Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision implicite de rejet née à la suite de son recours administratif préalable obligatoire formé le 7 novembre 2019 devant la commission des recours des militaires à l'encontre de la décision du 4 septembre 2019 portant attribution d'un congé de longue durée au titre de la période du 13 juillet 2019 au 12 janvier 2020 sans lien avec le service.
Par une ordonnance n° 2000377 du 14 mai 2020, le président du tribunal administratif de Bastia a transmis la requête au tribunal administratif de Marseille.
Par un jugement n° 2004301 du 20 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en date du 20 avril 2020 qui s'est substituée à la décision implicite de rejet précitée et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 avril 2023 et 13 septembre 2023, le ministre des armées demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A....
Il soutient qu'au regard de la dévolution de la charge de la preuve et de son impossibilité de produire des documents produits par le secret médical, la pathologie de l'intéressé doit être regardée comme ne présentant pas de lien direct avec le service.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du ministre des armées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa pathologie présente un lien direct avec le service ;
- la décision du 20 avril 2020 est entachée d'une insuffisance de motivation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par contrat, à compter du 2 juin 2014, dans la légion étrangère, en qualité de caporal pour une durée de cinq ans. Le 9 avril 2018, son contrat a été renouvelé pour une durée de trois ans à compter du 2 juin 2019. A l'occasion de la réalisation de tests de sélection de commando le 14 janvier 2019, M. A... a été victime de bouffées délirantes aiguës qui ont nécessité son hospitalisation en secteur psychiatrique du 17 janvier 2019 au 1er mars 2019. Par une décision du 4 septembre 2019, M. A... a été placé en congé de longue durée du 13 juillet 2019 au 12 janvier 2020 mais la pathologie dont il souffre n'a pas été reconnue imputable au service. M. A... a saisi, le 7 novembre 2019, la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 4 septembre 2019 en tant qu'elle ne reconnaît pas le lien avec le service. Une décision implicite de rejet est, dans un premier temps, née quatre mois plus tard. Par une décision explicite en date du 20 avril 2020, la ministre des armées a rejeté le recours de M. A.... Le ministre des armées interjette appel du jugement en date du 20 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision précitée du 20 avril 2020 et enjoint à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre l'intéressé.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense dans sa rédaction alors applicable : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / Dans les autres cas, ce congé est d'une durée maximale de cinq ans et le militaire de carrière perçoit, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant trois ans, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. Le militaire servant en vertu d'un contrat réunissant au moins trois ans de services militaires bénéficie de ce congé, pour lequel il perçoit sa rémunération pendant un an, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. Celui réunissant moins de trois ans de services militaires bénéficie de ce congé, non rémunéré, pendant une durée maximale d'un an. / Le militaire placé en congé de longue durée pour maladie continue à figurer sur la liste d'ancienneté, concourt pour l'avancement à l'ancienneté et, dans les cas visés au deuxième alinéa du présent article, pour l'avancement au choix. Le temps passé en congé est pris en compte pour l'avancement et pour les droits à pension de retraite ". En vertu de l'article R. 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : 1° Affections cancéreuses ; 2° Déficit immunitaire grave et acquis ; 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service ". En outre, l'article R. 4138-48 précise que : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, sur demande ou d'office, dans les conditions fixées à l'article L. 4138-12, par décision du ministre de la défense, ou du ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, sur le fondement d'un certificat médical établi par un médecin des armées, par périodes de six mois renouvelables. " Enfin, aux termes de l'article R. 4138-49 dudit code : " La décision mentionnée à l'article R. 4138-48 précise si l'affection ouvrant droit à congé de longue durée pour maladie est survenue ou non du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues par les dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ".
3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été victime, le 14 janvier 2019, à l'occasion de la réalisation de tests de sélection de commando, soit pendant le temps et sur le lieu du service, de bouffées délirantes aiguës ayant nécessité son hospitalisation en secteur psychiatrique pour des troubles psychotiques. Si le ministre des armées produit l'avis technique du médecin général inspecteur du service de santé en date du 7 août 2019 qui estime qu'il n'existe pas de lien entre la pathologie dont souffre M. A... et le service, il ressort néanmoins d'un certificat médical établi le 25 février 2019 par le médecin du service de santé des armées de l'antenne médicale d'Aubagne que la bouffée délirante aiguë dont a souffert l'intéressé, mis alors à très rude épreuve tant physique que mentale dans le cadre d'épreuves pour l'entrée dans les commandos, a signé l'entrée dans une maladie psychotique chronique alors que celui-ci, à qui aucun fait personnel n'est reproché, ne présentait aucun antécédent psychiatrique. Au regard de ces éléments, en dépit de la circonstance que M. A... n'ait pas souhaité communiquer, dans le cadre de la présente instance, le compte-rendu de la visite médicale qui se serait déroulée le 13 mai 2019, lequel est couvert par le secret médical, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa pathologie présentait un lien avec le service et ont, par suite, annulé la décision du 20 avril 2020 et, par voie de conséquence, enjoint au ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie.
Sur les frais d'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024.
N° 23MA01022 2
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