La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2024 | FRANCE | N°22MA01853

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 février 2024, 22MA01853


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Francis M. a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été

infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.



Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Francis M. a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 18003754 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2022, la SARL Francis M., représentée par Me Ciaudo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mai 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les propositions de rectification qui lui ont été adressées sont insuffisamment motivées ;

- elles sont insuffisamment motivées au regard des énonciations de l'instruction du 17 janvier 1978, publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 13-L-1-78, de la doctrine administrative référencée 13 L-1513, n°s 73 et 78, et de la note du 25 mai 1965, n° 35 ;

- c'est à tort que le vérificateur a regardé sa comptabilité comme irrégulière et non probante ;

- la doctrine administrative référencée 4 G-3341, n°s 9 et 10, relative à la régularité de la comptabilité, est opposable à l'administration ;

- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration est radicalement viciée ;

- c'est à tort que l'administration refuse l'imputation sur le résultat de l'exercice clos en 2014 du déficit reportable de l'exercice clos en 2012 ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré ;

- l'administration a méconnu le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant qu'il y avait lieu d'appliquer la majoration pour manquement délibéré ;

- l'application de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce qu'il soit constaté qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à hauteur des remises accordées en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- la remise des amendes infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts a été accordée après que la SARL Francis M. a été placée en liquidation judiciaire ;

- à titre principal, la requête, qui ne contient pas de moyens d'appel, est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la SARL Francis M. ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur la demande de décharge des intérêts de retard, qui ont été remis par l'administration par une décision du 7 novembre 2022.

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué à la Cour ne pas avoir d'observations à formuler au sujet de ce moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Francis M., qui a exploité à Nice un restaurant sous l'enseigne " B...", jusqu'en mai 2013, puis un restaurant-bar sous l'enseigne " D..." à compter d'août 2013, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir notamment écarté sa comptabilité et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période considérée, et a fait application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. La SARL Francis M. relève appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés, des pénalités correspondantes, et des amendes mises à sa charge.

Sur l'étendue du litige :

2. L'administration, sur le fondement du I de l'article 1756 du code général des impôts, a prononcé le 7 novembre 2022, postérieurement à l'introduction de la requête, la remise des intérêts de retard et des amendes infligées à la SARL Francis M., en raison de son placement en liquidation judiciaire, soit un montant total de 418 738 euros. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".

4. Les propositions de rectification datées du 26 décembre 2016 et du 10 mai 2017, relatives respectivement à la période du 1er janvier au 31 décembre 1013 et à celle du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, qui indiquent le montant des rectifications, les impôts concernés et les années d'imposition, mentionnent de manière détaillée les raisons pour lesquelles le vérificateur a estimé que la comptabilité de la SARL Francis M. était dépourvue de caractère probant, exposent les méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires des secteurs " restauration " et " bar ", et indiquent les montants des chiffres d'affaires reconstitués par l'application de ces méthodes. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, l'annexe 1 à la proposition de rectification du 26 décembre 2016 ainsi que des annexes 1 et 1 bis à la proposition de rectification du 10 mai 2017 mentionnent le détail des achats retenus en les distinguant par fournisseurs et par liquides, et les propositions de rectification précisent que les prix de vente retenus sont ceux qui ressortent des fichiers de caisse, à l'exception des prix des bières, du vin et du champagne, pour lesquels un prix moyen au centilitre a été déterminé en divisant le chiffre d'affaires toutes taxes comprises par les quantités totales vendues. Par suite, le moyen tiré de ce que ces propositions de rectification seraient insuffisamment motivés doit être écarté ;

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

6. La SARL Francis M. ne saurait se prévaloir de l'instruction du 17 janvier 1978, publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 13-L-1-78, de la doctrine administrative référencée 13 L-1513, n°s 73 et 78, et de la note du 25 mai 1965, n° 35 dès lors que, relatives à la procédure d'imposition, elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

