La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2024 | FRANCE | N°21MA02843

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 février 2024, 21MA02843


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Gancel a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, et, d'autre part, de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre de l'an

née 2016.



Par un jugement n° 1905496, 1906438 du 25 juin 2021, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gancel a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, et, d'autre part, de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1905496, 1906438 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2021, la société Gancel, représentée par Me Plottin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905496, 1906438 du 25 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation ;

- l'administration n'établit pas l'existence d'une renonciation à recettes constitutive d'un avantage octroyé à ses associés, alors qu'elle justifie en tout état de cause de contreparties à cette prétendue renonciation ;

- elle justifie de l'existence d'une dette à l'égard de son associé ;

- les compléments de loyer qui n'ont pas été perçus, correspondant à la remise en cause de commissions d'un intermédiaire, ne peuvent être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le dénominateur du coefficient de taxation retenu pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée déductible est erroné ;

- la retenue à la source doit être dégrevée pour les mêmes motifs qu'en matière d'impôt sur les sociétés ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est ni motivée ni fondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Gancel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 31 août 1994, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Gancel, qui avait pour activité la location meublée touristique d'un bien immobilier dénommé " Mas de Gancel " à Vernègues dans les Bouches-du-Rhône, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 8 août 2017 lui a été notifiée, une seconde proposition de rectification du 4 mars 2019 lui ayant par ailleurs été notifiée dans le cadre d'un contrôle sur pièces. Au terme de ces procédures, elle a été assujettie, d'une part, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré, et, d'autre part, à la retenue à la source, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts au titre de l'année 2016. La société Gancel relève appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La société Gancel ne peut ainsi utilement se prévaloir d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de la renonciation à recettes :

3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

4. M. et Mme A..., domiciliés aux Etats-Unis et associés chacun pour moitié de la société Gancel, créée en 2003, ont acquis la propriété " Mas de Gancel " le 8 janvier 2002. La société Gancel, dont l'activité est la location meublée touristique, loue le bien par l'intermédiaire de la société américaine France Vacation Villa Inc, dont M. A... est président. Au cours de la vérification de comptabilité de la société Gancel, l'administration a constaté qu'elle n'a pas comptabilisé de loyers pour l'occupation privative du bien par ses propriétaires, que ce soit pour leur propre usage ou celui de leurs proches ou de tout tiers autorisé par eux. Elle a estimé qu'en accordant la jouissance gratuite du bien à ses associés en renonçant à percevoir des produits tirés de la location, la société Gancel a accompli un acte anormal de gestion. L'administration a ainsi calculé le montant de la renonciation à recettes au titre des périodes d'occupation par les associés en retenant le prix de location auquel la société Gancel aurait pu prétendre si elle avait procédé à une location meublée générant une recette, aboutissant à une rectification d'un montant de 50 600 euros, 116 400 euros et 140 500 euros au titre, respectivement, des exercices 2014, 2015 et 2016. La société Gancel soutient toutefois que ses associés mettent gracieusement à sa disposition le " Mas de Gancel ", dont elle n'est pas propriétaire et qui n'a pas été inscrit à son actif, pendant les seules périodes où ils ne l'occupent pas afin qu'elle l'exploite et qu'elle n'a dès lors pas pu renoncer à la perception de loyers qu'elle ne pouvait réclamer.

