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20/02/2024 | FRANCE | N°22MA00412

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 20 février 2024, 22MA00412


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... Crespin a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'abord d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique a refusé de prendre en compte, avant son prochain avancement, la totalité de ses avantages spécifiques d'ancienneté cumulés en zone urbaine sensible (ZUS) et en quartier prioritaire de la ville (QPV) et le rejet implicite de son recours gracieux contre cette décision, ensuite d'enjoindre au ministre, à titre princi

pal, de prendre une nouvelle décision prenant en compte tous ses avantages spécifiqu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Crespin a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'abord d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique a refusé de prendre en compte, avant son prochain avancement, la totalité de ses avantages spécifiques d'ancienneté cumulés en zone urbaine sensible (ZUS) et en quartier prioritaire de la ville (QPV) et le rejet implicite de son recours gracieux contre cette décision, ensuite d'enjoindre au ministre, à titre principal, de prendre une nouvelle décision prenant en compte tous ses avantages spécifiques d'ancienneté ainsi cumulés en le reclassant au plus tard à compter du 1er janvier 2019, à l'échelon 10 du grade de secrétaire d'administration et de contrôle du développement durable de classe exceptionnelle avec conservation de ses huit mois d'avantages spécifiques d'ancienneté, dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de

3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908623 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2022, M. Crespin, représenté par Me Deniau de la selarl Cadrajuris, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et des territoires, à titre principal, de prendre une nouvelle décision prenant en compte tous ses avantages spécifiques d'ancienneté ZUS et QPV et le reclassant, au plus tard à compter du 1er janvier 2019, à l'échelon 10 du grade de secrétaire d'administration et de contrôle du développement durable de classe exceptionnelle avec conservation de ses huit mois d'avantages spécifiques d'ancienneté, dans un délai de

trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en se fondant sur son changement de corps pour rejeter sa demande, alors que ce moyen n'avait pas été invoqué par le ministre en défense, le tribunal a retenu un moyen qui n'a pas été soumis au contradictoire et a donc entaché son jugement d'une irrégularité ;

- en considérant que son changement de corps fait obstacle à la prise en compte de son avantage spécifique d'ancienneté, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- la décision du 16 mai 2019 n'est pas motivée en droit et n'est pas suffisamment motivée en fait, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette mesure a été prise au mépris de l'exigence formelle de l'article L. 212-1 du même code faute de comporter la signature, la qualité de son auteur, et le service dont il relève ;

- les décisions en litige sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, aucun texte n'interdisait le report de bonification d'ancienneté en cas de changement de corps, ainsi que l'a considéré le ministre dans sa décision notifiée le 15 mai 2013 et, en tout état de cause son changement de corps étant intervenu antérieurement aux décisions litigieuses.

La requête de M. Crespin a été communiquée au ministre de la transition écologique et des territoires qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 9 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au

27 novembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- le décret n° 2012-1065 du 18 septembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. Crespin, secrétaire d'administration et de contrôle du développement durable, de classe exceptionnelle depuis son accession à ce grade par un arrêté du 29 novembre 2018 à compter du 1er janvier 2019, a sollicité le 31 janvier 2019 la prise en compte de 37 mois d'avantage spécifique d'ancienneté qu'il dit avoir cumulés au 31 décembre 2014, en application du décret du 21 mars 1995, et consécutivement son reclassement à l'échelon 10 de son grade. Par un jugement du 7 janvier 2022, dont M. Crespin relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande qu'il a vue comme tendant d'une part à l'annulation à la fois de l'arrêté du 29 novembre 2018, de la décision du 16 mai 2019 ayant rejeté son recours gracieux contre cet arrêté et de la décision tacite de rejet de son recours contre cette décision, et d'autre part à ce qu'il soit enjoint au ministre de la transition écologique et des territoires, notamment, de procéder à son reclassement à l'échelon 10 de son grade, à compter du 1er janvier 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué.".

