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07/03/2024 | FRANCE | N°22MA01949

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 mars 2024, 22MA01949


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 13 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de Nans-les-Pins a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et, à titre subsidiaire, en tant qu'elle classe sa parcelle cadastrée section B n° 1249 en zone N grevée d'un espace boisé classé.



Par un jugement n° 2003568 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.


> Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2022, et un mémoire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 13 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de Nans-les-Pins a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et, à titre subsidiaire, en tant qu'elle classe sa parcelle cadastrée section B n° 1249 en zone N grevée d'un espace boisé classé.

Par un jugement n° 2003568 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 10 mars 2023, Mme A... B..., représentée par Me Pandelon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 mai 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges ont commis des erreurs d'appréciation quant aux illégalités externes qui entachent la délibération attaquée ;

- les avis de personnes publiques associées n'étaient pas joints au dossier de l'enquête publique qui a précédé l'adoption du plan local d'urbanisme litigieux en méconnaissance de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme, de sorte que l'information du public a été insuffisante ;

- les modifications apportées, à l'issue de l'enquête publique, au plan local d'urbanisme initialement soumis à cette enquête remettent en cause son économie générale et nécessitaient de procéder à une enquête publique complémentaire avant son approbation ;

- le classement en zone naturelle de la parcelle cadastrée B n° 1249 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et constitue une rupture d'égalité avec d'autres administrés dont les terrains ont été classés en zone constructible ;

- ce classement est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 janvier 2023 et le 28 mars 2023, la commune de Nans-les-Pins, représentée par Me Nouis, conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 30 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à laquelle une ordonnance de clôture à effet immédiat était susceptible d'intervenir.

Une ordonnance du 3 mai 2023 a prononcé la clôture de l'instruction avec effet immédiat.

Un mémoire a été enregistré le 8 février 2024, présenté pour la requérante, parvenu à la Cour après la clôture de l'instruction, et non communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Dioum, représentant la commune de Nans-les-Pins.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 13 octobre 2020, le conseil municipal de la commune de Nans-les-Pins a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Mme B... relève appel du jugement du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs d'appréciation que les premiers juges auraient commises pour soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et en demander l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : / 1° Aux personnes publiques associées à son élaboration mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 (...). " L'article L. 153-19 du même code dispose : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. " Selon l'article L. 153-21 : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par :/ (...) 2° Le conseil municipal (...) " L'article R. 153-4 de ce code dispose : " Les personnes consultées en application des articles L. 153-16 et L. 153-17 donnent un avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois après transmission du projet de plan. / A défaut de réponse dans ce délai, ces avis sont réputés favorables. ".

3. D'une part, il ressort du rapport du commissaire-enquêteur du 13 août 2020 que la notification du projet de plan local d'urbanisme de Nans-les-Pins aux personnes publiques associées à son élaboration a été faite avant le début de l'enquête publique, comme en témoignent les pièces jointes au dossier, et que ce dossier mis à disposition du public a été réglementairement constitué. Il en ressort également que la plupart des très nombreuses observations, recommandations et / ou prescriptions émises par ces personnes publiques ont été suivies par la commune et ont fait l'objet de modifications au projet de plan local d'urbanisme dans la phase suivante d'approbation. Le rapport d'enquête publique daté du même jour confirme, dès la page 2, que le projet de plan local d'urbanisme a bien été soumis pour avis avant enquête à ces personnes publiques et, en page 5, au titre de la composition du dossier d'enquête, que ces avis y étaient joints au titre des pièces administratives. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 2 auraient été méconnues, et que le public aurait été insuffisamment informé. Alors précisément que ces dispositions, en particulier l'article L. 153-21 de ce code, prévoient que les modifications issues notamment des avis des personnes publiques associées interviennent à l'issue de l'enquête, et non avant, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le projet de plan local d'urbanisme aurait dû faire l'objet de ces modifications avant sa soumission à l'enquête, ou que le plan adopté serait entaché d'un de détournement de procédure.

4. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme citées au point 2 que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'enquête publique, le conseil municipal de Nans-les-Pins a apporté plusieurs modifications au dossier d'enquête publique, consistant en la suppression des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des secteurs de Delvieux et de Lazarote, la modification des OAP des secteurs de l'Orge, de Chamin et de Cougourde, et la création d'une OAP sur le secteur du Plan de Georges. L'OAP du secteur du Delvieux portait sur un projet d'extension du camping de la Sainte Baume implanté dans ce secteur et a été supprimée à la suite d'avis défavorables de plusieurs personnes publiques associées et d'administrés de la commune, en raison des nuisances, en particulier sonores, provoquées par le camping existant, ainsi que de l'insuffisance de l'analyse de son impact sur l'environnement notamment sur les boisements présents, la biodiversité et le risque d'incendie. L'OAP du secteur de Lazarotte portait sur la création d'un parc photovoltaïque, laquelle a été reportée afin d'en examiner de façon plus approfondie, dans le cadre d'une démarche spécifique de projet, la localisation et l'impact sur la biodiversité et le paysage sur ce site classé Natura 2000. Si Mme B... soutient que la suppression de ces deux OAP remet en cause l'économie générale du plan local d'urbanisme litigieux dès lors que le nombre estimé de logements initialement fixé a été drastiquement diminué, elle ne l'établit pas dès lors que, ainsi que le relève le jugement attaqué, cette incidence est très réduite et que la superficie de l'OAP du secteur de Delvieux, représente seulement 6,9 % des terrains constructibles et 0,46 % de l'ensemble du territoire communal. Si Mme B... pointe également les modifications apportées aux OAP de l'Orge et de Chamin, elles consistent uniquement en l'intégration des dispositions relatives à la prise en compte du risque et de compléments d'étude, et, pour la première, en le remplacement de chambres d'hôtel par des appartements meublés et, pour la seconde, en la réduction de son emprise pour ne pas empiéter sur des zones agricoles et boisées, et s'avèrent donc mineures, comme l'appelante le relève au demeurant elle-même dans ses écritures. Quant à l'OAP du secteur de Cougourde, sa modification consiste uniquement à ajouter le principe d'une préservation des fonctionnalités hydrauliques et environnementales du ruisseau de Pierrefeu. Ainsi, Mme B... n'établit pas que les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme, prises ensemble ou individuellement, ont remis en cause l'économie générale du plan local d'urbanisme entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation.

6. En deuxième lieu, l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme dispose : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Aux termes de l'article R. 151-24 de ce code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison :1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ;2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".

7. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

8. Il ressort des pièces du dossier comme de la consultation du site Geoportail urbanisme, accessible au juge comme aux parties, que la parcelle appartenant à Mme B..., d'une surface de quasi 2,5 hectares, est incluse dans un vaste massif forestier qui la borde au nord, à l'est et au sud. Elle est bordée, à l'est, par des parcelles classées en zones UP2 et UT correspondant respectivement, selon le règlement du plan local d'urbanisme litigieux, d'une part, à des espaces d'habitat pavillonnaire, édifié la plupart du temps en ordre discontinu et de densité moyenne ou faible, qui se compose pour l'essentiel de constructions à usage d'habitation et de leurs annexes, dans un contexte résidentiel marqué par la prégnance de la végétation arborée et des jardins d'agrément et, d'autre part, à un secteur spécifiquement destiné à recevoir des constructions à vocation d'équipements liés au camping, caravaning, habitations légères de loisirs et des activités sportives liées au cheval où sont notamment interdites les constructions à usage d'habitation, seuls des travaux visant à l'extension ou aux travaux confortatifs de ces habitations étant autorisés. Comme le relève le jugement attaqué, ce zonage est cohérent avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme litigieux, dont l'orientation n° 1 porte sur le " recentrage de l'urbanisation " et vise notamment à éviter la poursuite du développement pavillonnaire, et l'orientation n° 3 relative à la " Prise en compte et valorisation du patrimoine environnemental " dont l'objectif n° 4 vise à " Proposer un développement urbain respectueux de son environnement en n'ouvrant pas de nouveaux terrains à l'urbanisation pour limiter l'émiettement urbain et recentrer l'urbanisation sur le centre du village ". Ainsi, compte tenu tant du caractère entièrement boisé de la parcelle litigieuse que de sa situation vis-à-vis de l'agglomération à l'est, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le classement de sa parcelle en zone naturelle et en espace boisé, lequel peut, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme, porter sur des espaces attenant à des habitations, serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation. A ces deux égards, la circonstance que cette parcelle soit desservie par le réseau public d'eau potable et par une voie communale, qu'elle ne soit pas intégrée dans une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) ou dans une zone Natura 2000 et qu'elle ne fasse pas partie des secteurs à risque d'incendie est sans incidence, ainsi que l'a également relevé le jugement attaqué.

9. En troisième et dernier lieu, si l'appelante fait état de l'utilisation de son terrain par le centre équestre qui lui est contigu et de coupes de bois effectuées par des personnes malveillantes, qui ont donné lieu à des procédures devant le juge judiciaire, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'un détournement de pouvoir.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 13 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de Nans-les-Pins a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Sur les frais liés au litige :

11. La commune de Nans-les-Pins n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Nans-les-Pins sur ce même fondement.

D É C I D E

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Nans-les-Pins la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Nans-les-Pins.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. C..., vice-président,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2024.

N° 22MA01949 2

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