085), dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêté, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 20 janvier 2020 et de mettre à la charge de la commune de Roquefort-les-Pins le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000968 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté précité du 15 octobre 2019 ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé par la société Génération Led et mis à la charge de la commune de Roquefort-Les-Pins la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 avril 2023, la commune de Roquefort-les-Pins, représentée par Me Suares, demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice.
Elle doit être regardée comme soutenant que :
- l'exception d'illégalité soulevée par la société Génération Led était irrecevable et infondée ;
- l'arrêté du 15 octobre 2019 n'était pas entaché d'incompétence ;
- elle entend solliciter une substitution de base légale fondée sur l'article L. 2212-2 du code général des collectivité territoriales.
La procédure a été communiquée à la SAS Génération Led qui n'a pas produit d'observations.
Un mémoire présenté pour la commune de Roquefort-les-Pins, par Me Suares, a été enregistré le 20 février 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 19 janvier 2024, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Suares pour la commune de Roquefort-les-Pins.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Génération Led a déposé une demande d'autorisation d'installation d'un dispositif de publicité lumineuse sur le territoire de la commune de Roquefort-les-Pins, qui a été reçue par les services de la préfecture des Alpes-Maritimes le 11 janvier 2019. En l'absence de décision expresse de la part du préfet, une autorisation d'installation implicite est née le 11 mars 2019. Par un arrêté du 6 septembre 2019, le préfet a procédé à l'abrogation de cette décision et, par un arrêté du 15 octobre 2019, le maire de la commune de Roquefort-les-Pins a mis en demeure la société de procéder au retrait de cette installation dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Après avoir formé un recours gracieux qui a été implicitement rejeté par le maire de la commune, la société Génération Led a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler ces deux dernières décisions. Par un jugement n° 2000968 du 8 mars 2023 dont la commune de Roquefort-les-Pins interjette appel, le tribunal a annulé lesdites décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal :
S'agissant de la recevabilité de l'exception d'illégalité de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 septembre 2019 :
2. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a pour base légale le premier acte ou été prise pour son application. En outre, s'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où, l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.
3. La mise en demeure du 15 octobre 2019 a pour base légale l'arrêté du 6 septembre 2019, acte non réglementaire par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a abrogé la décision implicite d'autorisation d'implantation d'un dispositif de publicité lumineuse demandée par la société Génération Led et refusé à cette dernière ladite autorisation. Par ailleurs, il est constant que l'arrêté du 6 septembre 2019 n'était, à la date à laquelle cette exception a été soulevée, pas devenu définitif dès lors que l'annulation en avait été demandée, dans le délai de recours contentieux, par la société Génération Led devant le tribunal administratif de Nice. Par suite, l'exception d'illégalité soulevée par la SAS Génération Led était recevable, l'argumentation de la commune de Roquefort-les-Pins consistant à faire état des actes particulièrement dommageables étant inopérante.
S'agissant du bien-fondé de l'exception d'illégalité de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 septembre 2019 :
4. D'une part, aux termes de L. 581-21 du code de l'environnement : " Les autorisations prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre sont délivrées au nom de l'autorité compétente en matière de police. Le refus de ces autorisations doit être motivé. / Un décret en Conseil d'Etat fixe le délai à l'expiration duquel le défaut de notification de la décision de l'autorité compétente équivaut à l'octroi de l'autorisation. Ce délai ne pourra excéder deux mois à compter de la réception de la demande (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 581-13 du même code : " La décision est notifiée au demandeur par envoi recommandé avec demande d'avis de réception postale au plus tard deux mois après la réception d'une demande complète, ou des informations, pièces et documents qui complètent le dossier, par l'autorité compétente pour instruire l'autorisation. / A défaut de notification dans ce délai, l'autorisation est réputée accordée dans les termes où elle a été demandée ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. "
6. La société Génération Led a adressé une demande d'autorisation d'implantation d'un dispositif de publicité lumineuse aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes le 8 janvier 2019, dont il a été accusé réception le 11 janvier suivant. En application des dispositions précitées des articles L. 581-21 et R. 581-13 du code de l'environnement, elle était donc bénéficiaire d'une autorisation tacite le 11 mars 2019 créatrice de droits. En procédant au retrait de cette autorisation le 6 septembre 2019, soit au-delà du délai de quatre mois fixé par les dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, le préfet des Alpes-Maritimes a entaché son arrêté d'une illégalité.
En ce qui concerne la demande de substitution de base légale :
7. La commune de Roquefort-les-Pins doit être regardée comme soutenant que le maire aurait pu prendre la même décision en se fondant, non pas sur l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 septembre 2019 portant abrogation de la décision implicite d'autorisation accordée à la société Génération Led et refus d'autorisation, mais sur le pouvoir de police générale dont il bénéficie en application des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.
8. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code précité : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; 4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente ; 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; 6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ; 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ".
9. Cependant, aux termes de l'article L. 581-14-2 du code de l'environnement : " Les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet. Toutefois, s'il existe un règlement local de publicité, ces compétences sont exercées par le maire au nom de la commune. Dans ce dernier cas, à défaut pour le maire de prendre les mesures prévues aux articles L. 581-27, L. 581-28 et L. 581-31 dans le délai d'un mois suivant la demande qui lui est adressée par le représentant de l'Etat dans le département, ce dernier y pourvoit en lieu et place du maire ". Il est constant qu'à la date de l'arrêté de mise en demeure du 15 octobre 2019, la commune de Roquefort-les-Pins n'était pas dotée d'un règlement local de publicité, lequel n'a été adopté que postérieurement par une délibération en date du 20 septembre 2022. Dès lors, le pouvoir de police de la publicité relevait de la compétence exclusive du préfet. Par suite, la substitution de base légale sollicitée ne peut être accueillie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Roquefort-les-Pins n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 15 octobre 2019, ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé par la société Génération Led le 18 novembre 2019.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Roquefort-les-Pins est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roquefort-les-Pins et à la SAS Génération Led.
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2024.
N° 23MA01034 2
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