3. En jugeant, au point 7 de son jugement, que ni les articles 57 et 58 de la loi du

11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, ni aucun principe ou règle n'imposent à l'Etat, lors de la titularisation ou l'intégration d'un fonctionnaire dans un nouveau corps, même dans le cas où les fonctions exercées ne sont pas modifiées, de reprendre tout ou partie de l'ancienneté de service de ce fonctionnaire pour déterminer son ancienneté dans le nouveau corps, le tribunal, qui a de la sorte écarté le moyen de M. Crespin tiré des erreurs de droit et de fait au regard de ces dispositions législatives, s'est borné à répondre à ce moyen. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le tribunal n'a donc pas ce faisant relevé d'office un moyen, sans en avoir informé les parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, citées au point 2. Son moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

4. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Aux termes du 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives :

" Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre : (...) 3° En ce qui concerne les autres fonctionnaires civils de l'Etat, à des secteurs déterminés par arrêté conjoint du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. ". L'article 2 du même décret ajoute que : " " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année (...) ".

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 12 du décret du 18 septembre 2012 portant statut particulier du corps des secrétaires d'administration et de contrôle du développement durable, entré en vigueur le 1er octobre 2012 : " I. ' Les fonctionnaires appartenant au corps des secrétaires administratifs de l'équipement sont intégrés dans le corps des secrétaires d'administration et de contrôle du développement durable régi par le présent décret, dans la spécialité administration générale. Ils sont reclassés conformément aux dispositions de l'article 9 du décret du 19 mars 2010 susvisé ". Les dispositions du IV de ce même article précisent que : " Les intéressés conservent les réductions et majorations d'ancienneté accordées et non utilisées pour un avancement d'échelon dans leur ancien corps ".

6. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives et réglementaires citées aux points précédents que les secrétaires administratifs de l'équipement, qui bénéficient pour leur avancement, d'une bonification d'ancienneté en raison de leur affectation dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, conservent cette bonification lors de leur intégration dans le corps des secrétaires d'administration et de contrôle du développement durable, dès lors qu'ils ne l'ont pas utilisée pour un avancement d'échelon dans leur ancien corps. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas de celles de la loi du 26 juillet 1991 et du décret du 21 mars 1995, pas même des articles 57 et 58 de la loi du 11 janvier 1984, non plus que d'aucun principe, que la bonification d'ancienneté ainsi prévue, qui a pour objet de faire atteindre par l'agent concerné l'échelon supérieur de son grade plus rapidement que la durée prévue par les dispositions statutaires applicables, puisse être conservée par l'intéressé lors du passage au grade supérieur, alors même qu'elle aurait été accumulée dans l'échelon sommital du grade précédent.

En ce qui concerne les moyens d'appel de M. Crespin :

S'agissant de la légalité externe des décisions en litige :

7. D'une part, il y a lieu d'écarter les moyens, qui doivent être regardés comme dirigés en réalité contre l'arrêté du 29 novembre 2018, et qui sont tirés de l'insuffisante motivation de cette mesure et du non-respect des dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration, par adoption des motifs retenus à bon droit et énoncés avec suffisamment de précision par les premiers juges, aux points 3 et 5 de leur jugement.

8. D'autre part, les vices propres qui entacheraient la décision prise sur recours gracieux formé contre la mesure en litige sont sans incidence sur la solution de celui-ci, dès lors qu'en statuant sur ce recours, l'autorité administrative n'a pas entendu retirer ou modifier sa décision initiale et n'a pas eu à se prononcer au vu de circonstances de fait ou de droit nouvelles. Par suite, les moyens de M. Crespin tendant à invoquer la méconnaissance, par la décision du

16 mai 2019 rejetant son recours gracieux contre l'arrêté du 29 novembre 2018, des dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration et à en critiquer la motivation suffisante au regard de l'article L. 211-2 du même code, qui ont trait à des vices propres de cette décision, sont sans incidence sur la solution du litige, une telle décision ne retirant ni ne modifiant cet arrêté ni n'intervenant à la suite de circonstances de fait ou de droit nouvelles.

