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15/02/2024 | FRANCE | N°23MA02217

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23MA02217


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme K... J..., Mme H... D..., M. G... et Mme S... C..., M. O... et Mme I... N..., M. L... et Mme P... Q..., M. F... et Mme E... U... et M. R... et Mme M... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le maire de La Cadière d'Azur a délivré à M. T... A... un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur un terrain sis 1032 chemin des Luquettes sur le territoire communal, ensemble la décision implicite re

jetant leur recours gracieux.



Par une ordonnance n° 2301040 du 29 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... J..., Mme H... D..., M. G... et Mme S... C..., M. O... et Mme I... N..., M. L... et Mme P... Q..., M. F... et Mme E... U... et M. R... et Mme M... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le maire de La Cadière d'Azur a délivré à M. T... A... un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur un terrain sis 1032 chemin des Luquettes sur le territoire communal, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par une ordonnance n° 2301040 du 29 juin 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a, sur le fondement des dispositions du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2023, Mme J..., représentée par Me Andreani, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 29 juin 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 du maire de La Cadière d'Azur ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Cadière d'Azur la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les modalités de régularisation de la requête de première instance n'ont pas été suffisamment précisées par le tribunal ; l'ordonnance attaquée est, dès lors, irrégulière ;

- l'ordonnance attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 414-5 du code de justice administrative qui n'imposent pas une numérotation continue de l'ensemble des pièces, alors en outre que l'application "télérecours citoyen " génère automatiquement l'inventaire des pièces, sur lequel le requérant n'a pas de prise ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de la possibilité de ne pas écarter des pièces irrégulièrement présentées ;

- sa requête est recevable car elle est voisine immédiate du projet et justifie d'un intérêt à agir ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions des articles A 1 et UM 1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de La Cadière d'Azur ;

- il est entaché d'incompétence au regard des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2023, la commune de La Cadière d'Azur, représentée par Me Chassany, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme J... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée n'est pas entachée d'irrégularité ;

- la demande de première instance est irrecevable au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- la demande de première instance est irrecevable au regard des dispositions de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration car la demande de première instance a été formée après l'expiration du délai de recours ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; en tout état de cause, il doit être écarté au regard de l'avis tacite favorable du préfet ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du règlement du PLU de La Cadière d'Azur est inopérant, dans la mesure où seul le règlement national d'urbanisme (RNU) s'appliquait à la date de la décision contestée ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Faure-Bonaccorsi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme J... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée n'est pas entachée d'irrégularité ;

- la demande de première instance est irrecevable au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- la demande de première instance est irrecevable au regard des dispositions des articles L. 410-1 et L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration, R. 421-1 du code de justice administrative et R. 600-2 du code de l'urbanisme ;

- les moyens dirigés contre la décision contestée ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail, président ;

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;

- les observations de Me Tosi, représentant Mme J..., de Me Gandoulphe, substituant Me Chassany, représentant la commune de La Cadière d'Azur, et de Me Faure-Bonaccorci, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme J..., Mme D..., M. et Mme C..., M. et Mme N..., M. et Mme Q..., M. et Mme U... et M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le maire de La Cadière d'Azur a délivré à M. A... un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur un terrain sis 1032 chemin des Luquettes sur le territoire de la commune, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux. Les intéressés, qui n'étaient pas représentés par un avocat, ont formé cette demande de première instance de manière dématérialisée, en utilisant le téléservice mentionné à l'article R. 414-2 du code de justice administrative, communément désigné sous l'appellation " Télérecours Citoyen ". Mme J... relève appel de l'ordonnance par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de première instance en application des dispositions de l'article R. 222-1 4°).

2. Aux termes d'une part de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".

3. Le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de première instance en application des dispositions précitées au motif qu'en dépit de la demande de régularisation qui lui a été adressée par le tribunal administratif de Toulon le 12 juin 2023, Mme J..., représentante unique des parties en application de l'article R. 411-5 du code de justice administrative, n'a pas, dans le délai de quinze jours qui lui était imparti, régularisé sa requête en produisant des fichiers de pièces jointes dans un ordre de présentation conforme à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête et qu'à défaut de régularisation, les conditions de recevabilité de la requête prévues par les articles R. 600-1 et L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ne peuvent être justifiées à la lecture des pièces jointes.

