La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2024 | FRANCE | N°23MA00878

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 08 mars 2024, 23MA00878


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 21 septembre 2020 par laquelle le général, commandant de la zone Terre sud, a procédé à la résiliation de son contrat d'engagement, ainsi que la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le chef d'état-major de l'armée de Terre a rejeté son recours hiérarchique et d'enjoindre au ministre des armées de le réintégrer dans ses fonctions, de procéder à la reconstitution de ses droits so

ciaux pendant la durée de son éviction du service et de lui verser rétroactivement sa solde ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 21 septembre 2020 par laquelle le général, commandant de la zone Terre sud, a procédé à la résiliation de son contrat d'engagement, ainsi que la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le chef d'état-major de l'armée de Terre a rejeté son recours hiérarchique et d'enjoindre au ministre des armées de le réintégrer dans ses fonctions, de procéder à la reconstitution de ses droits sociaux pendant la durée de son éviction du service et de lui verser rétroactivement sa solde à compter du 7 octobre 2020, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 2100357 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, sous le n° 23MA00878, M. B..., représenté par Me Citeau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 février 2023 ;

2°) d'annuler les décisions des 21 septembre et 16 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de le réintégrer dans ses fonctions, de procéder à la reconstitution de ses droits sociaux pendant la durée de son éviction du service et de lui verser rétroactivement sa solde assortie des intérêts légaux à compter du 7 octobre 2020 et de la capitalisation des intérêts, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été privé des garanties prévues par l'article L. 4137-1 du code de la défense ;

- il ne ressort pas du dossier que la médecine militaire l'ait déclaré apte à reprendre ses fonctions, en violation de l'article L. 713-12 du code de la sécurité sociale ;

- l'exécution de la décision disciplinaire était conditionnée à l'expiration de son congé maladie ;

- la sanction est disproportionnée ;

- le juge judiciaire l'a relaxé des faits de désertion ;

- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article R. 4138-3 du code de la défense.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice militaire ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux ;

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ;

- et les observations de Me Citeau, représentant M. B....

Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 23 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., sergent-chef a été recruté sous contrat d'engagement d'une durée de 5 ans à compter du 6 juin 2006. Il a été affecté à partir du 1er août 2018 au commandement interarmées de la zone de défense Sud (CIZD) de Marseille. Le requérant a été placé en congé de maladie à partir du 20 avril 2020. Il a été déclaré déserteur le 8 août 2020. Par courrier du 12 août 2020, le chef d'état-major de la zone de défense sud a adressé à M. B... une mise en demeure lui ordonnant de se présenter à sa formation de rattachement avant le 28 août 2020 et l'informant des conséquences disciplinaires liées à l'état de déserteur. Par une décision du 21 septembre 2020, son contrat d'engagement a été résilié. Le 8 octobre 2020, le requérant a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision qui a été rejeté par une décision du 16 novembre 2020. M. B... relève appel du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 21 septembre et 16 novembre 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 321-2 du code de justice militaire : " Est déclaré déserteur à l'intérieur, en temps de paix, tout militaire dont la formation de rattachement est située sur le territoire de la République et qui : / 1° S'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ; ( ...) / Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de six jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. (...) ". L'article L. 4137-1 du code de la défense dispose que : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; (...) Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense. (...) ". L'article L. 4137-2 du code précité prévoit que : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : (...) / 3° Les sanctions du troisième groupe sont : (...) / b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. (...) ". Selon l'article R. 4137-92 du même code : " (...) En cas d'absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l'avis d'un conseil d'enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l'envoi à la dernière adresse connue du militaire d'une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 713-12 du code de la sécurité sociale : " Lorsqu'une décision entrainant des conséquences statutaires ou disciplinaires pour un militaire doit être prise après avis d'un médecin, cet avis ne peut être émis que par un médecin des armées relevant des dispositions de l'article L. 4138-2 ou de l'article L. 4211-1 du code de la défense. / Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables aux décisions d'admission à un état militaire ou à servir en vertu d'un contrat ".

4. Il appartient à un militaire en situation d'absence de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail. Pour éviter d'être en situation de désertion le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l'administration lui a adressée et à la condition qu'il n'ait pas été déclaré apte par la médecine militaire, seule compétente pour toutes les décisions aux conséquences statutaires ou disciplinaires, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 713-12 du code de la sécurité sociale.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été affecté à partir du 1er août 2018 au commandement interarmées de la zone de défense Sud (CIZD) de Marseille. Son dernier arrêt pour maladie transmis à l'administration était valide jusqu'au 31 juillet 2020. Par un courrier du 12 août 2020 adressé en lettre recommandée avec avis de réception dont le pli de notification est revenu comme étant " avisé et non réclamé ", le chef d'état-major de l'état-major de la zone de défense de Marseille a informé M. B... qu'il était en situation de désertion depuis le 8 août 2020 et l'a mis en demeure de se présenter à l'état-major avant le vendredi 28 août 2020. Il lui également précisé que sa non présentation était susceptible d'entraîner des conséquences statutaires, en particulier, la résiliation de son contrat d'engagement par mesure disciplinaire pour désertion, sans pouvoir bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire en application des dispositions de l'article R. 4137-92 du code de la défense. M. B... soutient qu'il a adressé à son administration les certificats médicaux de prolongation de son arrêt de travail, ainsi qu'il ressort d'un courrier de la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) du 16 septembre 2020 et qu'informé de cette erreur d'adressage, l'autorité administrative a été rendue destinataire des certificats médicaux le 5 octobre 2020. Toutefois, il n'établit pas avoir communiqué ces documents avant la date limite du 28 août 2020 fixée par la mise en demeure précitée de reprendre son service. Au surplus, ladite Caisse lui a répondu, dans ce courrier du 16 septembre 2020 qu'il devait adresser les volets 1 et 2 de son arrêt de travail au médecin chef de la formation administrative à laquelle il a été affecté et le volet n° 3 au commandant de cette même formation. Par ailleurs, par un courriel du 6 octobre 2020, le chancelier du GSBdD de Marseille l'a informé de ce que s'il avait réceptionné l'arrêt d'octobre/novembre, il lui manquait l'arrêt d'août et septembre. Ainsi en s'abstenant de rejoindre son poste le 28 août 2020, M. B... s'est placé par son fait en dehors du champ d'application des lois et règlements édictés en vue de garantir l'exercice des droits statutaires. Dès lors, le ministre des armées n'était pas tenu de le mettre en mesure de demander la communication de son dossier et de lui laisser un temps suffisant pour préparer sa défense.