S'agissant de la légalité interne des décisions en litige :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 17 avril 2014, dont M. Crespin n'a reçu notification, ainsi qu'il l'indique lui-même, que le 16 mai 2019, qui a été pris en application des dispositions du IV de l'article 12 du décret du 18 septembre 2012, citées au point 5, et dont le retrait ne résulte d'aucun élément de l'instance, il a été reclassé, lors de son intégration dans le corps des secrétaires d'administration et de contrôle du développement durable à compter du 1er octobre 2012, au 12ème échelon de la classe supérieure, avec une ancienneté acquise dans cet échelon de 6 ans et 6 mois qui résulte, en vertu des énonciations mêmes de cet arrêté, de l'utilisation de 2 ans et 7 mois, soit 31 mois de " bonifications d'ancienneté ". Contrairement à ce que soutient M. Crespin, la mention, dans l'arrêté du

29 novembre 2018 en litige, d'une ancienneté dans le 13ème échelon de son grade de 6 ans et

9 mois, au 1er janvier 2017, ne démontre pas par elle-même que l'arrêté du 17 avril 2014 n'a pas tenu compte de ses bonifications d'ancienneté acquises au 1er octobre 2012, dès lors qu'il est constant que, par un arrêté du 15 avril 2013, a été prononcé son avancement à cet échelon,

au 1er novembre 2012, avec une ancienneté nulle. L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir que les décisions en litige seraient entachées d'erreur de fait, faute pour l'arrêté du 17 avril 2014, ainsi que l'a considéré la décision du 16 mai 2019, d'avoir tenu compte de 31 mois d'avantage spécifique d'ancienneté, ni que les bonifications auraient été intégrées à tort dans le calcul des réductions d'ancienneté.

10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. Crespin ne peut utilement soutenir, pour remettre en cause son reclassement opéré à l'occasion de son avancement au grade de secrétaire d'administration et de contrôle du développement durable de classe supérieure, que les décisions en litige seraient intervenues en méconnaissance d'un prétendu droit au report des bonifications d'ancienneté tirées des dispositions de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique de l'Etat et du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de cette loi, ces dernières dispositions ne prévoyant la mise en œuvre de l'avantage spécifique d'ancienneté qu'elles instituent, que pour l'avancement d'échelon. Si, par une décision du 14 mai 2013, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement, lui a indiqué qu'il ne pouvait alors utiliser les bonifications d'ancienneté compte tenu de son classement au dernier échelon de son grade mais qu'il pourrait en faire usage lors de son avancement de grade, une telle décision, qui a été entièrement retirée par l'arrêté du

17 avril 2014 procédant au reclassement de l'agent dans son nouveau corps, à compter du

1er octobre 2012, n'est ainsi pas de nature à lui avoir ouvert droit à un report de bonification d'ancienneté lors de son changement de grade, le 1er janvier 2019. Son moyen tiré de l'erreur de droit qui aurait été commise au regard des dispositions citées aux points 4 et 5 ne peut donc être accueilli.

11. En dernier lieu, M. Crespin ne peut utilement se plaindre de ce que les décisions en litige n'auraient pas tenu compte de 6 des 37 mois d'avantage spécifique d'ancienneté dont il pensait pouvoir bénéficier, dès lors que cette bonification ne pourra produire ses effets que lors de son prochain avancement d'échelon, en 2021. Il en va de même des huit mois d'un tel avantage dont il affirme bénéficier depuis 2015.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. Crespin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction avec astreinte et ses prétentions relatives à ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Crespin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Crespin et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

N° 22MA004122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00412
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-06-02-02 Fonctionnaires et agents publics. - Notation et avancement. - Avancement. - Avancement d'échelon.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22ma00412 ?
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