7. En premier lieu, le vérificateur a notamment relevé, s'agissant des données informatiques de la caisse enregistreuse qui lui ont été transmises par la SARL Francis M., d'une part, l'absence de clé commune entre les fichiers du journal des ventes et du journal des règlements, de " table des articles " permettant de définir la référence unique d'un article, et d'historique chronologique des commandes, et, d'autre part, la remise à zéro quotidienne de la numérotation des tickets de caisse jusqu'au 13 octobre 2014, et, à compter de cette date, des anomalies de numérotation ainsi que l'absence d'enregistrement de certains tickets. La seule production par la société requérante d'une attestation du gérant de la société d'informatique gestionnaire du logiciel de caisse selon laquelle, d'une part, la clé commune entre les tables serait la donnée enregistrée dans le champ " VTE_COMPOSTAGE ", et, d'autre part, l'heure d'enregistrement de tous les articles est identique lorsque la note n'est pas validée dans le système, alors que l'administration fait valoir que les données du champ " VTE_COMPOSTAGE " ne permettent pas d'associer convenablement les tables du journal des ventes et du journal des règlements et que l'enregistrement de toutes les ventes figurant sur une note à la même heure est systématique, n'est pas suffisante pour contredire l'administration quant à ces anomalies. Par ailleurs, le vérificateur a relevé que la société a enregistré des ventes sous les libellés " divers ", qui ne permettent pas de rapprocher les achats et les ventes. L'administration fait valoir sans être contredite que pour l'année 2013, les ventes de " divers vins " représentent 22 % du chiffre d'affaires comptabilisé au titre des vins, les ventes de " divers plats " représentent près de 10 % du chiffre d'affaires des solides, et que pour les années 2014 et 2015, des produits vendus sous les libellés " divers " représentent respectivement 7 et 6 % du chiffre d'affaires. En outre, il est constant que le gérant n'a pas produit d'inventaire des stocks au titre de la clôture de l'exercice 2013. Enfin, le vérificateur a relevé que le rapprochement entre les achats revendus et les ventes comptabilisées de certains produits fait ressortir des écarts importants au cours de l'ensemble de la période vérifiée, alors même qu'il a été tenu compte pour ce rapprochement des pertes, de la consommation du personnel, de l'utilisation des boissons en cuisine, des offerts, et de la variation des stocks pour l'exercice clos en 2015. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le vérificateur a pu à bon droit tenir la comptabilité présentée par la SARL Francis M. au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 comme non probante et procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires.

8. En deuxième lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 9 et 10 de la documentation administrative référencée 4 G-3341, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

