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26/01/2024 | FRANCE | N°22MA02255

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 janvier 2024, 22MA02255


Vu les autres pièces du dossier.





Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.







Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.







Considérant ce qui suit :



1. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplé...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 et des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2014, en droits et pénalités.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) les dépenses de personnel (...) Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ". Aux termes de l'article 62 du même code : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 (...) ".

3. Suite à la vérification de comptabilité de l'EURL AetM D..., l'administration fiscale a rectifié le montant des rémunérations réellement versées à M. E... au titre des années 2012 à 2014 puis elle a réintégré dans les résultats de la société la part de ces rémunérations effectivement versées à M. E... considérée comme excessive. Elle en a tiré les conséquences à l'égard du foyer fiscal formé par M. E... et son épouse en réintégrant au revenu global de celui-ci, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les rémunérations excessives qu'elle a considérées comme des revenus distribués à M. E... sur le fondement de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne le montant des rémunérations effectivement perçues par M. E... :

S'agissant de l'année 2012 :

4. L'administration a réintégré dans les revenus perçus par M. E... au titre de l'année 2012 la somme de 60 000 euros qui avait été inscrite par la société AetM D... le 1er janvier 2014 au débit du compte 644, alors que M. E... avait reconnu que cette somme avait servi à payer des dépenses personnelles en 2012. Les requérants se bornent à réitérer leur argumentation selon laquelle cette réintégration est " contestable et justifiée " sans apporter aucune justification à son appui. S'ils s'étonnent, pour la première fois en appel, que le montant des revenus regardés comme distribués par l'administration s'élève à la somme totale de 114 750 euros au titre de l'année 2012, ils ne contestent pas utilement de la sorte la réintégration de la somme de 60 000 euros opérée par l'administration et, à supposer qu'ils soient regardés comme contestant le montant des impositions supplémentaires mises à leur charge à ce titre, ils ne contestent pas, en tout état de cause, les sommes autres que celle de 60 000 euros que l'administration fiscale a regardées comme excessives et qu'elle a également réintégrées dans les revenus perçus par M. E... au titre de cette année. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration n'a pu légalement réintégrer dans les revenus perçus par M. E... la somme de 60 000 euros au titre de l'année 2012.

S'agissant de l'année 2013 :

5. L'administration a, au titre de l'année 2013, réintégré dans les revenus perçus par M. E... un montant total de 59 723 euros.

6. Les requérants ne contestent pas davantage en appel qu'en première instance la réintégration d'une somme de 2 602,91 euros correspondant à un crédit personnel Cetelem afférent à l'année 2013 et qui avait été à tort inscrit en comptabilité par la société AetM D... le 1er janvier 2014.

7. Par ailleurs, la société AetM D... avait inscrit dans sa comptabilité, comme des charges au crédit du compte 644 " rémunération de l'exploitant ", les sommes de 11 089 euros et 46 030 euros provenant des transmissions universelles de patrimoine des sociétés Provence Developpement Immobilier et Publimedia Conseils. L'administration a retiré ces sommes du compte 644 et majoré celui-ci en estimant, sans qu'elle soit d'ailleurs contredite sur ce point, que la société AetM D... ayant formulé son option pour le bénéfice de l'article 210 du code général des impôts, les actifs et passifs de la société absorbée devaient être repris pour la valeur qu'ils avaient dans le bilan de celle-ci à la date de la fusion et ne devaient en conséquence pas figurer au crédit du compte 644, qui est un poste du compte de résultat, mais devaient l'être dans un compte de passif (455) comme elles l'étaient dans les comptes de ladite société. Si les requérants, comme en première instance, disent admettre qu'il eût été préférable de mouvementer le compte courant d'associé (455) de M. E... plutôt qu'un compte de charges (644), ils persistent à soutenir que cette différence d'écriture comptable n'aurait eu aucun impact sur le résultat fiscal de la société. Toutefois, ils ne contestent pas de la sorte utilement la rectification en litige alors qu'en tout état de cause et contrairement à ce qu'ils soutiennent, la modification par l'administration de cette inscription erronée des sommes inscrites au crédit du compte 644 n'était pas sans incidence sur le résultat imposable de ladite société, qui s'en est trouvé minoré d'autant et, par suite, la réintégration de cette prétendue charge a nécessairement eu pour conséquence une distribution de revenus. En outre, si l'administration a procédé à la compensation de ces sommes avec celles inscrites sur le compte 455 de M. E..., les requérants ne contestent pas utilement cette opération en se bornant à soutenir que " les prélèvements en compte courant se comptabilisent au débit et non au crédit du compte ".

8. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que les requérants ne sont pas fondés à contester la réintégration par l'administration dans les revenus perçus par M. E... de la somme totale de 59 723 euros au titre de l'année 2013.

