Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Groupement des campeurs universitaires de France (GCU), association à but
non-lucratif, a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Bormes-les-Mimosas à lui verser la somme de 18 372 euros au titre des préjudices subis à raison de l'inondation répétée du terrain de camping " Bormes Cabasson " se situant sur le territoire de la commune, et dont le CGU est propriétaire, ainsi que d'enjoindre à la commune de réaliser les travaux appropriés à la remise en état et à l'entretien normal de la voirie communale en amont de sa propriété, et de mettre à la charge de la commune les frais d'expertise et la somme de
5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement avant dire droit du 30 septembre 2021, n° 1900247, le tribunal administratif de Toulon a admis la recevabilité des conclusions du GCU, a écarté l'existence d'une faute de la commune, et a ordonné une expertise aux fins de constater et décrire les désordres affectant le camping " Bormes Cabasson ", ainsi que de déterminer leur ampleur et leurs causes.
Par un jugement n° 1900247 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Bormes-les-Mimosas à verser au GCU la somme de
18 372 euros, ainsi qu'à exécuter dans un délai de six mois les travaux de modification de la voirie communale, a mis à la charge de la commune les frais d'expertise et la somme de
2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions du GCU, de même que les conclusions de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2023 et le 11 octobre 2023, la commune de Bormes-les-Mimosas, représentée par Me Grimaldi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter l'intégralité des demandes du Groupement des campeurs universitaires de France ;
3°) de mettre à la charge du Groupement des campeurs universitaires de France la somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement a été rendu en méconnaissance des droits de la défense, et notamment du principe du contradictoire ;
- le tribunal administratif a omis de statuer sur certaines conclusions ;
- le tribunal a omis de répondre aux moyens qu'elle invoquait ;
- le tribunal a statué ultra petita en ce qu'il a octroyé une indemnité au titre d'un chef de préjudice qui n'a pas été invoqué par le GCU.
Sur le bien-fondé du jugement :
- c'est à tort que le tribunal a retenu la responsabilité sans faute de la commune dès lors que les ouvrages auxquels le dommage est imputable ne lui appartiennent pas, et en l'absence de tout lien de causalité ;
- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit aux conclusions indemnitaires du GCU.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 septembre 2023 et le 22 novembre 2023, le GCU, représenté par Me Cyril Fergon, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour :
1°) de condamner la commune de Bormes-les-Mimosas à lui verser la somme de
18 372 euros pour l'ensemble de ses préjudices matériels, réévaluée d'une indemnité annuelle de 1 757 euros par année écoulée depuis 2022 ; avec versement des intérêts légaux à compter de la réclamation préalable du 8 octobre 2018, majoré de 5 points à compter du 5 août 2023 ;
2°) de condamner la commune à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, en sus de la somme de 18 372 euros déjà accordée par les premiers juges ;
3°) de condamner la commune à réaliser les travaux appropriés à la remise en état et à l'entretien normal de la voirie communale située en amont de sa propriété dans un délai de
six mois à compter du jugement à intervenir, et sous astreinte de 1 000 euros par mois de retard jusqu'au parfait achèvement des travaux ;
4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la commune n'a pas exécuté le jugement rendu en première instance, ce qui justifie d'assortir l'injonction demandée d'une astreinte ;
- le dommage économique continue de courir, justifiant l'octroi d'une somme de
1 757 euros correspondant à la perte d'exploitation annuelle calculée par l'experte judiciaire ;
- la somme allouée en réparation doit être réévaluée par application de l'intérêt légal à compter de la réclamation préalable du 8 octobre 2018, sans préjudice de l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier depuis le 5 août 2023, puisque la ville de Bormes-les-Mimosas méconnaît volontairement l'autorité de la chose jugée ;
- le préjudice moral résulte de la mobilisation des personnes qui se trouvaient sur le terrain pour le remettre en état et du temps consacré par les responsables de l'association à la gestion de ce dossier.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Bouakfa, substituant Me Grimaldi, représentant la commune de Bormes-les-Mimosas,
- et les observations de Me Fergon, représentant le Groupement des campeurs universitaires de France.
