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20/02/2024 | FRANCE | N°22MA00686

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 20 février 2024, 22MA00686


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Cervione a accordé un permis de construire à M. B... A... et M. E... A... pour l'extension d'une maison de village pour une surface de plancher de 154 m², et, d'autre part, l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le maire de la commune de Cervione a délivré un permis de construire modificatif à MM. A... pour la création d'un nivea

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Cervione a accordé un permis de construire à M. B... A... et M. E... A... pour l'extension d'une maison de village pour une surface de plancher de 154 m², et, d'autre part, l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le maire de la commune de Cervione a délivré un permis de construire modificatif à MM. A... pour la création d'un niveau supplémentaire par l'abaissement du niveau de jardin, la suppression du garage, la redistribution de l'espace de vie et la modification d'ouverture, sur une parcelle cadastrée section B n°173 au lieu-dit Raffolaccio.

Par un jugement n° 1901328 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 février 2022, 23 octobre 2023 et 4 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Ribière, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1901328 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler les arrêtés du 2 novembre 2017 et du 10 octobre 2019 par lesquels le maire de Cervione a délivré un permis de construire et un permis de construire modificatif à MM. A... ;

3°) de mettre à la charge respective de la commune de Cervione et de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme étant tardives ses conclusions à fin d'annulation du permis de construire initial du 2 novembre 2017 dès lors que le panneau d'affichage de ce permis, qui n'a pas été apposé sur le terrain et n'était pas visible depuis la voie publique, comportait de surcroît des informations erronées sur la hauteur du projet ;

- il justifie d'un intérêt à agir tant contre le permis de construire initial que contre le permis de construire modificatif ;

- le permis initial est illégal dès lors que les réserves émises par l'architecte des bâtiments de France n'ont jamais été levées, de sorte que son avis doit être regardé comme étant défavorable ; le jugement, statuant sur la légalité du permis de construire modificatif, a dénaturé les termes des avis de l'architecte des bâtiments de France en jugeant que celui-ci n'avait pas formulé des réserves mais de simples prescriptions ;

- le projet autorisé par l'arrêté en litige méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article 11 du règlement de la zone U1 du plan local d'urbanisme dès lors qu'il porte sur un immeuble résolument moderne en plein centre urbain traditionnel, juste à côté d'un bâtiment remarquable par son architecture et son histoire, de sorte qu'il porte atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants ; le permis de construire modificatif, ne serait-ce que par l'adjonction d'un niveau supplémentaire, aggrave nécessairement la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'a pas été respecté en ce qui concerne les ouvertures des fenêtres ; le permis de construire modificatif aggrave cette atteinte ;

- la prescription de l'architecte des bâtiments de France imposant une réduction

" en largeur côté jardin " du " volume neuf à R+1 " afin de dégager la tourelle voisine emporte méconnaissance de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme qui prévoit soit une implantation en limite séparative, soit avec une marge d'éloignement d'au moins trois mètres ;

le permis de construire modificatif ne régularise pas ce vice ;

- les permis attaqués auraient dû porter sur la régularisation de l'ensemble des éléments de la construction indissociables du projet ;

- l'accès au projet ne répond pas aux conditions posées par les articles 3 et 4 du règlement du plan local d'urbanisme, les voies d'accès n'étant pas adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie ni à l'opération qu'elles desservent, pas plus qu'à la collecte des ordures ménagères ; le permis de construire modificatif, qui augmente la surface de plancher, aggrave ce vice ;

- le permis de construire modificatif est également entaché de vices propres ;

- ainsi, s'agissant d'un permis de régularisation, il aurait dû porter sur tous les travaux irréguliers à régulariser ;

- ce permis devait respecter les prescriptions de l'architecte des bâtiments de France ; en outre, alors que dans son nouvel avis du 5 octobre 2019, l'architecte des bâtiments de France a prescrit une réduction de toutes les ouvertures en façade et la suppression du puit de lumière, la construction, déjà réalisée, méconnaît ces prescriptions, lesquelles sont irréalisables ;

- il méconnaît l'article 7 des dispositions générales qui impose que les ouvertures des fenêtres soient plus hautes que larges ;

