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07/03/2024 | FRANCE | N°22MA02142

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 mars 2024, 22MA02142


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 10 janvier 2019 par laquelle le conseil municipal de Chateauroux-les-Alpes a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et la décision de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 1906308 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête

, enregistrée le 29 juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 25 janvier 2023, M. E... D..., M. A... D..., Mme F... D....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 10 janvier 2019 par laquelle le conseil municipal de Chateauroux-les-Alpes a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1906308 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 25 janvier 2023, M. E... D..., M. A... D..., Mme F... D... et Mme C... D..., représentés par Me Lasalarie, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 mai 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 10 janvier 2019 du conseil municipal de Chateauroux-les-Alpes en litige ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chateauroux-les-Alpes la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du défaut de consultation, durant l'élaboration du plan local d'urbanisme en cause, de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) Pays Serre-Ponçon Ubaye Durance en charge de la gestion du schéma de cohérence territorial dont relève le territoire de la commune de Chateauroux-les-Alpes ;

- cet établissement public, les communes voisines de Champcella et de Réotier, la communauté de communes Ubaye Serre-Ponçon et l'organisme gestionnaire des logements sociaux sur le territoire de la commune intimée n'ont pas été consultés dans le cadre de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme objet de la délibération litigieuse ;

- l'évaluation environnementale jointe au dossier soumis à enquête publique était insuffisante ;

- l'avis du commissaire-enquêteur est insuffisamment motivé ;

- le classement en zone agricole de la parcelle cadastrée section AC 0003 méconnaît le principe de continuité de l'urbanisation en zone de montagne fixé par l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en étant notamment incohérent avec les objectifs fixés par le plan d'aménagement et de développement durables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, la commune de Chateauroux-les-Alpes, représentée par Me Rota, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Ganz, représentant les appelants.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 10 janvier 2019, le conseil municipal de la commune de Chateauroux-les-Alpes a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Les consorts D..., ayants droits de M. B... D..., décédé au cours de la première instance, relèvent appel du jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal administratif de Marseille a répondu au moyen tiré de l'absence de consultation de l'établissement public en charge de la gestion du schéma de cohérence territoriale (SCOT) Pays Serre-Ponçon Ubaye Durance dans le point 8 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme : " Le président du conseil régional, le président du conseil départemental, et, le cas échéant, le président de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, le président de l'autorité compétente en matière d'organisation des transports urbains, le président de la communauté ou du syndicat d'agglomération nouvelle ainsi que ceux des organismes mentionnés à l'article L. 121-4 ou leurs représentants sont consultés à leur demande au cours de l'élaboration du projet de plan local d'urbanisme. / Il en est de même des présidents des établissements publics de coopération intercommunale voisins compétents, des maires des communes voisines, ainsi que du président de l'établissement public chargé, en application de l'article L. 122-4, d'un schéma de cohérence territoriale dont la commune, lorsqu'elle n'est pas couverte par un tel schéma, est limitrophe, ou de leurs représentants. "

4. Il ressort des points 3 et 11 de la délibération du 11 décembre 2015 qui a prescrit la révision du plan local d'urbanisme litigieux que le conseil municipal a décidé de consulter les personnes publiques autres que l'Etat mentionnées à l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme et que cette délibération leur a été communiquée, afin de les mettre en mesure, comme le prévoient ces dispositions, de demander à être associées à cette révision. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est au demeurant pas même allégué, que le président de l'EPCI en charge de la gestion du schéma de cohérence territoriale qui couvre le territoire de la commune de Chateauroux-les-Alpes, désigné par l'article L. 122-4 du code alors applicable, les communes voisines de Champcella et de Réotier, le président de la communauté de communes voisine Ubaye Serre-Ponçon ou l'organisme gestionnaire des logements sociaux sur le territoire de ladite commune n'auraient pas été destinataires de cette délibération ou auraient demandé à être associés à cette révision. Les appelants ne peuvent donc utilement soutenir que ces personnes publiques n'ont pas été associées à cette révision et que la délibération litigieuse serait entachée d'un vice de procédure sur ce point.

5. En deuxième lieu, les consorts D... reprennent en appel le moyen tiré de ce que l'évaluation environnementale jointe au dossier de l'enquête publique qui a précédé l'adoption de la délibération litigieuse aurait été insuffisante. En l'absence d'arguments nouveaux, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille aux points 9 et 10 de son jugement, d'écarter ce moyen.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire ". Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les conclusions émises par le commissaire-enquêteur à l'issue de l'enquête publique doivent être motivées. Elles imposent au commissaire enquêteur d'indiquer au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis, mais ne l'obligent pas à répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête et ses réponses peuvent revêtir une forme synthétique.

