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09/02/2024 | FRANCE | N°22MA01204

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 09 février 2024, 22MA01204


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





La société Cliniques d'Ajaccio a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 34 311,60 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissements en Corse au titre de l'exercice 2018.



Par un jugement n° 2000572 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de la société Cliniques d'Ajaccio.





Procédure devant la cour :




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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cliniques d'Ajaccio a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 34 311,60 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissements en Corse au titre de l'exercice 2018.

Par un jugement n° 2000572 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de la société Cliniques d'Ajaccio.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, la société Cliniques d'Ajaccio, représentée par Me Bernardi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de prononcer la restitution d'une somme de 34 311,60 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissements en Corse au titre de l'exercice 2018.

Elle soutient que :

- la motivation du jugement attaqué portant sur les doctrines invoquées et la prise de position de l'administration par lettre du 15 mars 2019 contrevient aux dispositions des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, au principe de sécurité juridique, au principe constitutionnel d'égalité devant la loi et les charges publiques et au principe d'opposabilité de la doctrine par voie de réclamation ;

- les investissements portant sur des installations à caractère médico-social sont éligibles par nature au crédit d'impôt pour investissements en Corse conformément à l'article 244 quater E du code général des impôts, à l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts et aux paragraphes n° 230 et suivants de l'instruction administrative BOI-BIC-AMT-20-20-20-10 du 12 septembre 2012 ;

- son droit au crédit d'impôt concerne 24 biens qu'elle a acquis, lesquels représentent un investissement de 171 558 euros portant sur des matériels et équipements de bloc opératoire ;

- les investissements en cause ne constituent pas des investissements de remplacement conformément au 1° du I de l'article 244 quater E du code général des impôts et en application du paragraphe n° 400 de l'instruction BOI-BIC-RICI-10-60-10-20 ;

- elle est fondée à se prévaloir de la prise de position formelle prise par l'administration fiscale le 15 mars 2019 et de l'instruction 4 A-12-03 du 26 septembre 2003.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Cliniques d'Ajaccio, qui gère des établissements d'hospitalisation de santé privé à but lucratif, a réalisé, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2018, des investissements d'un montant de 774 910 euros, pour lesquels elle a demandé le bénéfice du crédit d'impôt pour investissements en Corse, pour un montant de 154 982 euros. Par une décision du 15 janvier 2020, l'administration fiscale a partiellement fait droit à sa demande, à hauteur de 114 120 euros. Par un jugement du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de la société Cliniques d'Ajaccio qui sollicitait le remboursement du crédit d'impôt à hauteur de la somme de 34 311,60 euros. Cette dernière relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés (...) et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (...) 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf (...). ". Aux termes de l'article 39 A du même code : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif (...) ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe II au même code : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés (...) peuvent amortir suivant un système dégressif (...) les immobilisations acquises (...) et énumérées ci-après : (...) Installations de sécurité et installations à caractère médico-social (...). / Sont exclus du bénéfice de l'amortissement dégressif les biens qui étaient déjà usagés au moment de leur acquisition par l'entreprise ainsi que ceux dont la durée normale d'utilisation est inférieure à trois ans ".

3. Il résulte de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts, pris pour l'application du 1 de l'article 39 A, que celui-ci inclut au nombre des biens d'équipement que ce texte permet aux entreprises industrielles d'amortir suivant un système dégressif les " installations à caractère médico-social ". Doivent être regardées comme visées, sous cette désignation, les installations affectées par une entreprise aux besoins médicaux de son personnel. Par ailleurs, ces investissements, pour être éligibles au crédit d'impôt pour investissements en Corse, ne doivent pas, conformément à l'article 244 quater E du code général des impôts, avoir pour objet le remplacement d'investissements déjà exploités en Corse pour les besoins de la même activité.

