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15/02/2024 | FRANCE | N°21MA03486

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 février 2024, 21MA03486


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SA Generim a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015, ainsi que cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement no 1910985 du 25 juin 2021, le trib

unal administratif de Marseille a partiellement déchargé la société des rappels de taxe sur la vale...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Generim a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015, ainsi que cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement no 1910985 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a partiellement déchargé la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2021, la SA Generim, représentée par la SELARL CM-Tax, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 5 du jugement du 25 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations restant en litige ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors que le tribunal a méconnu les règles régissant la charge de la preuve résultant de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

- les charges résultant d'honoraires et de frais de déplacement sont déductibles ;

- les frais kilométriques remboursés au profit de M....et de M. ... sont justifiés ;

- les dépenses effectuées via les cartes bancaires mises à disposition par l'entreprise ont été réalisées dans l'intérêt de l'entreprise, à l'exception d'une somme de 2 041,42 euros en 2014 ;

- les honoraires versés à la société de droit anglais F... sont justifiés ;

- la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces dépenses était déductible par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA Generim ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Generim, qui exerce une activité de promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étendue au 31 mars 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par deux propositions de rectification du 19 décembre 2016 et du 27 juillet 2017, l'administration fiscale l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015, ainsi qu'à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Par un jugement du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille l'a partiellement déchargée des impositions en litige. La SA Generim fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la charge de la preuve :

2. D'une part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant la dévolution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". En adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, éclairé, au demeurant, par les travaux préparatoires auxquels celui-ci a donné lieu, le législateur a seulement entendu mettre fin, sous réserve du cas prévu au deuxième alinéa du même article, à l'état du droit antérieur selon lequel l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires avait pour effet, s'il était favorable à l'administration fiscale, d'attribuer au contribuable la charge d'une preuve que l'intéressé n'aurait pas supportée en l'absence de saisine de cette commission. En revanche, le législateur n'a pas entendu déroger aux principes généraux régissant la charge de la preuve et exiger de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge n'est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, saisie, a rendu un avis même favorable au contribuable.

4. Les règles relatives à la preuve se rapportent au fond du litige. Par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de telles règles pour faire valoir que la procédure d'imposition ou le jugement du tribunal administratif seraient entachés d'irrégularité. En outre, les règles énoncées aux points 2 et 3, dont le tribunal administratif a fait application à bon droit, s'appliquent quel qu'ait été le sens de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires.

Sur les honoraires et les frais de déplacement :

5. D'une part, l'administration a remis en cause des frais de déplacement à hauteur de 10 382 euros. La SA Generim fait valoir qu'ils se rapportent à un salarié détaché au sein d'une sous-filiale marocaine, fils d'un des dirigeants. Elle se borne à soutenir que cette opération de détachement a été réalisée dans l'intérêt de l'entreprise, sans justifier du caractère professionnel des dépenses contestées, alors que l'avenant au contrat de travail du salarié prévoit d'une part que ce salarié dispose d'une voiture de fonction, et d'autre part que ses frais de déplacement sont pris en charge par la société d'accueil. C'est par suite à bon droit que la déduction de ces frais a été refusée par l'administration fiscale.

6. D'autre part, l'administration a remis en cause, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, la prise en charge d'honoraires d'avocat à hauteur de 4 129 euros et d'honoraires d'une société de conseil à hauteur de 13 250 euros, au motif que ces prestations avaient été effectuées au bénéfice d'une filiale étrangère et que les avantages consentis n'avaient pas été justifiés par l'obtention de contreparties. Ainsi que l'a déjà jugé le tribunal administratif, la société requérante n'apporte pas d'éléments tangibles pour justifier des contreparties obtenues en contrepartie de la prise en charge de ces frais.

Sur le remboursement des frais kilométriques des dirigeants :

7. L'administration a remis en cause le remboursement des frais kilométriques au profit du président directeur général M. E... A... à hauteur de 13 899 euros en 2014 et de 3 274 euros en 2015, et au profit du directeur général délégué, M. E... B..., à hauteur de 23 148 euros en 2013, de 24 484 euros en 2014, et de 16 733 euros en 2015. La SA Generim disposait d'une flotte de plusieurs véhicules, dont un véhicule de marque Mercedes déclaré en tant que véhicule de fonction par M. A..., et un second véhicule également de marque Mercedes assuré au nom de M. B..., dont il assurait le paiement du carburant au moyen de la carte bancaire de la société. Elle fait cependant valoir que les dirigeants n'ont pas utilisé ces véhicules, mais des véhicules personnels de type Renault Scénic pour M. A... et de marques Audi et Toyota pour M. B.... En se bornant à produire un courrier d'assureur selon lequel le personnel de la société peut également utiliser l'un des véhicules de celle-ci, et les notes de frais établies par M. A..., elle n'apporte pas la preuve de l'utilisation professionnelle des véhicules personnels des dirigeants dont elle a remboursé les frais, et par suite, du principe et du montant des charges remises en cause.

