Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2015-871 du 16 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupement pastoral des Chalets de l'Izoard relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des ordres de recouvrement n° APCP 2020900001 et APCP 2020900002 du 19 novembre 2019 par lesquels l'Agence de services et de paiement lui a ordonné de reverser les montants respectifs de 297 001,77 euros et 6 525 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 16 juillet 2015 relatif à un apport de trésorerie remboursable au bénéfice des agriculteurs, dans sa version alors applicable : " Les agriculteurs ayant déposé la demande unique prévue par l'article 11 du règlement (UE) n° 640/2014 du 11 mars 2014 susvisé pour la campagne 2015 peuvent bénéficier d'un apport de trésorerie remboursable sans intérêts dans les conditions fixées par le présent décret. / La date limite de dépôt des demandes de versement de l'apport en trésorerie est fixée au 20 août 2015. Celui-ci est versé à compter du 1er octobre 2015. / L'apport est remboursé par compensation à concurrence des versements des aides de la politique agricole commune demandées dans la demande unique au titre de la campagne 2015 et des soutiens couplés alloués en application de l'article 52 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 susvisé. Les reliquats éventuels sont remboursés par les bénéficiaires au plus tard le 1er février 2016. / L'apport de trésorerie n'est pas octroyé si son montant est inférieur à 500 €. ". Aux termes de l'article 7 de ce même décret : " Le versement de l'apport de trésorerie est assuré par l'Agence de services et de paiement, qui est également chargée du recouvrement prévu par l'article 1er. ".
3. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
4. La " note technique de liquidation " annexée aux titres exécutoires litigieux vise les textes applicables, et en particulier le décret du 16 juillet 2015 précité, et précise les bases de leur liquidation. Il en résulte que les titres exécutoires contestés ont été établis pour le montant total de l'apport en trésorerie remboursable qui avait été accordé au groupement requérant, et qui, en application des dispositions citées au point 2, doit nécessairement être remboursé dans son intégralité dans le délai fixé par ces dispositions, sans distinguer entre la fraction remboursée par compensation avec les aides qui lui ont été effectivement allouées et le reliquat qui doit être soldé par le groupement pastoral. Ainsi, ces titres exécutoires ne sauraient, en tout état de cause, être regardés comme témoignant du montant des aides allouées au groupement. Dans ces conditions, le groupement requérant ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que ces titres n'ont pas précisé les motifs pour lesquels les aides qui lui ont été effectivement allouées étaient inférieures au montant de l'apport en trésorerie remboursable qui lui avait été consenti.
5. Le groupement pastoral n'est, en conséquence, pas davantage fondé à soutenir ni que l'édiction de tels titres exécutoires était subordonnée à l'existence préalable d'une décision de la direction départementale des territoires ou à la réalisation d'un contrôle préalable ni qu'ils avaient à être précédés d'une procédure contradictoire.
6. Aux termes de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. (...) / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / (...) ". Il résulte des termes mêmes du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 que ce texte a pour objet de constituer une réglementation générale devant servir de cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques de l'Union européenne. A cet effet, il comporte des dispositions relatives à la récupération des aides indûment versées à un opérateur économique sur le fondement d'une disposition du droit de l'Union, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à l'action des Etats membres, lorsqu'ils procèdent à la récupération de telles aides.
7. En l'espèce et contrairement à ce que soutient l'association requérante, le recouvrement par l'Agence de services et de paiement du remboursement de l'apport mentionné à l'article 1er du décret du 16 juillet 2015 n'a pas le caractère d'une récupération d'une aide indûment versée. Par conséquent, le groupement requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les poursuites à son égard étaient prescrites, alors, au demeurant, que des premiers ordres de recouvrer n° APCP20160711154 et n° APCP20160857198 avaient été émis à son encontre dès les 12 et 28 octobre 2016.
8. Enfin, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte des dispositions du décret du 16 juillet 2015 que l'apport en trésorerie remboursable qui avait été accordé au groupement requérant devait nécessairement être remboursé dans son intégralité dans le délai fixé par ces dispositions, le groupement requérant ne peut utilement soutenir que les mesures tendant au recouvrement de l'apport de trésorerie remboursable dont elle a fait l'objet sont disproportionnées par rapport au but poursuivi de " soutenir financièrement les agriculteurs ".
9. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement pastoral des Chalets de l'Izoard n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Agence de services et de paiement qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le groupement pastoral des Chalets de l'Izoard non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce groupement une somme de 2 000 euros à verser à l'Agence de services et de paiement au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association du groupement pastoral des Chalets de l'Izoard est rejetée.
Article 2 : L'association du groupement pastoral des Chalets de l'Izoard versera à l'Agence de services et de paiement une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association du groupement pastoral des Chalets de l'Izoard et à l'Agence de services et de paiement.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la cour,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2024.
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N° 22MA02903
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