5. Si le ministre fait valoir que la société Gancel, qui n'a conclu avec ses associés aucune convention écrite déterminant les conditions de mise à disposition du bien, disposait d'un " droit de jouissance exclusif " sur le bien, il se borne à faire valoir que, à compter de l'année 2008, le " Mas de Gancel " a été déclaré à l'administration fiscale comme constituant un local professionnel de type gîte occupé par la société Gancel, selon les termes d'une déclaration souscrite le 21 janvier 2008 qui faisait mention d'une surface de 510 m² et d'une piscine de 50 m². Il résulte également de l'instruction que l'objet social de la société Gancel consistait en la location meublée de cet unique bien immobilier, dont il n'est pas contesté qu'il était proposé à la location sans exclure par principe aucune période de l'année, et que la société Gancel a inscrit à l'actif du bilan des travaux, des aménagements et des agencements, excédant des travaux d'entretien et de réparation, réalisés sur la propriété de ses associés, au titre desquels elle a comptabilisé des amortissements. Par ailleurs, la société Gancel a déduit la totalité des charges afférentes au bien, telles que les dépenses de matériels, de réparation et d'entretien du mas, de la piscine et du jardin, les dépenses de fioul, d'électricité, de télécommunications, des charges financières, des impôts et les rémunérations et charges sociales d'une femme de ménage, d'un jardinier et d'un agent d'accueil employé sur l'année entière. Toutefois, ces seuls éléments, et alors qu'aucune somme n'a d'ailleurs été mise à la charge de la société Gancel par ses associés en contrepartie de la mise à disposition de l'immeuble, ne suffisent pas à justifier que cette société aurait disposé d'un " droit de jouissance exclusif " des locaux qu'elle utilisait pour les besoins de son activité commerciale et non pas d'une simple mise à disposition gratuite au titre des périodes où le " Mas de Gancel " n'était pas utilisé par ses propriétaires et, par suite, qu'en renonçant à percevoir des recettes au titre des périodes d'occupation privative du bien par ses associés, elle aurait commis un acte anormal de gestion. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête invoqués à l'encontre de ce chef de rectification, la société Gancel est fondée à demander la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 50 600 euros, 116 400 euros et 140 500 euros au titre, respectivement, des exercices 2014, 2015 et 2016.

S'agissant du passif injustifié :

6. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".

7. La société Gancel a comptabilisé au crédit du compte courant d'associés le 31 mars 2014 une somme de 26 160 euros, que l'administration a réintégrée dans la base imposable, sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts, au motif que l'existence d'une dette à l'égard des associés n'était pas établie. Si elle soutient que cette somme correspond au remboursement à M. A... de sommes avancées à l'entrepreneur chargé de la maîtrise d'œuvre de travaux de climatisation au sein du bien immobilier, en se prévalant d'une attestation de cet entrepreneur et d'un extrait de compte bancaire lui appartenant, sur lequel apparaît un crédit de 27 000 euros en provenance de la société City Bank, établie au Costa-Rica, ces documents ne comportent aucune mention du titulaire du compte de provenance de cette somme, la société Gancel se bornant à indiquer, sans apporter aucun élément de preuve, qu'elle n'est pas en mesure de produire des relevés bancaires, " compte tenu de leur antériorité et étant précisé que le compte bancaire en question est clôturé ". Dans ces conditions, la société Gancel n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une dette à l'égard de son associé.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

8. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 2. La taxe est exigible...c. Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération... ".

9. Il résulte de l'instruction qu'après avoir écarté la comptabilité du fait de ses irrégularités tirés de l'enregistrement non-chronologique et global des recettes et de l'absence de justificatifs d'une partie des recettes et des charges, ce que ne conteste pas la requérante, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires réalisé par la société Gancel au titre des périodes effectives de location du " Mas de Gancel " auprès de tiers. Il a ainsi estimé que la société Gancel avait insuffisamment déclaré la taxe sur la valeur ajoutée collectée au taux de 10 % et a procédé à des rappels de 3 451 euros, 2 509 euros et 2 254 euros au titre, respectivement, des années 2014, 2015 et 2016. Si la société Gancel soutient que l'administration n'a pas tenu compte de commissions versées à la société d'intermédiation en vue des locations, la société France Vacation Villa Inc, alors qu'elle n'aurait perçu que le loyer net après imputation des commissions, elle ne justifie pas de la réalité des commissions qui auraient été prélevées et n'établit ainsi pas que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée en cause intègrerait à tort le montant des commissions alléguées et, par suite, le montant de loyers qui n'ont pas été encaissés.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

10. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I. Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) III. 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ".

11. Au cours de la vérification de comptabilité, le vérificateur a constaté que la société Gancel a déduit, au titre de chacun des exercices en litige, la taxe sur la valeur ajoutée afférente, d'une part, aux travaux et aménagements immobilisés inscrits à l'actif, et, d'autre part, aux autres biens et services, retenant un coefficient de taxation égal à l'unité. Il a toutefois estimé que la taxe sur la valeur ajoutée n'était déductible qu'à proportion de son coefficient de taxation, qu'il a fixé à 0,72 au titre de l'année 2014, 0,45 au titre de l'année 2015 et 0,38 au titre de l'année 2016, compte tenu de l'utilisation privative du bien par les associés de la société.