Sur les dépenses effectuées via les cartes bancaires de la société :

8. L'administration a remis en cause, au titre des exercices 2014 et 2015, les charges correspondant à des dépenses effectuées par le président directeur général et le directeur général délégué au moyen de cartes bancaires mises à disposition par la société. En appel, la SA Generim conteste essentiellement la remise en cause des dépenses de restauration. Elle fait valoir que des dîners d'affaires peuvent avoir lieu le vendredi soir et le week-end, en invoquant à l'appui de son affirmation l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires. En considérant seulement que cette explication était " vraisemblable ", la commission a implicitement admis que la contribuable n'apportait pas, devant elle, la preuve de la réalisation de ces dépenses dans l'intérêt de l'entreprise, dans le contexte d'une large utilisation des cartes bancaires mises à disposition par l'entreprise à des fins personnelles par les intéressés. Une telle vraisemblance, au demeurant contredite par l'existence de dépenses de restauration dont le caractère personnel est avéré, ne peut constituer une telle preuve. Le tribunal administratif a admis la déduction de frais supplémentaires à hauteur de 6 712,04 euros en 2014 et 4 503,24 euros en 2015. La SA Generim, qui ne produit pas de justificatif nouveau en appel, n'établit pas que les sommes ainsi admises en déduction seraient insuffisantes et que le caractère professionnel des sommes restant en litige serait établi.

Sur les honoraires versés à la société F... :

9. La SA Generim a conclu une convention commerciale le 15 juillet 2014 avec la société de droit anglais F... afin de lui confier une mission de recherche de biens immobiliers ayant vocation, après transformation, à être vendus en bloc à des investisseurs. L'article 6 de cette convention prévoit une rémunération totale de 400 000 euros hors taxe en cas de réalisation de quatre opérations immobilières déterminées. L'article 7 prévoit en outre le versement d'une avance sur honoraires de 200 000 euros à la société F..., non remboursable en cas d'absence de réalisation des opérations en cause, à titre de contrepartie du travail déjà mené et en couverture des frais engagés dans l'exercice de la mission commerciale. L'administration a remis en cause, au titre de l'exercice 2014, la charge déduite par la SA Generim en raison du versement de la somme de 200 000 euros à la société F.... Les premiers juges ont admis la déduction d'une somme de 100 000 euros au titre de cette charge pour tenir compte de la réalisation d'un projet situé rue Niepce, à Paris. L'administration a opposé le fait que le projet situé à Combloux avait déjà donné lieu à la rémunération d'une autre société en tant qu'apporteur d'affaires. Cette circonstance, également retenue par les premiers juges pour refuser la déduction de l'intégralité de la somme en question, n'est pas contestée en appel. S'agissant de l'acquisition d'un ensemble de parkings, dit " C... ", il n'est pas établi que celle-ci corresponde au projet dit " D... " figurant dans la convention, qui le présentait comme une opération passée. En outre, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que la société F... aurait joué un rôle dans la transaction portant sur l'ensemble de parkings " C... ". La SA Generim n'établit pas davantage que la somme admise en déduction serait insuffisante.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

10. D'une part, l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 40 000 euros afférente à la rémunération versée à la société F... par un motif propre, tenant à l'absence d'auto-liquidation de la taxe relative à des prestations de service effectuées par une société assujettie établie hors de France. Ce motif n'est pas contesté par la société requérante, qui n'est dès lors pas fondée à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant.

11. D'autre part, la société requérante demande la décharge des autres rappels de taxe sur la valeur ajoutée en se référant aux moyens invoqués à l'encontre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux examinés précédemment.

12. Il résulte de ce qui précède que la SA Generim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Generim est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Generim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

2

No 21MA03486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03486
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS CM-TAX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;21ma03486 ?
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