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09/02/2024 | FRANCE | N°23MA02597

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 09 février 2024, 23MA02597


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301780 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procédure devant

la Cour :



I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 et 21 novembre 2023, sous le n° 23MA025...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301780 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 et 21 novembre 2023, sous le n° 23MA02597, Mme A..., représentée par Me Carmier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- s'agissant du moyen commun :

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

s'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet aurait dû saisir la commission de titre de séjour dès lors qu'elle justifie d'une présence en France depuis dix ans ;

- la décision contestée méconnaît l'article 6-1) de l'accord franco-algérien ;

- elle viole les stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de Mme A....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 et 27 novembre 2023, sous le n° 23MA02765, Mme A... représentée par Me Carmier, demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 juin 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens énoncés dans sa requête sont sérieux.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de Mme A....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 23MA02597 et 23MA02765, qui sont présentées par la même requérante, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. Mme A..., née le 25 décembre 1971, de nationalité algérienne, déclare être entrée en France le 24 mars 2011. Elle a sollicité le 28 janvier 2022, une demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Mme A... relève appel du jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et demande à la Cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 23MA02597 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant du moyen commun aux décisions contestées :

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des motifs de l'arrêté en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de Mme A....

S'agissant de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

5. Mme A... soutient résider sur le territoire français depuis le 24 mars 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 24 janvier 2011 au 21 avril 2011. Toutefois, les justificatifs produits par l'intéressée pour attester de sa résidence habituelle en France sont insuffisants au titre des années 2012 à 2014. En particulier, comme l'a relevé le tribunal, elle ne produit aucun document pour les mois de janvier, février, septembre 2012, pour les mois de janvier et août 2013 et de décembre 2014. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-1) de l'accord franco-algérien.

6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...). ".

7. Il ressort de ce qui est dit au point 5 que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir des stipulations de l'article 6-1) de l'accord franco algérien. Par suite, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à sa décision.

8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (....) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Si Mme A... soutient être entrée en France le 24 mars 2011, son ancien passeport porte un tampon d'entrée en France le 5 mars 2011 et de sortie le 24 mars 2011. Il ressort des pièces du dossier que sa mère, sa sœur et ses deux frères résident sur le territoire national en situation régulière. Par ailleurs, la requérante, célibataire, affirme sans l'établir être dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans. Mme A... vit avec sa mère, dont l'état nécessite une assistance quotidienne et elle fait valoir que l'un de ses frères est atteint de troubles psychiatriques sévères l'empêchant de remplir son rôle d'aidant auprès de sa mère. Toutefois, l'appelante n'établit pas qu'elle serait la seule personne à pouvoir lui prodiguer cette assistance par la production de deux certificats médicaux insuffisamment circonstanciés quant à l'état de santé de son autre frère, le certificat médical le concernant se bornant à mentionner que son état de santé le rend inapte à assurer les soins et la surveillance de sa mère et l'impossibilité pour sa sœur de s'en occuper alors même qu'elle souffrirait de diabète, d'hypertension, de dylipidémie, qu'elle prendrait un traitement pour des maladies cardio-vasculaires par Kardégic et porterait une prothèse au genou gauche, d'autant qu'ils résident tous deux à Marseille et que leur mère bénéficie d'une allocation personnalisée d'autonomie à domicile. Si la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt rendu le 24 octobre 2019, a désigné Mme A... en qualité de curatrice de sa mère en lieu et place de l'association tutélaire ATMP de la Drôme, laquelle curatelle a été renouvelée pour 60 mois le 29 juin 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante serait la seule personne à pouvoir assumer ces fonctions alors que l'intéressée n'établit pas que la cour d'appel aurait été informée de la mesure d'éloignement dont elle faisait l'objet. Enfin, la seule circonstance que Mme A... a été embauchée par sa mère depuis le mois de février 2020 en qualité d'employée de maison ne permet pas d'attester d'une insertion professionnelle. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et alors que Mme A... a d'ailleurs fait l'objet de quatre précédents refus de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de Mme A....

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Pour les motifs indiqués aux points 3 à 9, Mme A... n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

11. Les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 9.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. Pour les motifs indiqués aux points 3, 10 et 11, Mme A... n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 novembre 2022.

Sur la requête n° 23MA02765 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :

14. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme A....

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23MA02765 à fin de sursis à exécution du jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille.

Article 2 : La requête n° 23MA02597 de Mme A... et le surplus des conclusions de la requête n° 23MA02765 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024.

2

N° 23MA02597, 23MA02765

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02597
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23ma02597 ?
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