9. Le vérificateur a reconstitué séparément les recettes de l'activité " restauration ", et celle de l'activité " bar " de l'établissement exploité par la SARL Francis M. sous l'enseigne " D... ". La méthode retenue pour reconstituer les recettes de l'activité de restauration a consisté à déterminer, dans un premier temps, le coefficient des ventes de certaines boissons par rapport au chiffre d'affaires total de l'activité, à partir des données figurant sur le ticket " Z " remis au vérificateur. A... un deuxième temps, le vérificateur a reconstitué les recettes théoriques des ventes de boissons à partir des factures d'achats présentées ou obtenues dans le cadre de l'exercice du droit de communication, dont le montant a été corrigé des variations de stocks ressortant des inventaires présentés. Enfin, l'application à ces recettes du coefficient des liquides vendus par rapport au chiffre d'affaires déclaré au titre de la restauration a permis de déterminer le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'activité " restauration ". Le vérificateur a appliqué des abattements notamment au titre des pertes, de la consommation du personnel et des dirigeants, de l'utilisation des boissons en cuisine, et des offerts. Contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des tableaux reproduits à l'annexe 1 de la proposition de rectification du 26 décembre 2016, relatifs à la synthèse des vins et aux achats réalisés auprès du fournisseur " Brumont ", qu'eu égard au nombre de centilitres totaux retenus pour ce fournisseur, le vérificateur n'a pas pris en compte deux fois certaines de ses factures au titre de l'année 2013. En outre, si la société fait valoir que doivent être exclues, pour le calcul des recettes, des boissons retournées au fournisseur, l'administration fait valoir sans être contredite que les états statistiques communiqués par le fournisseur en réponse au droit de communication prennent en compte ces retours de marchandises. Par ailleurs, la société requérante, qui n'a pas présenté d'inventaire des stocks au titre de l'exercice clos en 2013, n'est pas fondée à revendiquer la prise en compte d'une variation de stock, alors même qu'elle a comptabilisé au 31 décembre 2013 un stock pour un montant de 8 320 euros. De même, si la SARL Francis M. fait valoir que des boissons utilisées pour la préparation des cocktails et incluses dans des menus et formules n'auraient pas dû être retenues, elle se borne à produire à cet égard des tableaux établis par ses soins ainsi que les tickets " Z " de l'année 2013, qui en eux-mêmes sont insuffisants pour justifier de l'utilisation de certaines boissons pour la préparation des cocktails ou de l'inclusion de boissons dans des formules et menus, alors que l'administration, qui a au demeurant admis l'utilisation du soda dans les cocktails et l'inclusion de boissons " soft " dans les formules et menus pour les années 2014 et 2015, fait notamment valoir que la société n'a pas indiqué avoir utilisé les boissons en cause pour la confections des cocktails au cours du débat oral et contradictoire. Si la société requérante fait également valoir que la consommation du personnel et des dirigeants n'a pas été suffisamment prise en compte, elle ne justifie pas que ces consommations seraient supérieures à celles qui ont été retenues en se prévalant d'écritures comptables relatives aux avantages en nature correspondant à la consommation des salariés, des dirigeants et de leurs familles, l'administration ayant d'ailleurs pris en compte des consommations supplémentaires pour le dirigeant et sa famille s'agissant des années 2014 et 2015. En ce qui concerne les boissons offertes, au titre desquelles l'administration a appliqué des abattements de 2 %, à l'exception du champagne (5 %) et du café (50 % en 2013 et 20 % en 2014 et 2015), la société requérante ne justifie pas que les offerts auraient été supérieurs à ceux qui ont été retenus en se bornant à faire état de la soirée d'inauguration de l'établissement, et de l'écriture enregistrée afin de comptabiliser les offerts à cette occasion, ainsi que de la soirée " deuxième anniversaire ". Pour le même motif, elle n'est pas fondée à revendiquer l'application d'un abattement sur le café porté à 50 % pour les années 2014 et 2015, l'administration ayant d'ailleurs tenu compte pour ces deux années des offerts comptabilisés dans le ticket " Z " qui lui a été remis. En ce qui concerne par ailleurs les pertes, la société ne produit aucun élément de nature à justifier que les réfactions retenues seraient insuffisantes, alors que l'administration a appliqué à ce titre des abattements de 2 % pour l'ensemble des boissons, à l'exception des vins et champagnes (2,5 %), et des bières servies à la pression (20 %), soit des abattements conformes aux usages et tenant compte du dysfonctionnement du système électrique s'agissant de la bière pression. Enfin, la circonstance que le gérant, victime d'un accident, a été dans l'incapacité de travailler durant 17 mois au cours de la période vérifiée est sans incidence sur la pertinence de la méthode de reconstitution, qui repose sur les achats revendus de liquides. A... ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution retenue par l'administration serait radicalement viciée.

En ce qui concerne l'imputation de déficit de l'exercice clos en 2012 :

10. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant. Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extra-comptable suffisamment probante.

11. Il est constant qu'au titre des exercices clos en 2011 et 2012, aucune pièce comptable n'a été présentée par la SARL Francis M.. A... ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité du déficit de l'exercice clos en 2012. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a rejeté l'imputation de ce déficit sur l'exercice clos en 2014.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

13. La SARL Francis M. a entaché sa comptabilité d'insuffisances graves et a, de façon répétée, perçu des recettes non comptabilisées. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt sanctionnée par l'article 1729 du code général des impôts. L'administration, qui ne s'est pas seulement bornée à relever l'importance des sommes éludées ou l'existence de simples irrégularités comptables, mais qui s'est attachée à caractériser l'élément intentionnel du manquement constaté, doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la requérante. De plus, l'administration ayant établi l'intention délibérée de la SARL Francis M. d'éluder l'impôt, elle n'a pas méconnu le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La société requérante n'est ainsi pas fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré mises à sa charge.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SARL Francis M. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Francis M. la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : A concurrence de la somme de 418 738 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Francis M..

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Francis M. est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Francis M. et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.

2

N° 22MA01853


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award