S'agissant de l'année 2014 :

9. L'administration a, au titre de l'année 2014, considéré qu'avaient été effectivement perçus par M. E..., d'une part, le montant de 22 000 euros portant l'intitulé " remboursement C... ", inscrit dans les comptes de la société AetM D... le 2 janvier 2014 au crédit du compte 644 et le montant de 90 000 euros portant l'intitulé " compensation LV/A... " inscrit en comptabilité le 30 juin 2014 au crédit de ce même compte 644, qui correspondent à des prêts consentis à la société AetM D... par Mme C... et Mme F... en exécution de conventions de trésorerie, et, d'autre part, le montant de 130 000 euros portant l'intitulé " solde Progim aménagement par LV ", inscrit dans les comptes de la société AetM D... le 31 décembre 2014 au crédit du même compte 644. Les requérants réitèrent en appel leur argumentation selon laquelle les deux premiers montants en cause correspondent à des avances dans le cadre de conventions de trésorerie établies avec Mme C... et Mme A... et que M. E... a pris l'engagement de rembourser ces avances par l'attribution de parts en capital dans des sociétés de son groupe, sans toutefois davantage produire d'élément de nature à l'établir. De même, s'agissant du troisième montant, les requérants ne fournissent encore aucun justificatif du paiement d'une prétendue dette à l'égard de Progim. S'ils ajoutent que " on voit mal en quoi des inscriptions au crédit du compte courant d'associé pourrait influencer en plus ou en moins les rémunérations déclarées par un gérant de SARL ", ils ne justifient toutefois pas de la sorte les écritures comptables en litige. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'inscription de ces sommes dans les écritures de la société AetM D... au crédit du compte 644, et qu'elle a rehaussé en conséquence les rémunérations versées à M. E... au titre de l'année 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. E... avait effectivement perçu de la part de la société AetM D... des rémunérations d'un montant de 163 875, 125 887 et 216 977 euros au titre respectivement des années 2012, 2013 et 2014.

En ce qui concerne le montant des rémunérations considérées comme excessives :

11. L'administration a considéré que les rémunérations perçues par M. E... de la société AetM D... étaient excessives pour les montants excédant 49 125 euros au titre de l'année 2012, 92 741 euros au titre de l'année 2013 et 56 732 euros au titre de l'année 2014. Elle a réintégré dans les résultats de cette société les rémunérations considérées comme exagérées.

12. Les requérants se bornent à soutenir en appel que les rémunérations retenues par l'administration comme justifiées au regard des services rendus ont été, s'agissant des années 2013 et 2014, de respectivement 92 741 euros et 56 732 euros, soit des montants supérieurs aux montants des rémunérations déclarées par M. E... au titre de ces années, soit 66 164 euros et 37 580 euros. Toutefois, ils ne contestent pas ainsi sérieusement le montant des rémunérations considérées comme excessives eu égard aux rémunérations effectivement perçues, soit respectivement 125 887 euros et 216 977 euros, peu important celles qu'il a déclarées. Par ailleurs, l'administration a, comme l'a retenu à bon droit le tribunal au point 10 du jugement attaqué par un motif non sérieusement contesté et qu'il y a donc lieu d'adopter, que la rémunération effective de M. E... était décorrélée de la progression des produits réalisés par la société AetM D... et de l'évolution de ses résultats et qu'en outre, elle a très nettement excédé les produits réalisés par cette société au titre des années 2012 et 2014. Par suite et compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, l'administration a rapporté la preuve du caractère excessif des rémunérations en cause par rapport à l'importance du service rendu par l'intéressé.

En ce qui concerne les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ".

14. Les requérants se bornent à soutenir en appel que M. E... a déclaré des rémunérations inférieures à celles retenues par l'administration alors que c'est précisément pour cette raison qu'ils ont fait l'objet des rectifications en litige. Par suite, et comme l'a jugé le tribunal au point 16 du jugement attaqué par un motif qu'il y a lieu d'adopter, ils n'apportent aucun élément ni ne développent aucun argument de nature à remettre en cause qu'eu égard à la circonstance que M. E... ne pouvait ignorer l'ampleur des rémunérations effectivement perçues et du caractère injustifié des écritures comptables inscrites au compte 644 " rémunération de l'exploitant " et compte tenu de ce que l'administration a retenu la distribution par la société de dividendes d'un montant de 25 000 euros que les requérants ne contestent même plus en appel, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de ceux-ci d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés. Par suite, c'est à bon droit qu'elle leur a infligé les pénalités en litige.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande de décharge.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2024.

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N° 22MA02255

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02255
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : LUCIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;22ma02255 ?
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