4. D'une part, aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant... ". Aux termes de l'article R. 414-2 du même code : " Les personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, autres que celles chargées de la gestion permanente d'un service public, peuvent adresser leur requête à la juridiction par voie électronique au moyen d'un téléservice accessible par le réseau internet. Ces personnes ne peuvent régulièrement saisir la juridiction par voie électronique que par l'usage de ce téléservice. Les mémoires et pièces ultérieurement produits doivent être adressés à la juridiction au moyen de ce même téléservice, sous peine d'être écartés des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction... ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 414-5 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1, R. 412-2 et R. 611-1-1, le requérant est dispensé de produire des copies de sa requête, de ses mémoires complémentaires et des pièces qui y sont jointes. Il est également dispensé de transmettre l'inventaire détaillé des pièces lorsqu'il utilise le téléservice mentionné à l'article R. 414-2 ou recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application mentionnée à l'article R. 414-1. Le requérant transmet chaque pièce par un fichier distinct, à peine d'irrecevabilité de sa requête. Cette obligation est applicable à la transmission des pièces jointes aux mémoires complémentaires, sous peine pour le requérant de voir ces pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. Chaque fichier transmis au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 porte un intitulé commençant par le numéro d'ordre affecté à la pièce qu'il contient par l'inventaire détaillé. Lorsque le requérant recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application, l'intitulé du fichier décrit également le contenu de cette pièce de manière suffisamment explicite. Chaque pièce transmise au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 porte un intitulé décrivant son contenu de manière suffisamment explicite. / Les obligations fixées au précédent alinéa sont prescrites au requérant sous peine de voir la pièce écartée des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. (...) ". Les dispositions de l'article R. 414-5 précité ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions et concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice.

6. Il résulte des pièces du dossier que par des courriers des 14 avril, 11 mai, 7 juin et 12 juin 2023, le tribunal administratif de Toulon a invité les requérants, qui l'avaient saisi au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 ainsi qu'il a été dit au point 1, à régulariser leur requête de sorte que les intitulés des pièces jointes soient numérotés aussi bien sur l'inventaire que sur le fichier permettant d'y accéder sur le support dématérialisé. La lettre du 12 juin 2023 précisait en outre que les pièces devaient être jointes dans l'ordre prévu par l'inventaire et qu'en l'absence de régularisation des pièces jointes produites dans un délai de quinze jours, celles-ci seraient écartées des débats, cette circonstance faisant alors obstacle à la preuve, par la requérante, du respect des conditions de recevabilité posées par les articles R. 600-1, R. 600-4 et L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, et autoriserait ainsi la juridiction à rejeter cette requête par ordonnance sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

7. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article R. 414-15 précité que l'obligation de numéroter les fichiers dématérialisés joints ne s'applique pas aux pièces transmises au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 de ce code. En outre, n'étant pas eux-mêmes à l'origine de la création de l'inventaire, qui est généré automatiquement par le téléservice mentionné à l'article R. 414-2, il ne peut être reproché aux demandeurs de première instance une discordance entre l'ordre des pièces produites et l'inventaire lui-même. Par ailleurs si les requérants ont produit plusieurs fois les mêmes pièces, ils avaient intitulé chaque pièce produite, et ont permis à la juridiction un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure. Mme J... est dès lors fondée à soutenir que la demande de première instance ne pouvait pas être rejetée comme manifestement irrecevable en application des dispositions de l'article R. 414-5.

8. En revanche, l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 de ce code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier...Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. ".

9. Il ressort des constats dressés les 14 octobre, 14 novembre et 15 décembre 2022 par un commissaire de justice, lesquels font foi jusqu'à la preuve contraire, que le permis de construire en litige a été affiché pendant une période continue de deux mois à compter du 14 octobre 2022. Si les requérants ont soutenu en première instance que la date du début d'affichage ne figurait pas sur le panneau, une telle mention n'est pas exigée par les dispositions des articles A. 424-15 à A. 424-19 du code de l'urbanisme, et son absence n'a donc pas fait obstacle au départ du délai de recours contentieux. Le recours gracieux adressé au maire de La Cadière d'Azur le 18 décembre 2022, était dès lors tardif et n'a donc pas été de nature à interrompre le délai de recours contentieux, qui était expiré quand la demande de première instance a été enregistrée le 9 avril 2023 au greffe du tribunal administratif de Toulon.

10. Dans ces conditions, Mme J... n'est pas fondée se plaindre que par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Cadière d'Azur, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme J... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme J... les sommes demandées par la commune de La Cadière d'Azur et M. A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme J... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... J..., à la commune de La Cadière d'Azur et à M. T... A....

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

2

N° 23MA02217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02217
Date de la décision : 15/02/2024

Analyses

54-01-08 Procédure. - Introduction de l'instance. - Formes de la requête.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CHASSANY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23ma02217 ?
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