Considérant ce qui suit :
1. Le Groupement des campeurs universitaires de France (GCU), association à but
non-lucratif, est propriétaire du camping " Bormes Cabasson ", sur la commune de
Bormes-les-Mimosas. Le terrain subit des inondations lors de fortes pluies, qui conduisent à l'indisponibilité de certains emplacements de camping, et que le GCU attribue à un ruissellement d'eau provenant de la route du Bout du monde, voirie communale en amont de son terrain.
Le 8 octobre 2018, le GCU a adressé à la commune une demande préalable visant à l'adoption de mesures utiles pour remédier à la situation. Après avoir ordonné une expertise par jugement avant dire droit du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a, par jugement du
5 juin 2023, condamné la commune de Bormes-les-Mimosas à verser à l'association la somme de 18 372 euros, ainsi qu'à exécuter, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, des travaux tenant à la modification de l'avaloir borgne situé sur le côté amont de la chaussée du Bout du monde, à la mise en place d'une canalisation d'évacuation des eaux de pluie sur le domaine public à cet emplacement, et à la rectification du profil de la chaussée pour prévenir le déversement des eaux concentrées sur le haut du terrain de l'association. Le tribunal administratif a également mis à la charge de la commune les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 6 602,75 euros TTC, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Bormes-les-Mimosas relève appel de ce jugement. L'association GCU demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce même jugement, en tant que le tribunal ne lui a pas octroyé la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral. Elle demande, par ailleurs, à la Cour de condamner la commune à lui verser, en sus des sommes déjà allouées par le tribunal, une indemnité annuelle de 1 757 euros par année écoulée depuis 2022, d'enjoindre à la commune d'exécuter les travaux nécessaires sous astreinte de 1 000 euros par mois de retard, et de condamner la commune à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Dans le cadre de la procédure suivie devant le tribunal administratif, la commune de Bormes-les-Mimosas a produit, le 25 avril 2019, un premier mémoire en défense, qui a été communiqué au requérant, puis, le 5 février 2021, un second mémoire en défense, qui n'a pas été communiqué. L'association requérante a produit des pièces complémentaires le 1er février 2021, dont la commune a eu connaissance, ainsi qu'un mémoire en réplique le 3 février 2021, qui n'a pas été communiqué. Dès lors que les écritures du 3 et du 5 février ne contenaient aucun élément nouveau susceptible d'influer sur la solution retenue par le tribunal, ce que la commune ne conteste pas, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que l'absence de communication de ces nouveaux mémoires a entaché la procédure d'irrégularité. Pour les mêmes raisons, la circonstance que le tribunal administratif de Toulon a omis de viser ces mémoires est sans incidence sur la régularité de son jugement, et la commune de Bormes-les-Mimosas n'est pas davantage fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur ses conclusions.
3. Le tribunal administratif de Toulon a expressément écarté chacune des fins de
non-recevoir aux points 1 à 4 de son jugement avant dire droit. Par ailleurs, dès lors que le tribunal s'est fondé sur la responsabilité sans faute de l'administration résultant de dommages permanents de travaux publics, il a nécessairement écarté le moyen en défense tiré de ce que la requête serait infondée en raison de l'absence de dommages de travaux publics résultant d'un défaut d'entretien, et celui tendant au rejet de la responsabilité sans faute. Enfin, l'argument relatif à l'inutilité de la mesure d'expertise ayant perdu tout objet à compter du jugement avant dire droit qui ordonne cette expertise, le tribunal n'était pas tenu d'y répondre par le jugement du 5 juin 2023. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Toulon n'aurait pas répondu à l'ensemble de ces moyens ne peut qu'être écarté.
4. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Si, une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.
5. Il n'est fait exception à ces règles que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation. Dans ce cas, qu'il s'agisse de dommages relevant de chefs de préjudice figurant déjà dans cette réclamation ou de dommages relevant de chefs de préjudice nouveaux, la victime peut saisir l'administration d'une nouvelle réclamation portant sur ces nouveaux éléments et, en cas de refus, introduire un recours indemnitaire dans les deux mois suivant la notification de ce refus. Dans ce même cas, la victime peut également, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces nouveaux éléments devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle,
il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance.