4. Il résulte de l'instruction que les investissements dont l'éligibilité n'a pas été admise par l'administration fiscale, et constitués notamment par des bistouris, un kit d'extraction de vis cassées ou endommagées, un kit de fixateur externe de poignet, un lave bassin, des pinces, des chariots de soins, un garrot électromécanique, des scies et des appuis-bras, sont affectés à l'exécution des prestations que la société requérante assure au bénéfice de sa patientèle. Ils ne peuvent être assimilées à des installations à caractère médico-social au sens de l'article 22 précité de l'annexe II au code général des impôts, lequel désigne ainsi les installations affectées par une entreprise aux besoins médicaux de son personnel. Il en va de même des équipements, notamment ceux à finalité orthopédique ou stomatologique ou ceux dénommés " Agillia SP Tiva ", " Basic conf ", " Pam de chirurgie coudée ", qui sont décrits sommairement par les factures produites et doivent être regardés comme étant également affectés aux soins des patients, alors que la société requérante se borne à mentionner qu'ils sont exclusivement destinés au bloc opératoire. Il n'est pas davantage soutenu, ni même allégué, que ces équipements seraient utilisés principalement à des opérations de recherche scientifique ou technique ou concourraient à un processus de fabrication ou de transformation. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que les investissements en cause, à supposer même qu'ils ne constituent pas des investissements de remplacement, ce qui n'est au demeurant pas établi par la seule attestation du directeur d'une clinique exploitée par la société requérante et la circonstance que des matériels médicaux, distincts des acquisitions litigieuses, sont financés par des contrats de crédit-bail, n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 B est applicable : " 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ".

6. La garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration fiscale. Ainsi, la société requérante ne peut se prévaloir de l'instruction 4 A-12-03 du 26 septembre 2003, des paragraphes n° 230 et suivants de l'instruction BOI-BIC-AMT-20-20-20-10 du 12 septembre 2012 et du paragraphe n° 400 de l'instruction BOI-BIC-RICI-10-60-10-20 du 24 octobre 2019, au demeurant postérieure à l'exercice en litige, pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande tendant au bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts.

7. A supposer que la société requérante ait entendu invoquer le troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qui dispose que " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause ", cette dernière " ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ", il résulte de ces dispositions que la garantie contre les changements de doctrine ainsi prévue ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration. Ainsi, la société Cliniques d'Ajaccio ne peut, en tout état de cause, s'en prévaloir pour contester le refus de l'administration de faire droit à ses demandes tendant au bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, ledit refus ne revêtant pas le caractère d'un " rehaussement d'imposition " au sens de l'alinéa précité. Pour ces mêmes motifs, et alors que sa demande de remboursement du crédit d'impôt n'a au demeurant pas été produite, la société requérante ne peut se prévaloir, en l'espèce, de l'opposabilité de la doctrine fiscale qu'elle aurait invoquée par voie de réclamation adressée à l'administration.

8. Les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales sont insusceptibles d'être invoquées en l'absence de tout rehaussement d'imposition au sens du premier alinéa de l'article L. 80 A. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'existence d'une prise de position formelle de l'administration fiscale par sa lettre du 15 mars 2019, portant au demeurant sur une situation de fait distincte de celle en litige, ne peut qu'être écarté.

9. La société requérante, qui ne peut, ainsi qu'il a été dit, se prévaloir des dispositions précitées des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales et, par voie de conséquence, de l'instruction précitée du 12 septembre 2012 et de la lettre du 15 mars 2019 de l'administration fiscale, n'est, en tout état de cause, pas davantage fondée à se prévaloir d'une méconnaissance des principes de sécurité juridique et d'égalité devant l'impôt et les charges publiques.

10. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, les articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui permettent à toute personne de se prévaloir des instructions administratives publiées dans les conditions prévues par ces dispositions, et qui sont applicables, ainsi que le prévoit l'article L. 100-1 du même code, en l'absence de dispositions spéciales applicables, sont sans incidence sur l'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales qui prévoient que la doctrine ne puisse être invoquée qu'à l'encontre d'un rehaussement d'une imposition primitive précédemment mise en recouvrement.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Cliniques d'Ajaccio n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Cliniques d'Ajaccio est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cliniques d'Ajaccio, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024.

N° 22MA01204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01204
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : FIDUCIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;22ma01204 ?
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