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01/02/2024 | FRANCE | N°22MA01570

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 01 février 2024, 22MA01570


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Jase Invest a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012.



Par un jugement no 1803507 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, la SARL Jase

Invest, représentée par la SCP Nataf et Planchat, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Jase Invest a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012.

Par un jugement no 1803507 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, la SARL Jase Invest, représentée par la SCP Nataf et Planchat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'administration n'a pas répondu à sa demande de communication de documents obtenus auprès de tiers, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'article 15 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 ne peut s'appliquer qu'aux déficits nés au titre de l'exercice clos en 2012, conformément au principe de sécurité juridique ;

- elle n'a pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité, la même.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Jase Invest ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Jase Invest exerçait initialement l'activité de marchand de biens. Elle a ensuite élargi son activité et exercé une activité de holding. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la déduction des déficits des exercices antérieurs à 2010 au titre des exercices clos en 2011 et 2012, au motif que le changement intervenu en 2010 dans l'activité réelle de la société emportait cessation d'entreprise au sens des dispositions du 5 de l'article 221 du code général des impôts. Elle a par suite assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012. La SARL Jase Invest fait appel du jugement du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

3. La SARL Jase Invest soutient que l'administration fiscale ne lui a pas communiqué les documents relatifs à l'absence de plus-value déclarée par des personnes physiques suite à l'apport de leurs titres à la société en 2010, alors que ces circonstances sont mentionnées dans la proposition de rectification. Toutefois, l'administration s'est référée à des éléments dont elle disposait en propre, et notamment les liasses fiscales de la société faisant apparaitre un compte " titres et participations " d'un montant de 1 399 289 € au 31 décembre 2010 alors qu'il était à néant depuis le 31 décembre 2007, l'absence d'achat de marchandise depuis 2009, de stock, à partir de 2011, et de versement de salaires depuis fin 2007, et n'a pas fondé les redressements sur des renseignements et documents obtenus auprès de tiers. L'absence de plus-value déclarée par les personnes physiques suite à l'apport de leurs titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés est rappelé à titre de conséquences et d'éléments de contexte mais ne constitue pas le fondement des rectifications. L'administration n'a donc pas commis d'irrégularité en s'abstenant de répondre favorablement à la demande de la SARL Jase Invest formulée le 5 janvier 2014.

4. D'autre part, aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts relatif à la détermination de la base de l'impôt sur les sociétés : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire (...) ". Aux termes du 5. de l'article 221 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. Toutefois, dans cette situation, les dispositions de l'article 221 bis sont applicables, sauf en ce qui concerne les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mise en œuvre du droit au report déficitaire est subordonnée notamment à la condition qu'une société n'ait pas subi, dans son activité, des transformations telles qu'elle n'est plus, en réalité, la même.

5. Le I de l'article 15 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a introduit des dispositions nouvelles au 5. de l'article 221 du code général des impôts, fixant les critères d'un changement dans l'activité réelle d'une société. Le II de l'article 15 prévoit que : " Le I s'applique aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012. " Ces dispositions ne sont pas applicables au litige, dès lors que le changement d'activité invoqué par l'administration est antérieur à l'exercice clos le 31 décembre 2012.

6. Pour considérer que l'activité réelle de la société avait changé, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que celle-ci réalisait, depuis sa création en 1998, une activité principale de marchand de biens et une activité marginale de location immobilière, puis qu'elle avait été mise en sommeil au cours de l'année 2009, que depuis lors elle ne déclarait plus de salarié rémunéré, ni ne comptabilisait d'achats et de stocks de marchandises, qu'elle conservait une activité marginale résultant de la mise en location de deux biens immobiliers conservés à l'actif du bilan, dont le chiffre d'affaire s'est élevé à 12 150 euros en 2010, 32 560 euros en 2011, et 27 837 euros en 2012, qu'elle avait bénéficié d'une cession de titres de participation dans des sociétés civiles immobilières à hauteur de 1 399 289 euros en 2010, et que le chiffre d'affaires résultant de sa nouvelle activité de holding s'était élevé à 1 417 700 euros en 2011 et 645 311 euros en 2012. Ces éléments de fait ne sont pas contredits par la SARL Jase Invest. La société fait valoir qu'elle disposait antérieurement de participations dans des sociétés, mais ne conteste pas que ces titres représentaient une part marginale, de l'ordre de 1%, de l'actif du bilan entre 2005 et 2007. Ainsi, indépendamment même des critères issus du I de l'article 15 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, sur lesquels l'administration n'a pas entendu exclusivement fonder les rectifications en litige, celle-ci a pu considérer à bon droit, compte tenu de l'importance prise par l'activité nouvelle de holding familiale, de la cessation de l'activité de marchand de biens, et du caractère déclinant et marginal de l'activité de location immobilière dont la SARL Jase Invest confirme le caractère résiduel, que la société avait subi dans son activité, en 2009, des transformations telles qu'elle n'était plus, en réalité, la même. Dans la mesure où l'administration s'est fondée sur le changement d'activité réelle de la société et non sur celui de son objet social, la société requérante ne peut utilement faire valoir que ce dernier est resté inchangé. L'administration a ainsi pu légalement remettre en cause le report en avant des déficits antérieurs à l'année 2010 en vue de la détermination du résultat imposable au titre des exercices clos en 2011 et en 2012.

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Jase Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Jase Invest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Jase Invest et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

2

No 22MA01570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01570
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SCP NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ma01570 ?
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