6. Le GCU, qui sollicitait initialement la somme de 14 320 euros en réparation d'un préjudice moral et des frais déboursés pour la remise en état des emplacements de camping rendus indisponibles a, par un mémoire enregistré le 14 février 2023, demandé au tribunal administratif la réparation de la perte d'exploitation liée à l'indisponibilité de certains emplacements de camping, pour une somme totale de 18 372 euros. Ce chef de préjudice, qui ressort notamment du rapport d'expertise remis le 27 décembre 2022 et qui a pu être révélé dans toute son ampleur grâce à cette expertise, se rattache au même fait générateur que celui invoqué dans la demande indemnitaire préalable.
7. Par ailleurs, la seule circonstance qu'un rapport d'expertise, à l'initiative de l'expert, se prononce sur des questions excédant le champ de l'expertise ordonnée par la juridiction, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher cette expertise d'irrégularité. Elle ne fait pas obstacle à ce que, s'ils ont été soumis au débat contradictoire en cours d'instance, les éléments de l'expertise par lesquels l'expert se prononce au-delà des termes de sa mission soient régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils ne sont pas infirmés par d'autres éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige.
(CE, 29 juin 2020, Assistance publique des Hôpitaux de Marseille et autres, n° 420850).
8. Il résulte de ce qui précède que le GCU était recevable à invoquer, en cours d'instance, un chef de préjudice révélé dans toute son ampleur par l'expertise du
27 décembre 2022, sans que la circonstance que l'experte ait dépassé les termes de sa mission en dégageant ce préjudice n'ait d'incidence sur la prise en compte de son rapport par les premiers juges. Par suite, la commune de Bormes-les-Mimosas n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Toulon aurait statué ultra petita en octroyant une indemnité au titre du préjudice de perte d'exploitation.
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Bormes-les-Mimosas :
9. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. La victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices qui doivent, en outre, en cas de dommage permanent, présenter un caractère grave et spécial.
10. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'experte désignée par le tribunal administratif de Toulon, que les aménagements effectués sur la propriété privée du Château Malherbe, domaine viticole situé en amont de la route du Bout du monde, notamment un fossé creusé entre septembre 2014 et juillet 2015, ainsi qu'un passage à gué sur le domaine, sont à l'origine de la concentration des écoulements d'eaux provenant du domaine et de la colline. S'il s'agit de l'une des causes des inondations sur la parcelle de l'association GCU, l'expertise indique que ces dommages sont également imputables à l'inadaptation et l'insuffisance des dispositifs sur le bas-côté de la voirie, et des aménagements réalisés au niveau même de la voirie. A ce titre, la modification du profil de la chaussée en cassis a nécessairement aggravé l'exposition de la propriété de l'association GCU au risque d'inondation en ce que cette partie de la voirie concentre en conséquence l'ensemble des eaux pluviales du bassin versant de 48 hectares, et les dirige sur la propriété de l'association. Ainsi, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les communes ont l'obligation de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant par leur territoire, l'association GCU est fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Bormes-les-Mimosas pour les dommages permanents occasionnés après de fortes pluies dès lors que ces inondations ont pour cause directe l'insuffisance des aménagements nécessaires à l'évacuation des eaux pluviales effectués par la commune sur l'ouvrage public que constitue la route du Bout du monde.
En ce qui concerne les préjudices subis par le Groupement des campeurs universitaires de France :
11. Pour les mêmes motifs que ceux invoqués au point 6 du présent arrêt, rien ne s'opposait à ce que le GCU fasse évoluer ses conclusions sur les chefs de préjudice invoqués dans sa réclamation préalable et dans sa requête indemnitaire au regard de l'ampleur des préjudices révélée par le rapport d'expertise du 27 décembre 2022. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le GCU ne faisait pas figurer le préjudice financier dans ses réclamations initiales doit être écarté.
12. Dans la mesure où l'indemnisation par le tribunal administratif du préjudice financier découlant du manque à gagner est justifiée, en s'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire, par la fermeture de quatre emplacements de camping inondés après des épisodes pluvieux, la commune ne peut utilement remettre en cause la réalité de ce préjudice en se bornant à soutenir que l'association ne verse pas de preuve tangible d'une baisse d'activité importante et directement liée à l'opération de travaux publics.
13. Si la commune de Bormes-les-Mimosas fait valoir que l'association ne justifie pas le paiement du devis relatif aux travaux de remise en état des emplacements inondés, elle ne conteste pas utilement en appel la réalité du préjudice matériel subis par l'association, ni le montant correspondant.
