Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... G... C..., Mme D... C..., Mme B... F... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 8 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de Saint-Tropez a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'elle a classé leurs terrains en zone N8, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2103311, 2200009, 2200131 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 janvier 2023 et le 11 décembre 2023, Mme E... G... C..., Mme B... F... et M. A... C..., représentés par Me Destarac puis par Me Duffaud, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 29 novembre 2022 en tant qu'il a rejeté leur demande ;
2°) d'annuler la délibération du 8 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de Saint-Tropez a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, à titre principal, en tant qu'elle délimite une zone N8, à titre subsidiaire, en tant qu'elle a classé leurs terrains en zone N8, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Tropez de saisir le conseil municipal afin que celui-ci se prononce sur le classement en zone urbaine constructible de leurs terrains, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Tropez la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le classement de leurs parcelles en zone N8 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du parti d'urbanisme, des orientations retenues par le projet d'aménagement et de développement durables et des dispositions de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2023, la commune de Saint-Tropez, représentée par Me Antoine, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des consorts C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande des consorts C... devant le tribunal administratif de Toulon est irrecevable en l'absence d'intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens soulevés par les consorts C... ne sont pas fondés.
Par lettre du 13 septembre 2023, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les parties ont été informées de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par ordonnance du 27 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à cette date en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté par la commune de Saint-Tropez a été enregistré le 5 janvier 2024, parvenu à la Cour après la clôture de l'instruction et non communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Duffaud, représentant les consorts C..., et de Me Antoine, représentant la commune de Saint-Tropez.
Une note en délibéré présentée pour les consorts C... a été enregistrée le 22 janvier 2024 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par trois jugements rendus le 1er février 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération du 27 juin 2013 par laquelle le conseil municipal de Saint-Tropez avait approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant notamment qu'elle porte sur la création de " la vaste zone UE qui s'étend de la périphérie sud-ouest de l'agglomération de Saint-Tropez, à partir des quartiers de Belle-Isnarde et de Belle-Vue et qui remonte ensuite vers les quartiers de Maneby et des Canebiers ". Par une nouvelle délibération du 8 juillet 2021 prise après enquête publique, le conseil municipal a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Les consorts C..., propriétaires de terrains précédemment classés dans la zone UE précitée et classés en zone naturelle N8 par la délibération du 8 juillet 2021, en ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Toulon, en tant qu'elle a classé leurs terrains en zone N8. Ils relèvent appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Au point 25 de son jugement, le tribunal administratif a déduit des mentions du rapport de présentation que les critères de classement en zone N8 des terrains précédemment classés en zone UE par la délibération du 27 juin 2013 portaient sur une faible densité de constructions et une présence significative d'espaces boisés classés (EBC) ou d'espaces protégés. Après avoir, au point 30, relevé la présence d'espaces de cette nature en périphérie immédiate du tènement appartenant aux consorts C..., il a considéré que ce tènement était " lié de manière significative à des secteurs à protéger et des EBC voisins ". Il a dès lors répondu de manière suffisamment motivée à l'argument développé par les requérants qui estimaient sur ce point que le classement contesté ne répondait pas au parti d'aménagement retenu par les auteurs du PLU.
3. Si par ailleurs les consorts C... exposent que le jugement serait entaché d'une contradiction de motifs, une telle contradiction, à la supposer établie, affecterait le bien-fondé du jugement et non sa régularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".
5. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
6. Les auteurs du PLU révisé de Saint-Tropez ont délimité une zone naturelle N qui correspond aux secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. Sont regroupées sous ce terme 8 zones dont une zone N8 recouvrant les espaces naturels habités, dans laquelle sont autorisés l'extension mesurée des bâtiments à usage d'habitation existants à la date d'approbation du PLU ainsi que certains bâtiments annexes à l'habitation.