7. Au terme de son rapport, le commissaire-enquêteur, après avoir relevé que le projet de plan local d'urbanisme répond aux orientations générales d'aménagement fixées par le projet d'aménagement et de développement durable et que la commune a tenu compte des observations émises lors de l'enquête publique, notamment de la part des personnes publiques associés, en s'engageant à procéder aux corrections, modifications et compléments mentionnés dans ses réponses à ses observations, a émis un avis favorable sans réserve au projet de plan local d'urbanisme, en estimant que ce projet répond aux objectifs fixés, ainsi qu'aux exigences législatives en matière de densification et de protection des terrains agricoles, en déclassant 20 hectares de terrains constructibles, tout en donnant les moyens d'accompagner le développement démographique de la commune. Ce faisant, le commissaire-enquêteur a satisfait aux exigences résultant des dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement. A cet égard, les consorts D... ne peuvent utilement soutenir, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que le commissaire-enquêteur n'a pas répondu aux observations de M. B... D.... En tout état de cause, il ressort du rapport du commissaire enquêteur que ce dernier a analysé les observations de ce dernier et y a apporté une réponse.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. " Par ces dispositions, qui prescrivent que l'urbanisation en zone de montagne doit en principe être réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, le législateur a entendu interdire, dans ces zones, toute construction isolée, sous réserve des dérogations qu'il a limitativement énumérées. Le législateur ne peut toutefois être regardé comme ayant entendu imposer aux autorités administratives locales l'urbanisation des parcelles situées à proximité immédiate de parcelles déjà construites. Les consorts D... ne peuvent donc utilement soutenir que le classement, par le plan local d'urbanisme approuvé par la délibération litigieuse, de la parcelle cadastrée section AC 0003 méconnaît les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme au motif qu'elle est située en continuité d'une zone urbanisée.

9. D'autre part, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme alors applicable, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

11. Il ressort des pièces du dossier que si la parcelle cadastrée section AC 0003 est bordée de parcelles classées en zones urbanisées Ua ou Ub, au Nord-Est, par le hameau des Taxils, et à l'Ouest, par le lotissement dénommé " Le Real ", dont certaines supportent des habitations, elle s'ouvre au Sud sur une vaste zone non-bâtie classée en zone agricole. Cette parcelle ne supporte aucune construction et, d'une surface de 7 180 m², n'est pas dépourvue de potentiel agricole. La seule circonstance que cette parcelle soit en voisinage immédiat avec des terrains construits ne saurait, eu égard à la faible densité de constructions et à l'état naturel de l'environnement avoisinant, caractériser l'existence d'une dent creuse. Par ailleurs, le PADD du plan local d'urbanisme litigieux fixe deux axes, l'un, relatif au capital commun, au paysage et aux ressources naturelles, tendant à maintenir et développer le capital paysager de la commune par la mise en valeur des espaces naturels et agricoles et à gérer et valoriser les ressources naturelles, et l'autre, au titre d'une synergie durable et des fonctions urbaines, visant à requalifier et développer les quartiers d'habitation en gérant l'espace de façon économe, à présenter des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le classement de leur parcelle en zone agricole est en cohérence avec ces orientations générales. A cet égard, est sans influence sur le classement en litige la circonstance que la parcelle en cause supporte un emplacement réservé de type " Voirie et réseau divers " rendu nécessaire par l'urbanisation à venir des parcelles comprises dans l'opération d'aménagement programmée (OAP) " Taxils Haut " au sein de laquelle le plan local d'urbanisme contesté a pu, comme le relève le jugement attaqué, ne pas intégrer ladite parcelle compte tenu de l'importance de sa surface. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut dès lors qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 janvier 2019 par laquelle le conseil municipal de Chateauroux-les-Alpes a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Sur les frais liés au litige :

13. La commune de Chateauroux-les-Alpes n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les consorts D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à leur charge la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Chateauroux-les-Alpes sur ce même fondement.

D É C I D E

Article 1er : La requête des consorts D... est rejetée.

Article 2 : les consorts D... verseront ensemble à la commune de Chateauroux-les-Alpes la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et à la commune de Chateauroux-les-Alpes.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. G..., vice-président,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2024.

N° 22MA02142 2


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