6. Le ministre des armées produit deux courriers des 17 et 30 juillet 2020 convoquant M. B... à une visite médicale les 27 juillet et 6 août 2020 afin de déterminer son aptitude, à l'antenne médicale des armées à Marseille auquel il ne s'est pas présenté, ces deux courriers étant revenus avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne ressort pas du dossier que la médecine militaire l'ait déclaré apte à reprendre ses fonctions en vertu des dispositions de l'article L. 713-12 du code de la sécurité sociale.

7. Si M. B... soutient que la résiliation de son contrat d'engagement est intervenue alors qu'il bénéficiait d'un arrêt maladie jusqu'au 30 novembre 2020 et que l'exécution de la décision disciplinaire est, quant à elle, conditionnée à l'expiration dudit congé maladie dont l'agent bénéficie, la circonstance qu'un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à la notification ou à l'entrée en vigueur d'une sanction pendant cette période. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.

8. Si M. B... soutient que la sanction disciplinaire en litige est disproportionnée, le ministre des armées s'est borné à tirer les conséquences de son abandon de poste en application des dispositions de l'article L. 321-2 du code de justice militaire et R. 4137-92 du code de la défense. En tout état de cause, M. B... n'établit pas que ses troubles anxiodépressifs auraient pu altérer son discernement durant sa désertion en se bornant à verser au dossier un certificat de son médecin traitant établi le 8 octobre 2020, postérieurement à la décision de résiliation de son contrat du 21 septembre 2020, lequel ne donne aucune précision sur son état antérieur, en particulier durant la période au cours de laquelle lui a été adressée la mise en demeure du 12 août 2020. En outre, il ressort des pièces du dossier que sa manière de servir s'est dégradée à compter du mois de juin 2019 et qu'il a produit un faux certificat d'hospitalisation pour la période du 20 juillet au 10 août 2020. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait disproportionnée.

9. L'autorité de la chose jugée ne s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal que lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale. Si, en application des articles L. 321-2 du code de justice militaire et 57 du décret du 15 juillet 2005, le fait de s'absenter sans autorisation de son corps ou détachement, de sa base ou formation, au terme des six jours après celui de l'absence constatée, est constitutif à la fois d'une faute disciplinaire passible de sanction disciplinaire et d'une infraction passible d'une sanction pénale, la légalité de la sanction disciplinaire n'est pas subordonnée à la condition que les faits sur lesquels elle est fondée correspondent à l'ensemble des éléments constitutifs d'une telle infraction. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir du jugement de relaxe du tribunal judiciaire de Marseille en date du 20 février 2023.

10. Aux termes de l'article R. 4138-3 du code de la défense : " (...) Lorsque la durée des congés de maladie est, pendant une période de douze mois consécutifs, supérieure à six mois, le militaire qui ne peut pas reprendre ses fonctions est placé, selon l'affection présentée, en congé de longue durée pour maladie ou en congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles R. 4138-47 à R. 4138-58 ". Aux termes de cet article R. 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes :/ 1° Affections cancéreuses ;/ 2° Déficit immunitaire grave et acquis ;/ 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ainsi que le traitement sont incompatibles avec le service ". Et, en vertu des articles R. 4138-48 et R. 4138-58 du même code, l'autorité compétente se prononce au vu d'un certificat médical établi par un médecin ou un chirurgien des hôpitaux des armées.

11. Comme l'a estimé à juste titre le tribunal, s'il ressort de la décision du 16 novembre 2020 rejetant le recours hiérarchique de M. B... que ce dernier a comptabilisé plus de 90 jours d'arrêt maladie sur une année glissante, il n'établit, ni même n'allègue, que la durée de ses congés maladie aurait été, pendant une période de douze mois consécutifs, supérieure à six mois. Par ailleurs, il ne se prévaut d'aucun certificat médical établi par un médecin ou chirurgien militaire exigé par les dispositions de l'article R. 4138-48 du code de la défense. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R. 4138-3 du code de la défense ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 21 septembre et 16 novembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. B....

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2024.

2

N° 23MA00878

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00878
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-07 Armées et défense. - Personnels militaires et civils de la défense. - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. - Cessation des fonctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CITEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-08;23ma00878 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award