7. Par son jugement du 1er février 2016 cité au point 1, le tribunal administratif de Toulon a prononcé l'annulation partielle de la délibération du 27 juin 2013 au motif que la création de la vaste zone UE n'était pas compatible avec les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, aujourd'hui codifiées à l'article L. 121-8 du même code, subordonnant l'extension de l'urbanisation à sa réalisation en continuité avec les agglomérations et villages existants, cette zone étant " sans réelle cohérence " et comprenant " une urbanisation diffuse, répartie de manière hétérogène sur l'ensemble de son périmètre en raison de l'interposition de parcelles non construites, de nombreux secteurs protégés au titre du 7° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et d'un ensemble d'espaces boisés classés situé à l'est ". Il ressort des mentions du rapport de présentation du PLU révisé approuvé par la délibération du 8 juillet 2021 que les auteurs du PLU ont entendu assurer l'exécution de ce jugement en reclassant les terrains concernés, représentant une surface de 94,5 ha, en zones UD, UE2 ou N8 recouvrant une surface, respectivement, de 1,7 ha, 60,1 ha et 32,7 ha. Ils ont ainsi identifié des secteurs présentant un caractère homogène, soit d'une densité équivalente à celle du reste de l'agglomération et desservis par le réseau viaire, soit d'une faible densité et couverts par une protection ou un EBC. Sans pour autant fixer des critères cumulatifs, ils ont également identifié des secteurs qui, sans être couverts par une protection ou un EBC, peuvent être classés en zone naturelle habitée par " capillarité " du fait de leur proximité avec ces espaces. A ce titre, le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) retient une orientation 1 visant à préserver le cadre environnemental et paysager, impliquant d'assurer le respect des dispositions d'urbanisme spécifiques au littoral dont celles qui limitent l'extension de l'urbanisation, en prenant en considération le jugement précité du 1er février 2016. Cette orientation implique aussi la préservation de l'environnement et des paysages tropéziens, dont la trame verte et bleue (réservoirs de biodiversité, continuités écologiques locales...).
8. Il ressort des pièces du dossier que le règlement graphique du PLU révisé classe en zone N8 un ensemble de terrains couvrant une surface totale de 4,35 ha, situé au sud du quartier des Canebiers et limité, à l'ouest, par des parcelles bâties et la route du Pinet, au sud par la route du Capon et, à l'est, par des parcelles bâties. Ce secteur, qui se plaçait à l'angle nord-ouest de la zone UE prévue par le PLU approuvé le 27 juin 2013 dont le jugement du 1er février 2016 a prononcé l'illégalité, ne comporte que 4 à 5 constructions érigées au sein d'un environnement resté à l'état naturel et en grande partie boisé et n'est desservi que par les routes précitées. Le rapport de présentation le repère sur une carte au nombre des " espaces perméables et agricoles " regardés comme des espaces de respiration entre les zones bâties formant corridors écologiques, permettant le maintien des échanges biologiques entre les réservoirs de biodiversité existant dans la commune. En l'espèce, si cette zone N8 est enclavée au sein de secteurs urbanisés classés, au nord et à l'ouest, en zone UD1 ou, à l'est et au sud, en zone UE2, un alignement d'arbres classé en EBC la traverse du nord au sud et se poursuit jusqu'à un vaste espace classé en zone N8 situé dans la continuité des autres espaces naturels de la commune qui s'étendent jusqu'à la limite sud de celle-ci, classés en zones N1, N3 ou N4 et également en EBC. En outre, des terrains en nature de vigne jouxtent l'angle sud-est de la zone litigieuse. Quand bien même la carte annexée au PADD précisant l'orientation 2 préconisant de maîtriser au développement urbain localise les terrains litigieux au sein de l'agglomération existante et ceux-ci sont desservis par les réseaux, eu égard au parti d'aménagement retenu par la commune, à la densité des terrains concernés très sensiblement faible comparée à celle des espaces voisins, au réseau viaire limité aux deux voies publiques précitées, à leur caractère largement naturel et à leur situation par rapport aux autres zones naturelles, leur classement en zone N8 n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation. Eu égard au caractère homogène de ce même secteur, le classement des seules parcelles, prises individuellement, appartenant aux requérants n'est pas davantage entaché d'une telle erreur. Ceux-ci ne peuvent à cet égard utilement se prévaloir de l'avis contraire du commissaire enquêteur ou de la circonstance que certaines parcelles voisines, qui ne relèvent pas de la même situation objective que les parcelles litigieuses, seraient classées en zone urbaine. En outre, il n'appartient pas au juge administratif de vérifier si un autre classement aurait été possible, mais seulement de s'assurer que le classement retenu n'est pas illégal.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la commune de Saint-Tropez, les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Tropez, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les consorts C..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts C... une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune de Saint-Tropez.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des consorts C... est rejetée.
Article 2 : Les consorts C... verseront à la commune de Saint-Tropez une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... C..., Mme B... F..., M. A... C... et à la commune de Saint-Tropez.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Angéniol, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
N° 23MA00265 2