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01/02/2024 | FRANCE | N°21MA03223

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 01 février 2024, 21MA03223


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement no 1905662 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer dans la mesure du dégrèvement partiel pron

oncé en cours d'instance, réduit la base d'imposition à concurrence de la somme correspondant aux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement no 1905662 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer dans la mesure du dégrèvement partiel prononcé en cours d'instance, réduit la base d'imposition à concurrence de la somme correspondant aux rectifications résultant de la réintégration des dépenses de travaux concernant l'immeuble 7 rue F... à Narbonne, déchargé les cotisations supplémentaires et les pénalités correspondantes, et rejeté le surplus des conclusions de Mme C... et de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 30 juillet et le 10 décembre 2021, ainsi que le 15 avril 2022, Mme C... et M. E..., représentés par Adenium avocats SARL, doivent être regardés comme demandant à la cour :

1°) d'annuler l'article 5 du jugement du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités restant en litige ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'administration n'a pas réagi dans un délai de soixante jours à la réponse à leur demande de renseignements ;

- elle a méconnu le délai de réponse prévu par l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ;

- la différence instituée par cet article méconnaît le principe d'égalité protégé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le délai de réponse aux observations du contribuable est déraisonnable ;

- l'administration ne pouvait contrôler à nouveau les déficits fonciers de l'immeuble situé 7 rue F... à Narbonne du fait d'une précédente demande de renseignements ;

- le coût des travaux réalisés sur les immeubles situés 7 rue F..., 5 rue du général Leclerc et 10 rue Jean-Jacques Rousseau à Narbonne, ainsi que sur l'immeuble situé 1 rue du 14 juillet à Névian, est déductible de leurs revenus fonciers ;

- ils sont fondés à se prévaloir de la doctrine fiscale référencée 5 D-2-07 ;

- l'administration a commis une erreur dans le calcul des déficits fonciers de Mme C... antérieurs au pacte civil de solidarité qu'elle a conclu avec M. E... ;

- elle a confondu les déficits fonciers reportables avec les dépenses déductibles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... et M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... et M. E... sont liés par un pacte civil de solidarité (PACS) conclu le 8 décembre 2011. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause les charges déduites de leurs revenus fonciers concernant quatre immeubles et les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales au titre des années 2013 et 2014. Par une décision du 18 décembre 2019, l'administration a dégrevé la somme de 4 957 euros pour prendre en compte le montant des déficits reportables de Mme C.... Par un jugement du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement partiel prononcé en cours d'instance, réduit la base d'imposition à concurrence de la somme correspondant aux rectifications résultant de la réintégration des dépenses de travaux concernant l'immeuble 7 rue F... à Narbonne, déchargé les cotisations supplémentaires et les pénalités correspondantes, et rejeté le surplus des conclusions de Mme C... et de M. E.... Ces derniers font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, par un courrier du 28 octobre 2015, l'administration fiscale a adressé aux contribuables une demande de renseignements, qui précisait qu'" en l'absence de nouveau courrier de notre part dans les 60 jours à compter de votre réponse, vous pouvez considérer que les informations que vous nous avez fournies ont permis de compléter votre dossier et que cet examen ponctuel est clos ". Toutefois, ce délai de soixante jours n'est prévu par aucun texte législatif ou réglementaire et n'est donc pas un délai prescrit à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, laquelle est intervenue avant l'expiration du délai de reprise. Par suite, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que l'administration aurait donné une suite tardive à leur réponse à cette demande.

3. En deuxième lieu, le I de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales prévoit qu' : " En cas de vérification de comptabilité ou d'examen de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. (...) "

4. Le moyen tiré de la méconnaissance, par cet article, du principe d'égalité protégé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est irrecevable en application de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, faute d'être présenté par un mémoire distinct et motivé. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas plus qu'en première instance entrer dans le champ d'application de l'article L. 57 A cité ci-dessus. Dès lors, ils ne peuvent utilement faire valoir que l'administration aurait méconnu le délai de soixante jours qu'elles prévoient pour répondre à leurs observations. Hors des cas prévus par cet article, aucun texte n'impartit de délai à l'administration pour répondre à de telles observations. Le délai pris par l'administration pour répondre à celles de Mme C... et M. E... ne peut être irrégulier du fait d'une durée excessive.

5. En troisième lieu, l'interdiction de procéder à des contrôles successifs des mêmes impôts ou taxes pour une même période, prévue à l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, ne s'applique qu'aux vérifications et aux examens de comptabilité. Les requérants ne peuvent donc utilement faire valoir qu'une précédente demande de renseignements adressée à M. E..., qui ne constituait pas une vérification ou un examen de comptabilité, aurait fait obstacle à la procédure de rectification poursuivie par l'administration, qui ne faisait d'ailleurs pas suite à un tel contrôle.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Lorsque des travaux n'ayant pas ce caractère sont effectués dans la même opération, les dépenses exposées à ce titre ne sont déductibles que si les différents travaux sont dissociables.

