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26/01/2024 | FRANCE | N°22MA02182

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 janvier 2024, 22MA02182


Vu les autres pièces du dossier.





Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.





Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Mistre-Veronneau, représentant M. et Mme C... et J..., substituant Me Fitoussi, représentant l'

ONIAM.











Considérant ce qui suit :





1. M. E... C..., né le 18 octobre 1947, a été pris en charge, à compter du 2 j...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Mistre-Veronneau, représentant M. et Mme C... et J..., substituant Me Fitoussi, représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C..., né le 18 octobre 1947, a été pris en charge, à compter du 2 janvier 2018, à l'hôpital de La Timone pour un anévrisme de l'aorte thoracique et de l'aorte abdominale. L'intervention, qui s'est déroulée le 3 janvier 2018, a consisté en la mise en place de deux endoprothèses. A la suite de l'intervention, M. C... a présenté un déficit neurologique et une paraparésie distale constatée à la troisième heure post-opératoire. Celui-ci a sollicité, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, la prescription d'une expertise, ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille le 25 mars 2019, le collège d'experts ayant remis son rapport le 25 octobre 2019. Sa demande préalable d'indemnisation présentée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le 3 avril 2020 et celle tendant à ce que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille lui alloue une somme provisionnelle de 300 000 euros ont été rejetées. M. C... a par ailleurs saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) qui, après avoir demandé un complément d'expertise, a rendu son avis le 9 juillet 2021, estimant que M. C... a été victime d'un accident médical non fautif ouvrant droit à indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, au motif que la condition de l'anormalité du dommage était remplie au regard de la faible probabilité de survenance du risque de paraparésie. Par un jugement du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. C... tendant à ce que l'ONIAM soit condamné à l'indemniser des préjudices consécutifs à sa prise en charge par l'hôpital de la Timone à compter du 2 janvier 2018. M. F... C... et Mme B... C..., qui viennent aux droits de leur père, M. E... C..., suite à son décès survenu en cours d'instance d'appel le 8 février 2023, demandent à la cour d'annuler ce jugement et de condamner l'ONIAM à leur payer la somme totale de 173 414,04 euros, en réparation des préjudices subis par ce dernier.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " Selon le premier alinéa de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. ".

3. La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage. Pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès. Une probabilité de survenance du dommage qui n'est pas inférieure ou égale à 5 % ne présente pas le caractère d'une probabilité faible, de nature à justifier la mise en œuvre de la solidarité nationale.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés, que la paraparésie post-opératoire dont a été victime M. C... constitue un aléa thérapeutique à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 30 %, taux supérieur à celui fixé à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. Toutefois, les experts judiciaires, respectivement spécialistes en chirurgie thoracique et en infectiologie, ont constaté que si l'intervention réalisée sur l'anévrisme thoracique de M. C... a provoqué des lésions neurologiques de type paraparésie distale, l'indication opératoire était formelle du fait du risque de rupture de l'anévrisme compte tenu de son diamètre mesuré à 60 millimètres ainsi que, par ailleurs, des facteurs de risques présentés par l'intéressé, fumeur important et souffrant d'hypertension artérielle. Ainsi, au regard du risque de rupture anévrismale avec des incidences importantes sur le pronostic vital du patient en l'absence d'intervention, la pathologie post-opératoire présentée par M. C... n'est pas notablement plus grave que les conséquences auxquelles il était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement.

5. Par ailleurs, il résulte de l'expertise ordonnée par le tribunal et du complément d'expertise demandé par la CCI à l'un des experts spécialisé en chirurgie cardio-vasculaire, que la paraparésie post-opératoire, qualifiée d'atteinte médullaire par ischémie par l'expertise complémentaire, est directement imputable à l'implantation des endoprothèses dans l'aorte thoracique et constitue une complication " classique ", son taux de survenance étant, dans ces circonstances, estimé, au vu de la littérature médicale, entre 2,5 % et 8 %. En outre, l'expertise judiciaire, au demeurant corroborée sur ce point par la note médicale produite par l'ONIAM établie par le docteur H..., chirurgien vasculaire, et le docteur I... le 12 octobre 2021, expose que ce risque d'atteinte médullaire par ischémie s'accroît notamment en fonction de l'étendue couverte par la prothèse aortique. En l'espèce, la couverture aortique, qui s'élève à 237 millimètres, est supérieur au seuil de 205 millimètres à partir duquel le risque de complications subies par l'intéressé augmente sensiblement. Enfin, il résulte notamment d'une étude de la société européenne de chirurgie vasculaire de 2017 que la position de l'endoprothèse joue également un rôle dans la survenance du risque d'atteinte médullaire, en particulier si celle-ci est positionnée, comme dans le cas de M. C..., au niveau des vertèbres T8-T12. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de se fonder sur la note médicale, produite par l'ONIAM, du professeur D..., chef du service de chirurgie vasculaire à l'hôpital de la Timone, qui s'appuie sur une étude de 2008, la probabilité de réalisation de la complication dont a souffert M. C... doit être regardée comme se situant au moins dans le haut de la fourchette indiquée par le rapport d'expertise et donc comme étant supérieur à 5 %. Par suite, eu égard à ces éléments concordants, aux facteurs de risques cardiovasculaires présentés par M. C..., et alors même que la fiche d'information délivrée à l'intéressé lors de son hospitalisation évaluait le taux de survenue de la complication à 4 % et que la CCI a émis un avis favorable à la réparation par l'ONIAM des préjudices, ce risque ne présentait pas un caractère faible et l'accident médical survenu à la suite de l'intervention du 3 janvier 2018 ne saurait, en conséquence, être regardé comme ayant eu des conséquences anormales au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

6. Il suit de là que M. et Mme C... ne sont pas fondés à solliciter l'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale pratiquée le 3 janvier 2018.

Sur les conclusions tendant à la prescription d'un complément d'expertise :

7. Si M. et Mme C... demandent, à titre subsidiaire, un complément d'expertise afin d'examiner si les soins dispensés par l'établissement hospitalier suite à l'intervention ont été diligents et attentifs, ce complément d'expertise ne présente aucun caractère d'utilité dès lors que des conclusions dirigées contre l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille reposant sur un fondement distinct de celui invoqué en première instance, seraient nouvelles en appel et comme telles irrecevables. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner le complément d'expertise demandé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C..., en leur qualité d'ayants- droit de leur père, M. E... C..., ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande présentée par ce dernier.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu de laisser à la charge de M. et Mme C... les frais de l'expertise confiée au docteur A... et au docteur G..., taxés et liquidés aux sommes respectives de 1 248 euros et 1 000 euros par ordonnances de la première vice-présidente du tribunal administratif de Marseille du 15 novembre 2019.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à Mme B... C... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Une copie pour information sera adressée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2024.

N° 22MA02182

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02182
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité sans faute. - Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : MISTRE-VERONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;22ma02182 ?
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