- il méconnaît l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- l'implantation de la piscine méconnaît également les règles de prospect dès lors qu'elle aurait dû être implantée en limite séparative ou à trois mètres de celle-ci ;

- enfin, les balcons cabines en façade sont irréguliers ; l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme est également méconnu par le toit terrasse en R+2.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 mars 2023, 5 octobre 2023 et 30 novembre 2023, MM. B... et E... A... concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros à verser à M. B... A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de M. C... et de la tardiveté des conclusions dirigées contre le permis de construire initial ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mars 2023 et 10 novembre 2023, la commune de Cervione, représentée par Me Humbert-Simeone, conclut à titre principal au rejet de la requête, ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou de l'article L. 600-5 de ce code, et demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, de mettre à la charge du requérant la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de M. C... et de la tardiveté des conclusions dirigées contre le permis de construire initial ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Un courrier du 6 novembre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 22 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Ribière, représentant M. C...,

- et les observations de Me Humbert Simeone, représentant la commune de Cervione.

Une note en délibéré présentée pour M. C..., par Me Ribière, a été enregistrée

le 9 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 novembre 2017, le maire de la commune de Cervione a accordé un permis de construire à M. B... A... et M. E... A... en vue de l'extension d'une maison de village, autorisant une surface de plancher supplémentaire de 154 m², sur une parcelle cadastrée section B n° 173 située lieudit Raffolaccio, en zone U1 du plan local d'urbanisme. Par un second arrêté du 10 octobre 2019, le maire de la commune de Cervione a délivré un permis de construire modificatif aux intéressés pour la création d'un niveau supplémentaire par l'abaissement du niveau de jardin, la suppression du garage, la redistribution de l'espace de vie et la modification d'ouvertures, et portant la surface de plancher autorisée à 191 m². Par la présente requête, M. C... demande à la Cour d'annuler le jugement du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés des 2 novembre 2017 et 10 octobre 2019.

Sur la recevabilité de la demande de première instance tendant à l'annulation du permis de construire initial du 2 novembre 2017 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code, dans sa version applicable au litige : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage ". Aux termes de l'article A. 424-16 de ce code : " Le panneau prévu à l'article

A. 424-15 (...) indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (...) ". Enfin, l'article A. 424-18 du même code dispose que : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que l'affichage du permis de construire sur le terrain d'assiette de la construction autorisée doit être effectué de telle façon que les mentions qu'il comporte soient lisibles de la voie publique.

4. Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice produit par MM. A..., que le permis de construire du 2 novembre 2017 a été affiché de manière continue pendant

une période de deux mois à compter du 4 janvier 2018, et que le panneau d'affichage comportait l'ensemble des renseignements exigés par l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme cité

au point 2. S'il est certes exact, ainsi que le soutient l'appelant, que ce panneau n'était

pas précisément situé au niveau de la parcelle cadastrée section B n° 173, qui constitue le terrain d'assiette du projet selon les pièces du dossier de demande de permis de construire, il ressort toutefois de ces mêmes pièces qu'il a néanmoins été apposé contre la façade Ouest de la

maison concernée par l'agrandissement projeté, située sur la parcelle contigüe cadastrée

section B n° 162, appartenant aux pétitionnaires. Ce faisant, l'affichage doit être regardé comme ayant été réalisé sur le terrain au sens des dispositions citées au point 2 des articles R. 600-2 et R. 424-15 du code de l'urbanisme. De plus, il ressort du constat d'huissier précité ainsi que des photographies qui lui sont annexées que ce panneau était non seulement visible depuis la voie publique constituée par la Stretta di u Culeggiu, mais également depuis la petite place située au Sud-Est de cette voie étroite, ainsi que depuis la rue Prosper Mérimée desservant ladite place par son côté Sud. Une telle visibilité est, au demeurant, confirmée par les attestations produites en première instance par les bénéficiaires de ce permis de construire. Dans ces conditions, compte tenu de la configuration des lieux, tenant notamment à l'étroitesse de la Stretta di u Culeggiu, à sa déclivité et aux conditions de visibilité résultant notamment de la présence d'un bâti particulièrement dense, le choix de l'emplacement du panneau d'affichage tel qu'il a été réalisé en l'espèce a été de nature à permettre une information effective des tiers.