14. L'association GCU sollicite en cause d'appel le versement d'une indemnité de
10 000 euros au titre du préjudice moral, en sus des sommes déjà allouées par le tribunal administratif de Toulon. Toutefois, dès lors que l'association se contente d'invoquer ce préjudice sans apporter davantage de précisions sur l'atteinte que le dommage aurait porté aux intérêts qu'elle s'est donnée pour mission de défendre, elle n'établit pas son existence. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ces conclusions, l'association GCU n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice moral allégué.
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :
15. L'association GCU a, dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, chiffré son préjudice à 14 320 euros. A la suite de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Toulon, l'association a sollicité, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 18 372 euros. Dès lors que l'étendue réelle de son préjudice n'a été connue qu'en cours d'instance, à l'issue de l'expertise judiciaire, il était loisible à l'association victime de faire évoluer ses conclusions indemnitaires en conséquence. Il s'ensuit que la commune n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait méconnu son propre jugement avant dire droit ordonnant à l'expert de fournir les éléments d'évaluations des préjudices matériels et moral dans la limite de la somme de 14 320 euros, ni que c'est à tort qu'il a alloué la somme de
18 372 euros en réparation du préjudice subi par l'association.
16. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration n'est recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué. (CE 18 décembre 2017, M. A..., n° 401314)
17. En l'état de l'instruction, l'association GCU ne produit aucun élément de nature à établir que les quatre emplacements en question auraient de nouveau été inondés depuis 2022, de sorte qu'elle eut été contrainte de fermer ces emplacements. Il n'y a donc pas lieu d'accorder l'indemnité annuelle d'un montant de 1 757 euros demandée par l'association au titre du manque à gagner à compter de l'année 2022.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bormes-les-Mimosas, ni l'association GCU ne sont fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la première à verser à la seconde, en réparation de ses préjudices, la somme de 18 372 euros.
19. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. ". Aux termes de l'article 1231-7 du même code : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. / En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa. ". L'article L. 313-3 du code monétaire et financier dispose : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...) ".
20. Le GCU a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de
18 372 euros à compter du 8 octobre 2018, date de réception de sa demande par la commune de Bormes-les-Mimosas. La commune ne conteste pas s'être abstenue d'exécuter le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 juin 2023 la condamnant à verser au GCU la somme de
18 372 euros. Par suite, il y a lieu d'appliquer la majoration de cinq points prévue par l'article
L. 313-3 du code monétaire et financier précité, à la somme de 18 372 euros, à compter du
18 septembre 2023, la commune ayant reçu notification du jugement au plus tard le
17 juillet 2023, date de l'introduction de sa requête devant la cour administrative d'appel.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
21. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
22. Le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la commune de
Bormes-les-Mimosas d'exécuter, dans un délai de six mois à compter de la notification
de son jugement, d'exécuter des travaux tenant à la modification de l'avaloir borgne situé sur le côté amont de la chaussée du Bout du monde, de mettre en place une canalisation d'évacuation des eaux de pluie sur le domaine public à cet emplacement, et de rectifier le profil de la chaussée pour prévenir le déversement des eaux concentrées sur le haut du terrain du camping. Il n'y a pas lieu de prononcer une nouvelle injonction en cause d'appel, ni de l'assortir d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
23. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'association GCU, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le requête de la commune de Bormes-les-Mimosas est rejetée.
Article 2 : La commune de Bormes-les-Mimosas versera une somme de 2 000 euros à l'association GCU au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La somme de 18 372 euros au versement de laquelle le Groupement des campeurs universitaires de France peut prétendre de la part de la commune de Bormes-les-Mimosas portera intérêt au taux légal à compter du 8 octobre 2018.
Article 4 : Le taux de l'intérêt légal sur la somme allouée par le jugement du
tribunal administratif de Toulon du 5 juin 2023 est majoré de cinq points à compter du
18 septembre 2023.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'association Groupement des campeurs universitaires de France est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Groupement des campeurs universitaires de France et à la commune de Bormes-les-Mimosas.
Copie en sera adressée à l'experte Mme C... B..., au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan, ainsi qu'au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
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N° 23MA01815