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23/02/2024 | FRANCE | N°23MA02042

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 23 février 2024, 23MA02042


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.



Par un jugement n° 2301460 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2301460 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, Mme B..., représentée par Me Traversini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie alors qu'elle réside habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- elle méconnait aussi ces dispositions ainsi que celles de l'article L. 423-23 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'atteinte portée à sa vie privée et familiale ; elle réside en France depuis plus de 15 ans et ne dispose plus d'attaches dans son pays d'origine ; elle a tissé un réseau social solide et son insertion professionnelle est assurée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle est fondée sur cette décision portant refus de séjour.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante philippine née en 1969, relève appel du jugement du 12 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes de ce dernier article : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

3. En l'espèce, Mme B... est entrée aux Pays-Bas le 28 novembre 2006, sous couvert d'un visa court séjour. Elle produit la copie intégrale du passeport sous couvert duquel elle est entrée, ainsi que celle des deux passeports qui lui ont été délivrés ensuite depuis Paris, qui ne font état d'aucun voyage. Il ressort des pièces du dossier, et particulièrement des factures d'électricité, avis de taxe d'habitation ou quittances de loyers qu'elle produit, que la requérante a habité en colocation à Beausoleil, à la même adresse entre le mois de juin 2007 et le mois d'avril 2011. Si elle a ensuite été hébergée chez un tiers, elle réside à nouveau en colocation au moins depuis le début de l'année 2017. Ses relevés de compte font également apparaître des mouvements en France, peu nombreux mais réguliers, et elle bénéficie, depuis la fin de l'année 2007 et sans discontinuer, de l'aide médicale d'Etat. Elle fournit enfin des avis de non-imposition à l'impôt sur le revenu faisant apparaitre la perception de revenus en France la plupart des années, ainsi que des factures de téléphonie mobile depuis 2012 et la preuve de diverses consultations médicales. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la requérante établit résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Dès lors, le préfet ne pouvait prendre la décision litigieuse, portant refus de droit au séjour, sans saisir préalablement pour avis la commission du titre de séjour, dont la consultation constitue une garantie pour l'étranger concerné.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif Nice a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que soit délivré à Mme B... le titre de séjour sollicité mais implique, en revanche, qu'il soit procédé à un réexamen de sa situation. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet d'agir en ce sens dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocate, Me Traversini, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Traversini de la somme de 1 500 euros à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juillet 2023 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 16 février 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Traversini une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Magali Traversini.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 9 février 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2024.

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N° 23MA02042

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02042
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;23ma02042 ?
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