7. S'agissant de l'immeuble situé 1 rue du 14 juillet à Névian, l'administration a remis en cause les dépenses déduites à hauteur de 59 109 euros pour l'année 2009 et de 38 624 euros pour l'année 2010, au motif que les factures produites portaient sur des travaux de démolition suivis de reconstruction avec en particulier une nouvelle toiture, une surélévation des murs, et une restructuration complète transformant la maison en six appartements. De tels travaux, dont l'ampleur n'est pas contestée, ont à la fois créé de nouveaux locaux d'habitation, porté une modification importante au gros œuvre, et inclus des travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalaient à des travaux de reconstruction. La circonstance qu'ils aient été subventionnés par l'Agence nationale de l'habitat est sans incidence sur l'application de la loi fiscale. Mme C... et de M. E..., auxquels il incombe de justifier des charges qu'ils entendent déduire de leurs revenus fonciers, n'établissent pas qu'une partie de ces travaux aurait relevé d'une opération techniquement et fonctionnellement indépendante de celle correspondant à la reconstruction et à l'agrandissement de l'immeuble, dont elle aurait été dissociable. L'administration a pu à bon droit rejeter la déduction de ces charges.

8. S'agissant de l'immeuble situé 5 rue du G...à Narbonne, l'administration a remis en cause les dépenses déduites à hauteur de 91 089 euros pour l'année 2006 et de 48 337 euros pour l'année 2007, au motif que les factures produites portaient sur des travaux de démolition suivis de reconstruction avec en particulier la démolition de cloisons, de plafonds, de menuiserie, de la toiture entière et de la cage d'escalier, la pose de linteaux et de tuiles, le remontage des clefs de voûte, l'élévation des murs, la pose de poutres, de gouttières et de velux, la création de deux paliers, l'élévation de piliers, le ragréage du sol, la pose de faux plafonds, de murs, de carrelage, de cuisines équipées et de salles de bain, d'un escalier et de parquet, ainsi qu'une installation électrique complète. Selon les requérants, ces travaux ont conduit à porter de trois à quatre le nombre d'appartements de l'immeuble. Ils ont ainsi à la fois créé de nouveaux locaux d'habitation, porté une modification importante au gros œuvre, et inclus des travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalaient à des travaux de reconstruction. L'administration a également pu à bon droit rejeter la déduction de ces charges.

9. S'agissant de l'immeuble situé 10 rue H... à Narbonne, l'administration a remis en cause les dépenses déduites à hauteur de 28 432 euros pour l'année 2010 en écartant deux factures libellées en livres sterling par une entreprise établie en France, ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée et comportant des incohérences et imprécisions. Compte tenu de leurs insuffisances, ces factures ne permettent pas d'établir l'existence, la nature et le montant des travaux déduits des revenus fonciers. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la production de plans ne permet pas par elle-même de justifier de l'existence et du montant de tels travaux, mais tout au plus d'en apprécier la nature lorsque ces éléments sont par ailleurs établis. L'administration a également remis en cause les dépenses déduites à hauteur de 19 385 euros pour l'année 2012 du fait de l'absence de pièces justificatives, ce qui n'est pas contesté par les requérants. L'administration a encore pu à bon droit rejeter la déduction de ces charges.

10. S'agissant de l'immeuble situé 7 rue F... à Narbonne, le tribunal, ainsi qu'il a été dit au point 1, a réduit la base d'imposition à concurrence de la somme correspondant aux rectifications résultant de la réintégration des dépenses de travaux concernant cet immeuble et déchargé les cotisations supplémentaires et les pénalités correspondantes aux articles 2 et 3 du jugement attaqué. Les moyens relatifs aux charges afférentes à cet immeuble sont sans incidence sur les impositions restant en litige.

11. Enfin, Mme C... et M. E... contestent les reports de déficits fonciers déterminés par le service. Ils font tout d'abord valoir que ceux-ci n'ont pas tenu compte de déclarations rectificatives de revenus fonciers qu'ils auraient déposées au titre des années 2009 et 2010. Toutefois, ils ne justifient pas davantage qu'en première instance du dépôt de ces déclarations, lequel est contesté par l'administration fiscale. Ils font également valoir que l'administration n'a pas pris en compte les déficits déclarés par Mme C... antérieurement à la conclusion du PACS avec M. E.... Toutefois, ainsi qu'il a été dit au 1, l'administration a dégrevé la somme de 4 957 euros par une décision du 18 décembre 2019 pour prendre en compte ces déficits. Les requérants reprochent à l'administration de ne pas avoir déduit en priorité les déficits plus anciens de M. E... des revenus fonciers de Mme C... au titre de l'année 2010. Les intéressés faisaient cependant l'objet d'impositions distinctes au titre de cette année, antérieure à la conclusion de leur pacte civil de solidarité.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... et de M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de leur demande. Leur requête doit donc être rejetée, y compris leurs conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... et de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à M. A... E..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

2

No 21MA03223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03223
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : ADENIUM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21ma03223 ?
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