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15/02/2024 | FRANCE | N°23MA00299

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 février 2024, 23MA00299


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2022 par lequel le préfet du Var l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2022 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé

le pays de destination.



Par l'article 1er du jugement n° 2203362, 2203363 du 5 janvier 2023, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2022 par lequel le préfet du Var l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2022 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par l'article 1er du jugement n° 2203362, 2203363 du 5 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a accordé à M. C... et à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2023, M. C... et Mme B..., représentés par Me Lagardère, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 5 janvier 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Var du 17 novembre 2022 ou à défaut de suspendre leurs effets ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de leur délivrer une autorisation de séjour ou une attestation de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de réexaminer leur situation ;

4°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés sont entachés d'un défaut d'examen particulier ;

- le préfet a pris les arrêtés sans respecter leur droit d'être entendus ;

- en les obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire ont été prises en méconnaissance de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'exécution des mesures d'éloignement doit être suspendue eu égard au changement des circonstances de droit ou de fait.

La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.

Par des décisions du 31 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, et rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les demandes d'asile présentées par M. C... et Mme B..., ressortissants nigérians nés en 1990 et 1988, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par des décisions du 14 décembre 2021, confirmées le 3 octobre 2022 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par deux arrêtés du 17 novembre 2022 pris au vu de ces décisions, le préfet du Var a obligé M. C... et Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... et Mme B... relèvent appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 5 janvier 2023 en tant qu'il a rejeté les conclusions de leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par des décisions du 31 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C..., et rejeté celle présentée par Mme B.... Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur leurs conclusions tendant à ce qu'ils soient admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur le bien-fondé de jugement :

4. En premier lieu, le préfet, après avoir relevé dans les arrêtés du 17 novembre 2022 que les demandes d'asile présentées par M. C... et Mme B... ont été rejetées par l'OFPRA puis la CNDA, indique notamment qu'ils sont parents de trois enfants dont les demandes d'asile déposées auprès de l'OFPRA ont été rejetées. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile présentées pour leurs enfants nés le 26 janvier 2022 ont été rejetées par des décisions de l'OFPRA du 17 mai 2022 et du 18 mai 2022, ainsi que cela ressort des mentions portées sur les fiches " Telemofpra " produites par le préfet en première instance. Par suite, et sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que ces fiches ne permettraient pas de démontrer la régularité de la notification des décisions de rejet, le préfet, contrairement à ce qui est soutenu, doit être regardé comme ayant procédé à un examen particulier de la situation de M. C... et Mme B....

5. En deuxième lieu, si l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse, non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Toutefois, M. C... et Mme B... ont été mis à même, dans le cadre de leurs demandes d'asile, de porter à la connaissance de l'administration, et des instances chargées de l'examen de ces demandes, l'ensemble des informations relatives à leurs situations personnelles dont ils souhaitaient se prévaloir et il n'est pas établi qu'ils auraient été empêchés de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que soient pris à leur encontre les arrêtés attaqués, alors qu'ils ne pouvaient pas ignorer qu'en cas de rejet de leurs demandes d'asile, ils seraient susceptibles de faire l'objet de mesures d'éloignement. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

6. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... et Mme B... déclarent être entrés en France en décembre 2018, et qu'ils ont eu trois enfants, nés pour le premier le 22 mars 2019, et pour les deux derniers le 26 janvier 2022. S'ils font valoir que l'état de santé de leurs plus jeunes enfants nécessite des soins médicaux qui ne peuvent être interrompus, il ressort du certificat médical rédigé par un pédiatre le 18 août 2022 que ces enfants, nés prématurément, ont fait l'objet d'une hospitalisation en réanimation néonatale " sans problème particulier a priori ", et que l'un d'entre eux souffre d'un reflux gastro-œsophagien, a une peau très atopique, et reste en dessous de la courbe normale de taille et de poids malgré une prise de poids régulière. S'ils produisent par ailleurs un certificat rédigé postérieurement aux arrêtés en litige par le même médecin, selon lequel, notamment, les enfants " nécessitent un suivi médical spécifique et rapproché au vu des conséquences liées à la très grande prématurité ", et l'un d'entre eux " est en attente d'un avis gastro pédiatrique pour des problèmes digestifs et un retard de croissance important ; il est en attente d'une chirurgie testiculaire ", ce document est insuffisamment circonstancié quant à la nature du suivi médical lié à la prématurité. Dans ces conditions, les requérants ne démontrent pas l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale au Nigéria, où ils n'allèguent pas être dépourvus d'attaches familiales. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France des intéressés, les décisions contestées n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises, et n'ont, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les décisions en litige ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision./ L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas./ Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les requérants ne justifient d'aucune circonstance de nature à justifier de la nécessité de différer leur départ. Par conséquent, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne leur accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours. Pour les mêmes motifs, ils n'établissent pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne leur accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

10. En cinquième et dernier lieu, en se bornant à produire la copie de formulaires de dépôt de dossiers de titre de séjour non datés, ainsi que de bordereaux de lettres recommandées avec avis de réception ne comportant aucune mention permettant établir la réception des plis, les requérants ne justifient en tout état de cause d'aucune circonstance de droit ou de fait faisant obstacle à la mesure d'éloignement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par suite, leurs conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre M. C... et de Mme B... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et Mme A... D... B..., à Me Lagardère et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.

2

N° 23MA00299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00299
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : LAGARDERE CAROLE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23ma00299 ?
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