5. D'autre part, en imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, dont la hauteur du bâtiment par rapport au sol naturel, les dispositions rappelées au point précédent ont eu pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet, le délai de recours ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier. L'affichage ne peut être regardé comme complet et régulier si la mention de la hauteur fait défaut ou si elle est affectée d'une erreur substantielle, alors qu'aucune autre indication ne permet aux tiers d'estimer cette hauteur. Pour apprécier si la mention de la hauteur de la construction figurant sur le panneau d'affichage est affectée d'une erreur substantielle, il convient de se référer à la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel telle qu'elle ressort de la demande de permis de construire.

6. Selon le panneau d'affichage précédemment évoqué, la hauteur du projet autorisé par l'arrêté du 2 novembre 2017 est de 7,80 mètres entre le sol naturel et le faîtage, alors que, selon le plan de coupe PCMI-03 du dossier de demande de permis de construire, cette donnée, qui correspond en réalité à la hauteur de la façade Ouest entre le niveau de la voie et l'égout du toit, ne constitue pas la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel. S'il ressort de l'analyse combinée des différents plans composant les deux dossiers de demandes de permis de construire que la hauteur au faitage de cette façade varie entre 8,85 mètres et 9,61 mètres par rapport au terrain naturel, soit une différence maximum de 1,81 mètre avec la hauteur mentionnée sur l'affichage, ces mêmes documents, non seulement font apparaitre que le terrain naturel est à une cote inférieure à celle de la voie, mais également que la hauteur figurant sur le panneau, eu égard à la déclivité d'Ouest en Est du terrain d'assiette, a été mesurée sur la façade la plus élevée du projet d'extension en litige, qui se situe de surcroît dans une zone où la hauteur maximale des constructions autorisée par l'article 10 du règlement du plan local d'urbanisme est de 15 mètres. Dans ces conditions, la mention de la hauteur figurant sur le panneau d'affichage ne saurait être regardée comme constitutive d'une erreur substantielle de nature à induire en erreur les tiers sur l'importance et la consistance du projet.

7. Enfin, si, ainsi que le prévoit désormais l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration, la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'autorité administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment, sans qu'y fassent obstacle, s'agissant d'un permis de construire, les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, selon lesquelles une telle décision ne peut faire l'objet d'aucun retrait, elle ne saurait, en revanche, proroger le délai du recours contentieux contre cette décision.

8. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, que le permis de construire attaqué aurait été obtenu par fraude, ne permet pas à M. C... de le contester sans délai.

9. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la régularité et la continuité de l'affichage durant une période de deux mois à compter du 4 janvier 2018, les conclusions aux fins d'annulation du permis de construire, enregistrées le 8 octobre 2019 au greffe du tribunal administratif de Bastia, étaient tardives, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

Sur les conclusions dirigées contre le permis de construire modificatif du 10 octobre 2019 :

10. En premier lieu, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

11. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire délivré le 10 octobre 2019 par le maire de la commune de Cervione à MM. A..., dont il n'est pas contesté qu'il est intervenu à une date à laquelle le permis de construire initial était en cours de validité, a pour objet la création d'un niveau supplémentaire par l'abaissement du niveau de jardin, la suppression du garage, la redistribution de l'espace de vie et la modification d'ouvertures, faisant ainsi passer la surface de plancher autorisée de 154 m² à 191 m². Outre qu'il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée par le permis initial n'était pas achevée à la date de délivrance du permis du 10 octobre 2019, de telles modifications, qui n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, pouvaient faire l'objet d'un permis de construire modificatif. Dans ces conditions, dès lors, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 9, que le permis de construire initial délivré le 2 novembre 2017 était devenu définitif à la date à laquelle M. C... a saisi le tribunal administratif, seuls sont susceptibles d'être invoqués à l'encontre du permis de construire modificatif délivré le 10 octobre 2019 les vices propres dont il serait entaché. Par suite, l'ensemble des moyens dirigés contre le permis de construire initial sont inopérants.