12. La société Gancel fait valoir que le service a retenu à tort au dénominateur pour le calcul du coefficient de taxation un montant incluant les recettes correspondant à l'utilisation privative du bien par les propriétaires. Il résulte en effet de l'instruction que le vérificateur a inscrit au numérateur le montant annuel du chiffre d'affaires hors taxes afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, c'est-à-dire le chiffre d'affaires hors taxes reconstitué correspondant aux locations meublées, mais que, pour déterminer le dénominateur comprenant le montant annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, il s'est borné à ajouter au montant figurant au numérateur les montants des renonciations à recettes précitées en matière d'acte anormal de gestion, qu'il a en outre mentionnés dans la proposition de rectification comme des montants toutes taxes comprises, sans apporter aucun élément de nature à justifier que le montant toutes taxes comprises des renonciations à recettes retenu constituerait des opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, en se bornant à constater que ces recettes toutes taxes comprises résultent d'opérations reconstituées avec les associés.

13. Dans ces conditions, et alors que le ministre ne peut utilement se prévaloir du II de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts relatif au coefficient d'assujettissement qui n'est pas en litige, la société Gancel est fondée à soutenir que le calcul du dénominateur du coefficient de taxation est erroné et, par suite, à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée notifié sur le fondement du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts.

En ce qui concerne la retenue à la source :

14. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Aux termes de l'article 119 bis de ce code : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source (...) lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ".

15. L'administration a soumis à la retenue à la source au titre de l'année 2016, au taux prévu au b) de l'article 10 de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 modifiée, le montant correspondant à la renonciation à recettes mentionnée au point 4, regardée comme un avantage occulte accordé par la société Gancel à ses associés résidents des Etats-Unis, au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5, en l'absence de distributions, la société Gancel est fondée à demander la réduction de la base d'imposition à la retenue à la source à concurrence de 140 500 euros au titre de l'année 2016.

Sur les pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

17. D'une part, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 13, la société Gancel est fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré afférentes aux rectifications correspondantes.

18. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré, après avoir cité les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, aux rectifications relatives aux produits d'exploitation retirés des locations meublées et à l'insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée à ce titre, qui ont fait l'objet d'une reconstitution en matière d'impôt sur les sociétés qui n'est pas contestée et de taxe sur la valeur ajoutée collectée, ainsi que du profit sur le Trésor correspondant. Elle s'est fondée sur la circonstance que le chiffre d'affaires de la société Gancel, qui n'a pas tenu de journal des ventes et n'a pas présenté de justificatifs des contrats de location meublée, n'a pu être reconstitué que sur le fondement d'un tableau récapitulatif des périodes de location mentionnant un prix, en relevant que la société n'a par ailleurs produit aucun justificatif des frais d'intermédiaire dont elle se prévalait. Elle a également relevé que la société Gancel ne pouvait ignorer avoir insuffisamment comptabilisé des produits et déclaré la taxe sur la valeur ajoutée collectée. L'administration a également appliqué la majoration pour manquement délibéré à la rectification relative au passif injustifié, au motif que la société Gancel n'a produit aucun justificatif probant permettant de justifier d'une dette à l'égard de son associé, ainsi qu'à celle relative à la déduction de frais financiers, en l'absence de justification des contrats d'emprunt correspondants, dont le bien-fondé n'est pas contesté. L'administration a ainsi suffisamment motivé l'application de la majoration pour manquement délibéré, dont elle justifie du bien-fondé.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gancel est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande à concurrence des sommes résultant des points 5, 13, 15 et 17. Ce jugement doit dès lors être réformé dans cette mesure et la société Gancel doit être déchargée des impositions et majorations correspondantes. Le surplus des conclusions de sa requête doit en revanche être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Gancel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société Gancel sont réduites, à concurrence de 50 600 euros au titre de l'exercice 2014, de 116 400 euros au titre de l'exercice 2015 et de 140 500 euros au titre de l'exercice 2016.

Article 2 : La base d'imposition à la retenue à la source assignée à la société Gancel au titre de l'année 2016 est réduite à concurrence de 140 500 euros.

Article 3 : La société Gancel est déchargée, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 et de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre de l'année 2016, à concurrence des réductions des bases d'imposition mentionnées aux articles 1er et 2.

Article 4 : La société Gancel est déchargée, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, procédant de la remise en cause du coefficient de taxation prévu au III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts.

Article 5 : Le jugement n° 1905496, 1906438 du 25 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera à la société Gancel la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Gancel est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Gancel et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.

2

N° 21MA02843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02843
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS YDES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;21ma02843 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award