12. En deuxième lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination. Il en va ainsi de même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier d'après les règles d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision. Elle doit tenir compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, qui prévoient, dans leur version en vigueur à la date du permis de construire en litige, qu'un refus de permis ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme sous réserve, notamment, que les travaux n'aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables.

13. D'une part, si M. C... soutient que le permis en litige est illégal, faute de prévoir la régularisation d'un toit-terrasse qui jouxte la parcelle n° 173 ainsi que de balcons réalisés côté rue, il ne conteste pas l'affirmation en défense selon laquelle ces éléments de la construction ont été édifiés depuis au moins les années 1960. De plus, les documents fournis au dossier ne permettent pas d'établir qu'à la date à laquelle ils ont été réalisés, qui demeure incertaine, ces éléments étaient assujettis à un permis de construire. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces aménagements étaient soumis à l'époque de leur réalisation à une autorisation de construire, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le permis qu'il conteste serait entaché d'illégalité à défaut de régulariser des éléments qui auraient été édifiés sans autorisation.

14. D'autre part, la fraude, dont le juge de l'excès de pouvoir apprécie l'existence à la date du permis de construire, est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris le cas échéant au vu d'éléments dont l'administration n'avait pas connaissance à cette date, que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration ou s'est livré à des manœuvres en vue d'obtenir un permis de construire indu.

15. Il ressort des pièces du dossier que les éléments de la construction existante argués d'irrégularité apparaissent dans les dossiers de demandes de permis de construire, de sorte qu'ils ont été portés à la connaissance de l'administration. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les pétitionnaires se seraient livrés à une manœuvre en vue d'obtenir un permis de construire indu.

16. En troisième lieu, l'arrêté attaqué, qui vise l'avis favorable de l'architecte des bâtiments de France du 5 octobre 2019, impose, en son article 3, le respect des prescriptions, et non de réserves, contenues dans cet avis. Si M. C... soutient que de telles prescriptions sont irréalisables en raison de l'achèvement des travaux à la date de délivrance du permis de construire modificatif en litige, une telle affirmation est contredite par les pièces du dossier, et notamment le constat de contrôle rédigé le 15 novembre 2019 par un agent de la direction départementale des territoires et de la mer, ainsi que le rapport d'expertise du 18 février 2022 versé dans l'instance par la commune, dont rien ne fait obstacle à ce qu'il soit retenu à titre d'élément d'information dès lors qu'il a été soumis au contradictoire des parties, et qu'il n'est pas infirmé par d'autres éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige.

Par suite, le moyen précité ne peut qu'être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Toute occupation et utilisation du sol nécessitant un accès est interdite sur les terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagés, notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. (...) / 2. Voirie / Les voies publiques ou privées doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie et aux opérations qu'elles doivent desservir. Elles doivent satisfaire aux exigences de la sécurité, de la protection civile, et de la collecte des ordures ménagères. L'emprise minimum du chemin d'accès est de 4 mètres ".

18. Contrairement à ce que soutient M. C..., la circonstance que l'accès piéton est réalisé au Nord par une petite " stretta " dont la largeur oscillerait entre 2,6 et 3 mètres n'est pas, par elle-même, de nature à révéler une méconnaissance des dispositions citées au point précédent dès lors que l'accès voiture est réalisé sur une autre voie située au Sud-Est du terrain d'assiette, qui n'est pas constituée d'un escalier puis d'un virage en épingle contrairement à ce qui est soutenu, la rendant de ce seul fait inaccessible aux véhicules, notamment aux véhicules de lutte contre l'incendie. Au demeurant, ainsi que cela ressort de la photographie aérienne produite par la commune, cette voie permet d'assurer une desserte adaptée non seulement à des véhicules légers mais également à des véhicules plus imposants tels que des engins de chantiers. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement du plan local d'urbanisme, ainsi que de l'article 4 de ce même règlement, étranger aux conditions d'accès et de desserte, doit être écarté.

19. En cinquième lieu, aux termes de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cervione applicable en zone U1 : " Les constructions doivent être implantées : / soit en respectant une marge d'éloignement (...) avec un minimum de 3,00 mètres (...) / soit en limite séparative (...) ".

20. D'une part, l'appelant ne peut utilement soutenir que l'arrêté en litige méconnaît ces dispositions en ce qui concerne la terrasse en R+1 dès lors que le permis modificatif n'a eu ni pour objet, ni pour effet de modifier l'implantation de cette partie du projet d'extension, qui résulte du seul permis de construire initial, assorti des prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, délivré le 2 novembre 2017. M. C... ne peut davantage soutenir que les travaux ont été réalisés en méconnaissance de ces dispositions dès lors qu'une telle circonstance, à la supposer même établie, relève de la seule exécution du permis de construire et demeure sans influence sur sa légalité.

21. D'autre part, s'il ressort de l'analyse comparative des plans et documents d'insertion graphique des dossiers de demande de permis de construire initial et permis de construire modificatif que l'implantation de la piscine a été modifiée par ce dernier, il ressort toutefois tant du plan de masse que du document graphique d'insertion du dossier de permis de construire modificatif que l'ensemble indissociable formé par le dallage et la piscine est implanté en limite séparative sur ses côtés Nord et Est et à plus de trois mètres des limites séparatives Sud et Ouest.

22. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cervione applicable en zone U1 doit, dans ses deux branches, être écarté.

23. En sixième lieu, M. C... ne peut utilement soutenir que l'arrêté en litige méconnaît l'article 2 des prescriptions architecturales applicables à la zone U1 en ce qui concerne la largeur de la dalle des balcons simples en façade, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis de construire modificatif aurait emporté une modification de cet élément de la construction.

24. En septième lieu et d'une part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

25. D'autre part, aux termes de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cervione applicable en zone U1 : " L'aspect extérieur des constructions, leur volume et leur teinte seront tels qu'ils s'intégreront parfaitement dans le bâti traditionnel existant. (...) / Les prescriptions architecturales portées à l'annexe du règlement détailleront plus précisément ce qu'il est possible de faire ". Et aux termes de l'article 7 de l'annexe 1 au règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cervione, relative aux prescriptions architecturales applicables en zone U1 : " Les ouvertures des fenêtres seront plus hautes que larges. (...) ".

26. D'une part, M. C... ne peut utilement soutenir, à l'encontre du permis de construire modificatif délivré par le maire de la commune de Cervione à MM. A..., qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ainsi que de

l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme applicable en zone U1, dès lors que, contrairement à ce qu'il soutient, ce permis n'autorise pas l'adjonction d'un niveau supplémentaire ni ne modifie, par suite, le volume ou la hauteur de l'extension autorisée par le permis de construire initial définitif.

27. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de la demande de permis de construire modificatif, notamment du plan de la façade Est, que, contrairement à ce qui est soutenu, les ouvertures autorisées par l'arrêté en litige sont plus hautes que larges, conformément aux exigences fixées par l'annexe 1 au règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cervione, relative aux prescriptions architecturales applicables en zone U1, conférant ainsi à cet élément de la construction une intégration parfaite dans le bâti traditionnel existant, au sens de l'article 11 de ce même règlement, qui renvoie aux prescriptions architecturales fixées par son annexe 1. Au surplus, le rapport d'expertise du 18 février 2022 confirme que les travaux ont été réalisés conformément au permis de construire et, par suite, conformément aux dispositions précitées de l'article 7 de l'annexe 1 au règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cervione.

28. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme, et de l'article 7 de

l'annexe 1 à ce règlement doit, dans ses différentes branches, être écarté.

29. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir contre le permis de construire modificatif, que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

30. D'une part, MM. A... et la commune de Cervione n'étant pas les parties perdantes dans la présente instance, les conclusions présentées par l'appelant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de

2 000 euros qui sera versée à la commune de Cervione et une somme de 2 000 euros qui sera versée à M. B... A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Cervione et la somme de 2 000 euros à M. B... A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la commune de Cervione, à M. B... A... et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

2

No 22MA00686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00686
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : RIBIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22ma00686 ?
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